Le discours de M Hédi Mechri, le directeur du magazine « L’Economiste maghrébin lors du Forum de l’Économiste maghrébin en 2024 met en lumière un enjeu crucial pour la Tunisie : la relance des Investissements Directs Étrangers (IDE) dans un contexte mondial en mutation. Cet événement, présidé par M. Habib Karaouli, célèbre cette année sa 25ème édition, marquant ainsi un quart de siècle d’engagement en faveur du développement économique et des débats stratégiques.
Discours du 24 avril 2024
Dîner-débat
« Relancer les IDE dans le nouveau contexte mondial »
Bonsoir,
Monsieur le Gouverneur de la BCT dont, si je ne me trompe, c’est la première apparition publique, Excellence, monsieur l’ambassadeur et chef de la Délégation de l’UE à Tunis, Monsieur le représentant du ministre des Affaires Etrangères, de la migration et des Tunisiens à l’étranger, en charge de la Direction Générale de la Diplomatie économique et culturelle Madame la présidente de l’Instance tunisienne de l’investissement.
Messieurs les ministres, Excellences, nos chers invités et amis,
Je suis- ce soir -, nous sommes, l’ensemble de l’équipe de l’Economiste maghrébin et bien évidemment Si Habib Karaouli, qui nous fait chaque année l’honneur de présider le Forum en y apportant sa disponibilité et son dévouement ;nous sommes, mesdames et messieurs, à la fois heureux et comblés de vous accueillir pour un nouveau débat, un moment fort du Forum annuel de l’Economiste maghrébin qui en est cette année à sa 25e édition.
Comme il est de tradition, ce débat organisé avec le concours de la Délégation de l’UE à Tunis est plus qu’une invitation à la réflexion sur un thème majeur, central, dont on n’a pas encore fini de parler et dont on parlera dans les semaines sinon dans les mois à venir.
Des propositions et des recommandations, il y en aura à l’issue de cette rencontre. Et je suis persuadé que monsieur le Gouverneur de la BCT, Si Fethi Zouhair Nouri et Monsieur Mourad Belhassen, auront à cœur de les prendre en considération, tout en y apportant leur propre éclairage.
Cette année, de concert avec Son Excellence M. Marcus Cornaro, dont on ne saluera jamais assez l’engagement et l’implication personnelle pour la promotion et l’affermissement des relations Tunisie-UE, nous avons jugé utile de procéder à une sorte de revue des investissements étrangers dont l’évolution et le volume au cours des années post-révolution sont en deçà de ce qu’ils devraient être, au regard du potentiel scientifique, technique, technologique et des opportunités d’investissements propres au pays. Etant entendu que 85% de ces investissements, aujourd’hui en mode ralenti, sont d’origine européenne. Ce qui ne manque pas de soulever un certain nombre d’interrogations.
Je ne veux pas dire que ces investissements étaient à leur plus haut niveau dans les années qui ont précédé la rupture politique de 2011, mais on ne peut s’empêcher de relever une baisse tendancielle des IDE au point d’avoir le pressentiment que le site Tunisie est à peine perceptible quand il figure dans les écrans radars des multinationales principales pourvoyeuses d’investissements qui structurent l’économie mondiale. Quoique en signal ces deniers temps une réelle éclaircie qui serait de bon augure.
Il y a donc besoin et nécessité de nous focaliser ce soir sur ce sujet d’importance majeure.
Mesdames et messieurs
Les IDE avaient dès le début des années soixante-dix amarré la Tunisie à l’Europe qui fut notre porte d’entrée dans l’économie-monde : ils avaient un effet éducateur, structurant et ont stimulé l’investissement local. Par bien des aspects, ils ont changé la physionomie de l’économie nationale.
Plus de 3 000 entreprises étrangères étaient à l’œuvre dans les activités manufacturières à l’orée du 21e siècle, faisant de la Tunisie l’atelier de l’Europe. Elles employaient près de 350 000 salariés, soit près du 1/3 des emplois industriels, et généraient un fort flux d’exportations et de recettes en devises. Les IDE nous dispensaient de surcroît d’un recours excessif aux emprunts extérieurs. La dette était contenue et pleinement maîtrisée et servait surtout à financer les investissements structurants, d’avenir.
