Une convention a été signée, le 4 avril 2024, entre l’Association tunisienne de recherche immuno-oncologie (ATRIO) et la Fondation Abdelwahab Ben Ayed (FABA) pour le financement de l’étude BIOPEACE (BIOmarkers in Patients with mEtastatic breAst CancEr) ; un projet de recherche innovant dans le domaine du cancer du sein en Tunisie.
Société civile, sociétés savantes, monde pharmaceutique, finance, informaticiens, médias… ont rejoint FABA et ATRIO pour parler d’une nouvelle percée dans la lutte conte le premier cancer chez la femme. Détecté assez tôt, il ne fait pas de gros dégâts, et c’est pour cela que FABA croit en la recherche. Parmi ses dotations : le soutien pour l’éradication du cancer à l’Institut Charles Nicolle, pour les biopsies, pour le soutien de la recherche à l’Institut Pasteur.
« Nous avons un but commun avec ATRIO : conjuguer les efforts et les ressources pour éradiquer cette tare qu’est le cancer du sein », souligne Awatef Mechri, représentante de FABA et DG de Microcred, pour laquelle il existe un lien entre micro-finance et recherche alors que la Tunisie se démarque par sa matière grise et que FABA soutient nos jeunes chercheurs à atteindre leurs rêves. La micro-finance misant sur la lutte contre l’exclusion, dont l’autonomisation des femmes.
1 600 patients sur 4 ans
L’étude BIOPEACE a été entamée pendant la Covid-19. Un protocole a été préparé sur la base de 1 600 patientes sur 3 ans en plus d’une année de suivi. Les malades vont être pris en charge par leur oncologue ; entre-temps, il faut des prélèvements de tissus et de sang, des examens pour rechercher les bio-marqueurs. « Nous avons reçu 1 500 kits par Prochidia (distributeur de réactifs, équipements labo, accessoires médicaux, produits parapharmaceutiques). Grâce à cette étude, nous allons offrir des opportunités de formation pour la maîtrise des technologies impliquées. Grâce à elle, nous allons avoir des réponses à nos questions, y compris celles que l’on ne se pose pas encore. C’est une opportunité de créer un modèle, combiner les biomarqueurs.
FABA contribue à tout cela et nous donne de l’espoir. Nous allions stopper net mais, aujourd’hui, nous redémarrons et cette étude va avoir beaucoup d’impact scientifique, social, économique… C’est un travail d’équipe dans lequel nous sommes tous impliqués », explique Monia Malek, présidente de l’ATRIO.
Démocratiser la médecine de précision
Selon Dr Maher Kharrat, SG ATRIO, les NGS (Next-Generation Sequencing), méthodologie moléculaire qui permet le séquençage rapide de molécules d’ADN ou d’ARN simultanément, ont révolutionné la biologie moléculaire et la médecine de précision. « Pour un traitement ciblé, il est important de connaître l’évolution de la tumeur. Les bénéfices sont une meilleure prise en charge, une meilleure prévention, une meilleure thérapie… et une plus grande employabilité grâce à la formation de compétence, notamment en informatique. Plusieurs pays se sont investis dans la médecine de précision, mais il leur a fallu beaucoup de fonds et une stratégie rigoureuse en matière de diagnostic et de recherche. On n’a pas besoin d’identifier des mutations pour lesquelles on n’a pas de traitement. Pour cela, il faut mener des études-pilotes, notamment à l’Institut Salah Azaiez, pour se préparer à une transition vers une génétique moderne », a-t-il déclaré.
Dr Chokri Jeribi, ancien de l’Institut Salah Azaiez, estime que la première voie d’accès à la médecine personnalisée est sans doute l’intégration, la participation de nos centres dans la chaîne de traitement internationale : « Nous sommes dans un monde de compétition et, pour être impliqué dans les grands essais cliniques, il faut que vous ayez construit votre base de données et vos plateformes de séquençage. On vient alors à vous parce que vous avez de la valeur ajoutée.
Cette étude est déjà disponible sur les plus grands sites spécialisés et elle va attirer des partenaires ».
Il propose 3 axes de recommandations :
– En Tunisie, nous avons les ressources humaines, les institutions, la législation… mais nous manquons de financements. Il faudrait une coopération internationale avec les bailleurs de fonds, mais nos porteurs de projets doivent apprendre à vendre leur savoir-faire. Nous avons besoin de Capacity Building.
– Participer aux grands essais cliniques car il s’agit de la portière vers des financements énormes qui sont mis à la disposition des chercheurs.
– Mettre sur pied un Fonds de recherche clinique, comme l’a fait l’Espagne qui est devenue numéro Un en Europe dans ce domaine.
La rencontre a également été l’occasion d’un débat sur la mise en perspective de l’étude, le développement des bio-marqueurs spécifiques à la population tunisienne, la rationalisation des critères d’identification du cancer, la création d’une bio-banque tunisienne, l’ouverture sur les partenaires étrangers, particulièrement en Afrique subsaharienne.
Awatef Mechri clôture avec une note d’émotion : « Il y a cinq ans, jour pour jour, que Abdelwahab Ben Ayed disparaissait. Il aurait été si fier de cette étude car il ne voulait jamais parler d’un centre de dépistage mais voulait la création d’une grande plateforme vouée à la génétique ».