« La blessure est l’endroit par lequel la lumière entre en vous », disait le poète, théologien et mystique persan Galāl al-Dīn Rūmī (1207-1273). La blessure, qu’elle soit morale ou physique, qu’elle laisse une cicatrice ou non, est une leçon, une expérience et une étape importante, car la douleur nous marque et nous enseigne à la fois. Évoluant dans ce contexte, l’artiste visuelle Sana Chamakh tient sa première exposition individuelle du 19 avril au 30 juin 2024 à l’espace culturel privé 32 BIS à Tunis. Le sujet de l’exposition a trait aux cicatrices.
Souvent considérées comme une laideur marquant le corps humain, l’artiste visuelle Sana Chamakh a su saisir la beauté de ces marques dans sa première exposition individuelle intitulée « Strata Of Being ». Une exposition qui nous appelle à surmonter la douleur et à accepter nos propres corps tels qu’ils sont. C’est à partir de plusieurs cicatrices de personnes qu’elle connaît qu’elle a concentré son exposition, qui triomphe de la blessure et des cicatrices.
Dans une partie de l’exposition, elle a réalisé des moulages en silicone pour imiter les cicatrices de personnes proches d’elle, donnant un aspect véridique à l’exposition. Notre artiste évolue entre le monde des beaux-arts et celui de la mode. Son parcours universitaire le montre clairement : elle a commencé par intégrer l’école des beaux-arts, des études qu’elle a choisi d’interrompre pour s’essayer au stylisme à Esmod, où elle a obtenu un master en arts plastiques. Elle travaille sur tous les matériaux ayant un rapport avec le corps, notamment le tissu. Sana estime que le tissu n’est pas un simple objet sans âme.
« Le tissu est l’accompagnateur de l’homme depuis sa naissance jusqu’à sa dernière demeure. Au moment de la naissance, il est enveloppé de tissus et lors du décès, il est enveloppé d’un autre tissu qui est le linceul », explique-t-elle sa vision pour le tissu. À travers sa démarche artistique, la jeune artiste, née en 1995 et qui travaille entre Tunis et Paris, explique que les cicatrices nous marquent autant physiquement que psychiquement. « Je veux déconstruire le corps pour créer un corps hybride. Il ne faut pas avoir peur ni honte de nos cicatrices. Le corps, ça s’accepte comme il est », nous dit-elle avec conviction et détermination. Ainsi, elle se positionne comme révisionniste des normes et des préjugés sociaux autour du corps humain.
Notre artiste a déjà commencé par sa propre blessure et ses cicatrices, où elle a observé pendant deux ans la gestation et les changements de leurs couleurs pour imiter l’évolution des couleurs dans l’un de ses tableaux affichés à l’exposition.