L’Agence mondiale antidopage (AMA) ayant souligné, le 30 avril dernier, la non-conformité de la Tunisie au Code mondial antidopage, il en résulte que le drapeau tunisien ne sera pas autorisé à être levé aux Jeux olympiques et le pays ne devrait plus pouvoir accueillir de championnats régionaux, continentaux ou mondiaux. Genèse d’un « crime odieux contre le peuple tunisien », dixit Kaïs Saïed.
Comment rester insensible aux images poignantes publiées sur la page officielle de Carthage, montrant le président de la République, Kaïs Saïed – visiblement très affecté, en colère – assister en pleurs à une cérémonie de levée du drapeau national, embrassant avec ferveur l’emblème de la Tunisie, porteur des valeurs d’une nation, de son histoire et de sa culture ?
La scène s’est passée lors de la visite inopinée que le chef de l’Etat a effectuée, vendredi 10 mai 2024, à la piscine olympique de Radès à l’occasion du déroulement des compétitions de la 7e édition du Tunisian Open Master, un tournoi international de natation pour les nageurs de 25 ans et plus, organisé par la Fédération tunisienne de natation.
« Un crime odieux »
De toute évidence, cette visite a eu lieu à la suite du déplorable incident survenu la veille à la même piscine olympique où le drapeau tunisien fut caché avec un vulgaire bout de tissu. Et ce, pour se conformer aux sanctions annoncées par l’Agence mondiale antidopage à cause de la non-conformité de l’organisation nationale tunisienne antidopage (ANAD).
Dans la foulée, le locataire du palais de Carthage présidait une réunion au palais du gouvernement à La Kasbah, en présence d’Ahmed Hachani, chef du gouvernement, de Leila Jaffel, ministre de la Justice, de Kamel Fekih, ministre de l’Intérieur, de Kamel Deguiche, ministre de la Jeunesse et des Sports, de Mourad Saidane, directeur général de la sûreté nationale, et de Hussein Gharbi, directeur général de la Garde nationale. A l’issue de la réunion, il ordonna la prise de mesures immédiates aux niveaux judiciaire et administratif, affirmant que « ceux qui ont couvert le drapeau tunisien d’un bout de tissu ont commis un crime odieux contre le peuple tunisien et ne doivent pas rester impunis ».
Pour sa part, le ministre de la Jeunesse et des Sports, Kamel Deguiche, a réagi en ordonnant à l’Inspection générale de son ministère l’ouverture d’une enquête sur cet incident. Dans un communiqué daté du vendredi 10 mai 2024, le ministère a confirmé cette démarche et promis « des mesures contre les responsables une fois le rapport de l’inspection reçu ».
Sanctions sévères
Mais quid des graves sanctions prises par l’Agence mondiale antidopage contre la Tunisie qui ont surpris l’opinion publique et provoqué l’ire du chef de l’Etat ? Rembobinage des faits.
Mardi 30 avril, l’Agence mondiale antidopage annonça des sanctions contre la Tunisie pour non-conformité au Code mondial antidopage. Ainsi, notre pays ne pourra plus organiser de championnats, qu’ils soient régionaux, continentaux ou mondiaux. De plus, le drapeau national devra rester en berne lors des cérémonies des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 jusqu’à ce que le pays puisse être réintégré par l’AMA. D’autre part, les représentants tunisiens ne seront pas non plus éligibles pour siéger dans les comités ou conseils d’administration de l’AMA.
Ainsi, dans un communiqué, l’Agence explique que la décision de non-conformité, « définitive » et « avec effet immédiat » à l’encontre de la Tunisie, résulte de « son incapacité à mettre pleinement en œuvre la version 2021 du Code mondial antidopage au sein de son système juridique ».
La même source indique que la Tunisie « disposait de quatre mois à partir de novembre 2023 pour adopter un certain nombre de modifications aux textes législatifs et réglementaires pour se conformer au code du cadre juridique tunisien ». Toutefois, début avril, « les non-conformités n’étaient toujours pas résolues et l’organisation nationale tunisienne antidopage (ANAD) n’a pas contesté l’allégation de non-conformité de l’AMA ».
Déni
À qui la faute ? Qui pourra nous expliquer pourquoi les autorités compétentes n’ont-elles pas pris les mesures nécessaires afin d’adapter nos textes législatifs et réglementaires au Code mondial antidopage, alors qu’elles disposaient d’un laps de temps suffisant pour le faire, en l’occurrence quatre longs mois ?
Dans un communiqué paru mercredi 1er mai 2024, le ministère de la Jeunesse et des Sports a réagi aux sanctions annoncées par l’AMA contre la Tunisie en assurant que l’État tunisien « veille constamment à développer la législation nationale pour qu’elle soit conforme à la législation internationale ». Mais qu’il « veille également à ce que tout cela se fasse dans le cadre du respect de la souveraineté nationale et des procédures nationales pour l’adoption des textes juridiques (législatifs et réglementaires) ».
La même source insiste sur « l’importance de s’informer auprès de sources fiables afin de réfuter toute rumeur ou interprétation malveillante ». D’autant plus que « certains, notamment à l’intérieur du pays, propagent de fausses nouvelles dans des buts éloignés de l’intérêt national ».
Bref, le texte assure que la Tunisie « veille » à respecter ses engagements internationaux dans le cadre de la « souveraineté nationale ». Mais, diable, en quoi notre souveraineté est-elle en opposition avec les conventions signées par l’État tunisien en matière de Code mondial antidopage ? Allez comprendre quelque chose…