Le 3 mai 2024, Journée mondiale de la liberté de la presse, la plateforme Medfeminiswiya, en collaboration avec la Délégation de l’Union européenne en Tunisie, a organisé à Tunis, au Gold Tulip El Mechtel, une table ronde sur le thème : « Femmes journalistes et contextes répressifs en Méditerranée ».
Le coup d’envoi a été donné par l’ambassadeur de l’UE, Marcus Cornaro. Il a tout d’abord félicité l’engagement des femmes journalistes qui défendent courageusement la liberté d’expression et de presse, une valeur fondamentale souvent mise à mal dans de nombreux pays.
Il précise : « Je tiens également à saluer toute la famille des journalistes, femmes et hommes, en cette Journée mondiale de la liberté de la presse, qui se tient cette année dans un contexte de plus en plus difficile et même inquiétant, où l’exercice de la profession de journaliste est devenu malheureusement synonyme de risque et de danger. La liberté de la presse est un droit fondamental qui garantit aux journalistes, femmes et hommes, la liberté d’enquêter, de nous informer sur une multitude de sujets, de diffuser des opinions diverses, de commenter, de débattre et de critiquer. Elle est liée à la liberté d’expression, permettant à chacun et chacune d’entre nous d’exprimer ses opinions dans le respect mutuel, même lorsque celles-ci divergent des opinions dominantes. La liberté de la presse favorise la transparence, la diversité des perspectives, le respect pour les opinions différentes, et nous permet de forger nos propres opinions de manière autonome, sans subir de manipulations ou de censures ».
Le diplomate européen ajoutera : « La liberté et le pluralisme des médias sont les fondements de la démocratie. La promotion d’une presse libre et indépendante est cruciale pour les sociétés démocratiques et les droits humains. Dans ce contexte, l‘apport des voix féministes à la presse indépendante est indiscutable. Elles contribuent en outre à créer un environnement propice à la prise de parole plurielle et collective et, de ce fait, à renforcer les sociétés démocratiques et inclusives. Leur contribution est d’autant plus remarquable au vue des défis spécifiques auxquels ces femmes journalistes sont confrontées, tels que la violence en ligne, le harcèlement et les discriminations liées au genre, à la race et à la classe. Ces défis prennent souvent la forme de diffamation, de violences à caractère moral, verbal, physique, sexuel, de menaces envers leurs proches et d’intimidations, de discours de haine entravant leur capacité à exercer leur métier avec liberté et sécurité ».
Marcus Cornaro : « 73 % des femmes journalistes ont été victimes de violences en ligne liées à leur travail«
Il rappelle dans son allocution que selon une enquête mondiale de l’UNESCO, en 2020, 73 % des femmes journalistes ont été victimes de violences en ligne liées à leur travail. Face à ces attaques, leur courage et leur résilience sont admirables. Toutefois, il est impératif de briser le silence et de dénoncer ces agressions pour protéger les droits des femmes journalistes, garantir leur liberté d’expression et leur droit à un environnement de travail sûr.
En ce qui concerne la liberté de la presse et le pluralisme, des médias sont sous pression à l’échelle mondiale, y compris en Tunisie et au sein de l’Union européenne. Marcus Cornaro revient sur le dernier rapport annuel sur la sécurité des journalistes, le Syndicat national des journalistes tunisiens, ayant recensé 257 agressions contre des journalistes et photojournalistes femmes et hommes, durant la période allant du 15 octobre 2022 au 15 octobre 2023. Pour l’année 2024, on en est déjà à 211.
De ce fait, il souligne que « si l’on regarde les rapports annuels du Syndicat sur la situation de la liberté de la presse en Tunisie, on s’aperçoit que le nombre d’agressions contre les journalistes augmente considérablement d’une année à l’autre (139 en 2019 contre 257 en 2023). Alors qu’en Europe, les députés européens ont récemment évalué les droits fondamentaux de l’UE pour les années 2022 et 2023, exprimant des préoccupations majeures. Ils ont plaidé, entre autres, pour une justice face aux meurtres de journalistes, saluant aussi un accord qui vise à renforcer la liberté des médias… »
Et de poursuivre : « L’Union européenne, demeure résolument engagée à promouvoir la liberté d’expression et l’égalité des genres dans ses relations extérieures, notamment à travers le plan d’action de l’Union européenne en matière d’égalité des genres (GAP III) ».
Par ailleurs, il convient de noter qu’à la date du 30 novembre 2023, le Conseil et le Parlement européens ont conclu un accord sur une législation destinée à protéger les journalistes et les défenseurs des droits humains. Le 5 avril 2024, cette législation a été adoptée officiellement pour protéger les personnes s’exprimant sur des questions d’intérêt public contre des poursuites abusives visant à les réduire au silence.
Il conclut : « Notre débat d’aujourd’hui souligne l’importance de reconnaître, de valoriser et de soutenir les expériences des femmes journalistes et leur liberté d’expression. Il est impératif de promouvoir et de défendre une presse libre, indépendante et inclusive, tout en protégeant et en renforçant les droits des femmes. C’est une condition sine qua non pour construire une société démocratique, respectueuse des droits humains et égalitaire pour toutes et tous dans notre diversité. Enfin, je tiens aussi à souligner à ce propos qu’à la Délégation de l’Union européenne, nous sommes conscients de l’importance de soutenir les initiatives de ce genre. C’est pourquoi nous avons décidé d’appuyer pour la deuxième fois consécutive cette rencontre du réseau MedFemiNiswya, après presque deux ans de leur dernière rencontre à Tunis en novembre 2022, car nous sommes totalement convaincus que « la liberté de la presse passe, aussi, par les femmes journalistes« .