Eradiquer le marché parallèle et rétablir la confiance des investisseurs étrangers, voilà les principales raisons annoncées par les autorités monétaires égyptiennes lors de leur décision de laisser flotter la livre et d’augmenter le taux d’intérêt à 27,75%, le 8 mars 2024. Malgré les dévaluations successives depuis 2022, le gap entre le cours sur le marché officiel et celui du marché informel n’a cessé de se creuser pour atteindre des niveaux record en janvier dernier, où le dollar s’est échangé contre 70 livres sur le marché noir alors qu’il valait officiellement seulement 31 livres.
Il est évident que cette libéralisation, pouvant entrainer une fuite de capitaux imminente et une inflation galopante, n’aurait pas été adoptée sans les promesses généreuses et un plan de sauvetage international de plus de 50 milliards de dollars. La première tranche de l’enveloppe de 35 Mds de dollars versée par le fonds souverain d’Abou Dhabi pour financer le mégaprojet de Ras-al Hikma et l’augmentation du prêt du FMI, passant de 3 à 8 Mds de dollars, ont ouvert le bal pour que la Banque mondiale et l’Union européenne promettent à l’Egypte des prêts à hauteur de 6 et 8 Mds de dollars, respectivement. Une récompense pour le rôle de « gendarme » joué dans la région.
Cette aubaine financière a pu provisoirement stabiliser la dégringolade de la livre et réduire l’écart entre le taux officiel et celui du marché parallèle. Toutefois, la chute de 50% des revenus du canal de Suez suite aux perturbations en mer Rouge, l’augmentation record de l’évolution de la dette nominale de 18,5% par an entre 2013 et 2023 et le malaise social alimenté par un taux d’inflation de plus de 35%, peuvent anéantir la stabilité de la livre, comme ce fut le cas dans le passé.
Il faut rappeler qu’en 2016, les autorités égyptiennes avaient aussi annoncé leur passage à un régime de change flottant, mais la fragilité de l’économie et sa non-résilience aux différents chocs, nationaux et internationaux, ont vite obligé les autorités à changer de cap.
Un passage à une convertibilité totale handicapée par des fondamentaux qui brillent par leur fragilité, finira par enfoncer le pays davantage dans les méandres de l’insoutenabilité, tant qu’une dynamique de réformes structurelles tarde à voir le jour.
Par Lamia Jaidane-Mazigh
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 893 du 24 avril au 8 mai 2024