Les pays riches ont une « dette morale » de 500 milliards de dollars par an envers les pays pauvres, estime l’économiste Esther Duflo, lauréate du prix Nobel, qui propose que les pays développés assument la responsabilité du réchauffement climatique à travers deux taxes.
« C’est ce que j’appelle une dette morale. Ce n’est pas le coût de l’adaptation, ce n’est pas ce qu’il en coûterait pour l’atténuer. C’est ce que nous devons », a déclaré, mardi 23 avril l’économiste dans une interview au Financial Times, faisant principalement référence aux effets du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.
« Il y aura d’énormes dégâts », poursuit Duflo, qui cite une étude menée par le Global Impact Lab en 2020 montrant que le nombre de décès liés à la chaleur risque de s’envoler dans les pays pauvres d’ici la fin du siècle.
« Les dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l’Organisation de coopération et de développement économiques », a-t-elle ajouté, soulignant la responsabilité des pays riches dans le changement climatique.
Les pays du G7 (Allemagne, Canada, États-Unis, France, Italie, Japon, Grande-Bretagne), soit 10 % de la population mondiale, émettent environ 25 % du dioxyde de carbone associé au système énergétique mondial, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
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Esther Duflo s’appuie sur les travaux de l’économiste américain Michael Greenstone qui, à partir d’une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l’effet du réchauffement climatique sur l’augmentation de la mortalité, calcule le coût d’une tonne de charbon à 37 dollars. En multipliant cela par le montant des émissions annuelles attribuées à l’Europe et aux États-Unis, équivalentes à 14 milliards de tonnes de CO2, le prix de la « dette morale » s’élève à 518 milliards, estime le prix Nobel.
Pour le financer, elle propose d’augmenter le taux d’imposition minimum des multinationales et de taxer les gros patrimoines, deux mécanismes qui permettraient, selon elle, de couvrir le budget annuel.
Le financement climatique dû par les pays riches aux pays en développement est actuellement fixé à 100 milliards de dollars par an. La COP29, en novembre à Bakou, devrait fixer le nouveau montant au-delà de 2025.
Le futur objectif, essentiel au rétablissement de la confiance entre le Nord et le Sud, sera bien en-deçà des besoins : les pays en développement (hors Chine) auront besoin de 2 400 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour financer leur transition et s’adapter au changement climatique, selon les calculs des experts de l’ONU. .
Dans le même temps, de nombreux scénarios sont au centre des négociations internationales pour trouver comment combler le vide, notamment l’allégement de la dette des pays pauvres ou l’innovation financière via de nouvelles taxes internationales.