Le pessimisme concernant les performances économiques de la Chine semble être omniprésent parmi les investisseurs, les économistes et les analystes. Le consensus Bloomberg, un outil qui suit les prévisions des économistes, des groupes de réflexion et des instituts de recherche, illustre bien ce phénomène en présentant un éventail de projections ainsi que le point médian des attentes du marché en matière de croissance dans un pays donné. Les prévisions du consensus Bloomberg font état d’une faible croissance chinoise de 4,6 % en 2024, soit 60 points de base (pb) en dessous de la croissance de l’année dernière et 140 pb en dessous de la moyenne de croissance à long terme du pays.
La croissance en Chine
(à long terme contre récent et prévu, a/a, %)
Sources: Bloomberg, analyse QNB
L’affaiblissement des prévisions de croissance fait suite à une période de vents contraires consécutifs pour la Chine. Il s’agit notamment d’un arrêt soudain de l’élan après la dernière vague de la pandémie en Chine en 2022, d’une crise immobilière, d’un soutien politique médiocre, d’une profonde récession manufacturière mondiale et de l’incertitude du secteur privé associée à des mesures réglementaires agressives à l’encontre des entreprises innovantes.
Toutefois, malgré tous les vents contraires et les prévisions négatives, un optimisme modéré est de mise en ce qui concerne la croissance en Chine. Selon nous, trois facteurs soutiennent une croissance supérieure au consensus de 5 % pour le pays en 2024.
Tout d’abord, le gouvernement vient d’annoncer une croissance du PIB de 5 % comme indicateur économique clé pour l’année, ce qui laisse présager des mesures politiques plus agressives. Cela s’explique par le fait que les décideurs chinois sont de plus en plus préoccupés par le ralentissement de l’économie nationale. Nous pensons que les autorités chinoises sont désormais désireuses de faire passer leur politique macroéconomique d’une position neutre à une position favorable ou accommodante. Jusqu’à présent, les actions politiques n’ont consisté qu’en quelques séries de réductions des taux d’intérêt, d’injections de liquidités et de dépenses limitées dans des projets d’infrastructure. Toutefois, les déclarations récentes des autorités budgétaires et monétaires semblent justifier l’objectif de croissance plus agressif du gouvernement. Sur le plan budgétaire, le gouvernement a fixé le déficit budgétaire général à 6,6 % du PIB, ce qui est beaucoup plus élevé que les attentes du marché. En outre, le gouvernement central et les autorités locales disposent encore de ressources inexploitées de l’année dernière à déployer en 2024, ce qui pourrait porter le déficit budgétaire « effectif » à 7,7 % du PIB. Cela équivaudrait à une forte impulsion budgétaire. Sur le plan monétaire, les responsables de la Banque populaire de Chine (PBoC), la banque centrale du pays, ont annoncé de nouvelles mesures d’assouplissement au cours des prochains mois.
Différentiel de taux d’intérêt entre les États-Unis et la Chine
(a/a, %, 2018-2024)
En second lieu, le début du cycle d’assouplissement aux États-Unis dans le courant de l’année devrait également favoriser une série de mesures de relance plus agressives de la part de la Banque populaire de Chine (PBoC). Lorsque la Fed commencera à réduire ses taux pour la première fois depuis plus de quatre ans, la PBoC disposera d’une plus grande marge de manœuvre pour poursuivre l’assouplissement sans créer d’incitations supplémentaires aux sorties de capitaux de la Chine. Ces dernières années, le différentiel de taux d’intérêt entre les États-Unis et la Chine s’est considérablement modifié en faveur des États-Unis, les rendements américains plus élevés attirant des entrées de capitaux du reste du monde, y compris de la Chine. Cela a créé une pression sur le renminbi, qui s’est déprécié de 14,3 % depuis son récent sommet de février 2022. La stabilité du taux de change étant l’un des objectifs de la politique monétaire de la PBoC, les autorités monétaires n’ont pas pu apporter un soutien plus important à l’économie chinoise en perte de vitesse. Par conséquent, un cycle d’assouplissement de la Fed devrait débloquer davantage de stimulants monétaires de la part de la PBoC, ce qui donnerait un coup de pouce à l’économie chinoise.
En troisième lieu, l’industrie manufacturière devrait soutenir davantage la croissance chinoise au cours des prochains mois. Après une « récession manufacturière mondiale » exceptionnellement profonde et longue, qui dure depuis 2022, on s’attend à un tournant positif vers un cycle d’expansion. L’indice PMI (Purchasing Manager’s Index) de l’industrie manufacturière mondiale, un indicateur opportun de l’amélioration ou de la détérioration de l’activité, a atteint son niveau le plus bas en juillet de l’année dernière et s’est amélioré par la suite. Les dernières données, qui datent de février 2024, indiquent déjà une activité expansionniste. Un cycle manufacturier expansionniste prend souvent de l’ampleur rapidement et dure environ un an et demi. Cette évolution devrait être favorable à la Chine, car l’industrie manufacturière représente 26 % du PIB du pays.
Dans l’ensemble, bien que nous ne nous attendions pas à une forte croissance en Chine cette année, nous pensons que les attentes générales du marché sont trop négatives. Un engagement plus ferme du gouvernement chinois en faveur d’une croissance plus forte, une plus grande marge de manœuvre de la politique monétaire pour réduire les taux et un cycle manufacturier mondial plus favorable devraient soutenir l’expansion économique autour de l’objectif officiel de 5%.
D’après communiqué