À l’annonce du décès de l’écrivain et animateur Bernard Pivot, mort à l’âge de 89 ans, Stéphane Bern, le présentateur de Secrets d’histoire sur France 2 a confié sa « tristesse pour celui qui nous faisait aimer les livres, qui avait transmis sa passion des mots à la France entière, pendant des décennies. Un homme toujours enjoué, drôle, moqueur et infiniment bon ».
L’écrivain, animateur et journaliste Bernard Pivot nous a quittés hier lundi 6 mai 2024 à l’âge de 89 ans à Neuilly-sur-Seine des suites d’une maladie, probablement le cancer, le mal du siècle.
« J’ai quitté le Goncourt en décembre 2019. Mes ennuis de santé ont commencé tout de suite après, en janvier 2020 » expliquait-il dans une interview accordée au JDD en avril 2023. « Je suis resté silencieux parce que le mal m’a frappé à la tête, siège du cerveau et de la parole. Mieux vaut se taire en attendant que la mémoire se recharge et que la pensée refleurisse » confiait-il, sans jamais avoir publiquement révélé le mal qui le rangeait.
Pascal Bruckner, philosophe et académicien Goncourt, s’est confié à BFMTV après le décès de Bernard Pivot. « Il allait mal, mais on ne savait pas exactement à quel point ce mal allait être fatal. Et donc Pivot était venu nous voir il y a un an et demi pour un déjeuner, et il n’avait pas beaucoup d’appétit, c’était mauvais signe. Il était maigre », a-t-il indiqué à la chaîne d’information en continu. « Mais l’Académie c’était un peu sa propriété, sa chose. C’était sa famille. Et il voulait s’assurer que les gens s’entendaient bien, que les choix littéraires étaient bons, que l’entente régnait entre nous. Il avait toute sa place et l’on espérait le réinviter cette année avant l’été. Je n’aurais jamais cru qu’il allait partir aussi vite ».
« Apostrophe », l’émission culte
Cet amoureux de lettres, « passeur, populaire et exigeant, cher au cœur des Français » selon l’hommage posthume d’Emmanuel Macron, a été le créateur de la célèbre émission « Apostrophe » sur Antenne 2 où il recevait notamment les grands écrivains comme Marguerite Duras, Georges Simenon, Vladimir Nabokov, Charles Bukowski, Patrick Modiano ou encore Jean d’Ormesson. Il avait également présenté l’émission « Bouillon de culture » et organisé à partir de 1985, les Dicos d’or, un championnat d’orthographe devenu international.
Élu membre de l’Académie Goncourt en 2004, Bernard Pivot a été le premier non-écrivain à rejoindre la prestigieuse institution. Son passage reste marqué par la transparence et surtout des règles de déontologie relatives à l’attribution du prix Goncourt, notamment l’interdiction de tout membre du jury d’avoir une activité au sein d’une maison d’édition.
Un homme libre
Homme de principes, et alors qu’il s’apprêtait à être décoré de la Légion d’honneur, Bernard Pivot a préféré refuser la plus haute distinction française en 1992. « C’est une prime à la notoriété et je n’ai pas envie de me retrouver avec mon petit ruban rouge devant des gens que j’admire et dont je sais qu’ils le mériteraient beaucoup plus que moi. Et, seconde raison, j’ai toujours pensé qu’un journaliste en activité ne doit pas l’accepter. Il se trouve que la gauche me l’a offerte, puis la droite, puis la gauche, et il me semble que si j’acceptais je serais un petit peu moins libre », avait-il confié.
Hommages
La disparition de Bernard Pivot laisse un vide immense dans le monde de la littérature. Dans ses dernières interviews, il s’était confié sur ses regrets. Il avait notamment évoqué le temps qu’il n’avait pas pu passer avec ses enfants à cause d’une carrière très prenante. « J’ai beaucoup travaillé, trop peut-être », avait-il déclaré. « J’ai sacrifié beaucoup de choses, y compris ma vie de famille ».
L’écrivain Frédéric Beigbeder a réagi sur le plateau de CNews à la mort de Bernard Pivot. « C’est un esprit, c’est la liberté, c’est la curiosité, c’est l’insolence. Ce qu’il avait comme qualité, c’est aussi l’humour, l’impertinence ».
Et de poursuivre : « J’ai eu la chance d’aller une fois dans une émission de Bernard Pivot, c’était « Bouillon de culture », c’était en direct et c’était dangereux. C’était une émission très risquée parce qu’il vous envoyait à la figure tout ce qu’il pensait. Il lisait attentivement, il prenait des notes, il cornait les pages, il soulignait les phrases. Il faisait un travail titanesque et il faut le dire, car ce n’était pas un animateur de télé entouré de gens qui travaillaient à sa place. »
Pour sa part, le Premier ministre, Gabriel Attal, a rendu hommage à celui qui « incarnait le rendez-vous de toute une époque, un monde littéraire, politique, sociétal, toujours au service des mots. Entre les lumières des livres et celles de la télévision, entre une émission exigeante et populaire, entre les arts et les lettres : toute sa vie, il aura joué de cet équilibre en refusant de choisir. C’est ce qui lui a donné une place si singulière dans le cœur des Français », a écrit le Premier ministre sur X.
Idem pour Jack Lang, l’ancien ministre de la Culture qui considère que ce fils d’épiciers lyonnais « aura fait lire des millions de Français. Ses émissions de télévision étaient cultes. Il était un dévoreur de livres. Bernard Pivot avait la fureur de lire et il savait la transmettre aux autres ». Ajoutant que « son insatiable gourmandise des mots aiguisait en nous l’appétit irrésistible de découvrir les auteurs qu’il aimait. Bernard Pivot aura porté l’art incomparable de l’interview à la perfection, sachant avec bienveillance, curiosité, vivacité et humour, faire accoucher de l’interviewé le meilleur de lui-même. Il est entré dans la légende ».
Paix à son âme.