Le gaspillage alimentaire est un véritable problème en Tunisie. Pour une famille tunisienne composée de cinq personnes, il génère une perte financière d’environ 85 dinars par mois et qui atteint jusqu’à 340 dinars durant le mois de ramadan. Face à cette donne, il est impératif de comprendre ce phénomène pour mieux agir contre ses effets. C’est ce qu’a indiqué jeudi 25 avril, Ridha Abbes, coauteur d’un rapport sur l’état des lieux du gaspillage alimentaire en Tunisie.
Le gaspillage alimentaire désigne en effet, toute denrée alimentaire destinée à la consommation humaine qui est dégradée, perdue ou jetée au niveau des différents maillons de la chaîne alimentaire. A savoir la production, la collecte, la transformation, la distribution et la consommation.
Sur la base d’une enquête menée par l’Institut national de la consommation (INC), le rapport, présenté, jeudi 25 avril, à la Cité des sciences de Tunis, par l’association Racines et développement durable (RDD), précise que les principaux aliments gaspillés par les ménages tunisiens sont : le pain avec un taux de gaspillage de 15,7 %; les produits céréaliers (10,2 %); les légumes (6,5 %); mais aussi les fruits (4,2 %); les produits laitiers (2,3 %); et les viandes (1,9 %).
« Les pertes et gaspillage de produits alimentaires deviennent de plus en plus significatifs. Ils contribuent à réduire la disponibilité des aliments, à accélérer la dégradation de l’environnement et à accroître le recours aux importations alimentaires. Que ce soit pour une entreprise ou pour un particulier, les pertes et gaspillages constituent la perte d’une production ou d’un achat et à ce titre une perte financière. D’autant plus que l’alimentation est le premier poste de dépenses d’un ménage tunisien, avec un taux de 30,1 % » souligne encore M. Abbes.
« En se référant au coût du gaspillage alimentaire estimé en 2016 par l’INC à 17 dinars/personne/mois, on peut dire que le gaspillage alimentaire représente en moyenne environ 12 % des dépenses alimentaires et 3,6 % du total des dépenses effectuées par le Tunisien », a-t-il précisé.
De son côté, Ali Abaab, expert et coauteur du rapport a indiqué que « le gaspillage pèse lourd sur le budget de l’Etat. Et ce, étant donné qu’une grande partie des produits alimentaires gaspillés sont subventionnés et souvent importés en devises. Ainsi, environ 22 % des subventions allouées à la farine pour la fabrication du pain sont gaspillés. Selon la même étude de l’INC, le pain gaspillé coûte environ 100 millions de dinars à la collectivité nationale, soit environ 22,2 % des 450 millions de dinars alloués par le budget de l’état pour subventionner la farine du pain en 2017 ».
Le rapport s’est également, attaqué aux répercussions environnementales du gaspillage alimentaire. Il précise « qu’il affecte les empreintes écologique et carbone à travers des consommations excessives des ressources naturelles et la dégradation des écosystèmes. Il contribue aux émissions des gaz à effet de serre, au dérèglement des cycles biogéochimiques et des écosystèmes, à la consommation excessive des ressources de l’eau, à l’érosion des sols et à la perte de la biodiversité.
Les aliments gaspillés sont en majorité jetés en tant que déchets constituant ainsi une source de pollution significative. Notamment avec les modes actuels de la gestion des déchets, caractérisés par des faibles taux de couverture de la collecte et le recours quasi automatique à la mise en décharge ».
Adopter des approches circulaires
En guise de recommandations, les auteurs de l’étude estiment que « le secteur agroalimentaire et les consommateurs doivent adopter des approches circulaires qui donnent la priorité à des régimes alimentaires durables et sains pour tous, tout en réduisant les déchets au minimum».
« Dans ce cadre, il faut commencer par connaitre le phénomène et quantifier les niveaux de gaspillage alimentaire à tous les stades et chez tous les acteurs économiques et les consommateurs et mobiliser le plus grand nombre d’acteurs concernés pour définir et mettre en œuvre les actions permettant de réduire les gaspillages ».
Pour Nabil Hamdi, Directeur du Programme des Villes Durables et point focal du programme SWITCHMED, la lutte contre le gaspillage alimentaire passe par l’instauration d’un cadre légal encadrant cette question et instaurant une sur-taxation des déchets provenant du gaspillage alimentaire, la mise en place d’un cadre incitatif à la lutte contre le gaspillage alimentaire et de mécanismes spécifiques pour promouvoir le recyclage des déchets.
Le responsable a également recommandé la promotion des start-up actives dans le développement de solutions de lutte contre le gaspillage alimentaire et de valorisation des déchets, le recours à l’intelligence artificielle et aux solutions technologiques pour sensibiliser et impliquer les citoyens dans cette lutte, la mise en œuvre du plan d’action de lutte contre le gaspillage alimentaire de la municipalité de Tunis et sa duplication dans les autres régions.
Il a aussi plaidé pour la sensibilisation des élèves et des étudiants à travers l’installation de “gâchimètres” pour peser les restes alimentaires dans les écoles et les universités ainsi que pour la mise en place, en collaboration avec l’UTICA, de sessions de formations au profit des détaillants et des consommateurs sur les techniques de lutte contre le gaspillage alimentaire.
Avec TAP