On mesure, à l’aune de ce bref rappel historique, tout l’intérêt sinon l’urgence de notre débat de ce soir.
Comment expliquer l’inflexion à partir de 2010 qui nous a relégués loin derrière les pays de la région. De 2010 à 2023, les IDE en euros ont chuté de près de 40% en euro et de 51 % exprimés en dollars. La Tunisie attire le moins d’IDE dans l’espace euro-méditerranéen alors qu’elle a la vocation et les attributs pour prétendre à un meilleur rang.
Certes, il y a eu la crise des sub-primes de 2008-2009 qui n’était pas sans conséquence sur la dynamique des IDE. Le pays n’était pas encore remis des dommages collatéraux de cette crise qu’il fut fortement impacté par le choc de la révolution avec son cortège d’instabilité, de désordre qui confinait au chaos.
L’instabilité politique, sociale et fiscale sur fond d’insécurité a lourdement impacté les investissements de quelque origine qu’ils soient. Le mouvement de repli s’est accentué avec l’apparition de la crise sanitaire qui a paralysé l’économie mondiale. La crise sanitaire a figé pendant plus d’un an l’économie mondiale, mise quasiment sous cloche.
Elle a néanmoins et paradoxalement revalorisé le site Tunisie en raison de sa proximité de l’UE. On sait depuis, pour de multiples raisons, que la crise sanitaire mondiale et ses répercussions économiques et sécuritaires ont remis en cause les fondements mêmes de la mondialisation devenue du coup moins heureuse.
Sommes-nous au tout début d’un brusque basculement géopolitique ? Tout porte à le croire avec au final une mondialisation régionalisée, entre amis en quelque sorte, avec pour effet la recomposition des chaînes de valeur frappées du sceau de la proximité (du nearshoring ou friendshoring). Dans cette nouvelle architecture qui pourrait se mettre en place, la Tunisie doit retrouver la place qui doit être la sienne dans le banquet des investissements extérieurs.
Le pays doit se préparer à cette nouvelle donne, cette nouvelle réalité, en améliorant autant que faire se peut le climat des affaires. En la matière, il faut le libérer de toutes les entraves pour libérer l’investissement extérieur autant que local, et la croissance. Plus de stabilité fiscale, une administration moins procédurière et plus digitalisée au service de l’investissement, notamment en PPP jusqu’ici sans grand effet. La bonne nouvelle, c’est l’annonce du nouveau code de change fort attendu par les opérateurs économique résidents ou non résidents.
Nous avons ce soir le privilège d’avoir avec nous le gouverneur de la BCT, Si Fethi Zouhair Nouri. En votre nom, je lui renouvelle toutes mes félicitations et lui souhaite plein succès dans ses nouvelles fonctions. Il répondra à cet égard à vos questions et à vos attentes sur le code de change, ses retombées sur les IDE et sur la politique monétaire qu’il entend poursuivre à l’effet de stabiliser les prix tout en stimulant la dynamique des investissements étrangers.
Des IDE qui sont sous la loupe de l’instance tunisienne de l’investissement sont aussi dans le viseur de notre diplomatie. Il y a aujourd’hui comme un vent de réorganisation, de modernisation et de redéploiement de notre diplomatie plus conforme à l’air du temps, plus orienté coopération, partenariat, échanges commerciaux et investissements.
Une diplomatie, au service de l’attractivité du site Tunisie et d’une coopération Tunisie-UE rénovée, approfondie. Bref d’un partenariat gagnant-gagnant…On aura de plus amples explications de Mme Namia Ayadi et Monsieur Mourad Belhassen et M. Marcus Cornaro n’en pense pas moins, ce qui ne l’empêche pas peut-être d’avoir d’autres arguments à faire valoir. Autant dire qu’il y a un bon débat en perspective.
Merci de votre attention. »