Le niveau d’endettement public et les réformes structurelles semblent aujourd’hui relégués au second plan dans l’histoire de la crise tunisienne. L’urgence semble plutôt résider dans la stimulation de la demande globale et le freinage de l’inflation. Pourtant, nos dirigeants semblent se concentrer principalement sur des questions secondaires. Tandis que le pays semble se débattre intérieurement.
Malheureusement, rien ne semble avoir changé depuis longtemps : comme le dit le dicton, « quand le sage montre la lune, la majorité regarde le doigt »… Un comportement que Jean-Paul Fitoussi (RIP) appelait le théorème du lampadaire : chercher ses clés de voiture près du lampadaire.
La Tunisie et ses technocrates semblent condamnés à répéter les mêmes erreurs (crise des années 65-69, 78-80, 82-85, 97-99, etc.). En effet, la mauvaise gouvernance de la politique monétaire et de change, caractérisée par des taux d’intérêt inappropriés, se révèle actuellement incapable de redresser une économie et une activité en état de léthargie chronique.
Seules des politiques publiques, relevant de la responsabilité de l’État, pourraient briser ce cercle vicieux où moins de demande entraîne inévitablement encore moins de demande et donc une baisse de la production et plus de chômage.
La Tunisie a besoin de stimuler sa demande. Ce qui implique des mesures de relance budgétaire/fiscale et des déficits appropriés plus importants. Surtout pour encourager l’investissement d’infrastructure et l’investissement privé productif. Contrairement à ce que prétendent certains experts et économistes orthodoxes, le chômage élevé n’est pas simplement causé par des finances publiques désordonnées. Il découle principalement d’un manque de demande. En d’autres termes, le chômage persiste parce qu’il n’y a pas suffisamment de « déficits adéquats ».
Cette vérité élémentaire est ignorée par l’intelligentsia tunisienne, qui, au lieu de promouvoir des politiques de relance et de stimulation pour résoudre la crise actuelle, adopte un Pacte de Stabilité financière, synonyme d’austérité.
En réalité, cette obsession de l’équilibre budgétaire contribue à transformer la Tunisie en un désert économique et à martyriser les citoyens tunisiens, en particulier la classe moyenne, qui peine à consommer et à investir.
Imposer l’austérité ne suffit évidemment pas à relancer l’activité économique. De plus, il est totalement contre-productif sur le plan macroéconomique d’exiger que seules les entreprises les moins compétitives subissent les ajustements et les rééquilibrages nécessaires dont l’État a désespérément besoin pour retrouver la croissance et l’emploi.
Actuellement, la Tunisie ne peut pas rompre unilatéralement avec sa propre monnaie via son taux de change, sur lequel l’État a peu de contrôle. Cependant, il est possible de neutraliser partiellement les effets négatifs de la dépréciation lancinante du dinar, qui entraîne en grande partie une inflation importée, en optant pour une politique de change plus dynamique.
Cela serait préférable à la réduction du pouvoir d’achat des couches sociales les plus vulnérables.
Le contrat social, actuellement en sommeil, requiert que les couches sociales qui ont bénéficié de l’inflation et d’une augmentation du pouvoir d’achat grâce à des revenus non salariaux (tels que les loyers et les marges commerciales non encadrées) manifestent leur solidarité.
Il est nécessaire d’opérer un profond changement de mentalité parmi les membres les plus aisés de la société, qui se considèrent souvent comme vertueux alors qu’ils pratiquent en réalité une forme de désolidarisation tout aussi déloyale qu’inhumaine.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)