Face aux défis du réchauffement climatique et de la guerre russo-ukrainienne, la Tunisie doit repenser sa souveraineté alimentaire. Le stress hydrique, lié au changement climatique, impacte non seulement la production agricole, mais aussi l’économie et la sécurité nationales.
Noureddine Ben Ayed, président de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche maritime, a mis l’accent sur la nécessité pour le gouvernement de rétablir la considération pour les agriculteurs, hommes et femmes, en tant qu’acteurs économiques et partenaires stratégiques, et non pas simplement comme une catégorie sociale. Il a estimé que le véritable accomplissement lorsque la Tunisie n’aura plus besoin d’importations alimentaires. C’est sur cet objectif que l’organisation agricole et les acteurs du secteur se concentrent.
Il part du constat que la sécurité alimentaire et hydrique est une responsabilité collective du gouvernement, des institutions et du secteur professionnel. Cela dit, indépendamment des défis liés aux changements climatiques ou encore le manque de ressources, il a souligné que les acteurs des secteurs agricole et de la pêche maritime croient fermement que la souveraineté alimentaire est une question nationale et qu’ils ont un rôle vital à jouer dans sa réalisation. Ainsi il revient sur la mise en place du Conseil supérieur de la souveraineté dont il espère voir le jour prochainement. Et ce après l’aval de la présidence de la République puis du gouvernement.
Il a insisté sur la nécessité de revoir les lois relatives aux secteurs de l’agriculture et de la pêche maritime, en s’appuyant sur l’avis des professionnels. Et ce dans le but de prendre des décisions efficaces.
Le président de l’union régionale des agriculteurs, Hassan Latif, a confirmé que le gouvernorat de Sousse souffre de multiples difficultés, en particulier d’une grave pénurie d’eau. Et ce en marge de la commémoration du 60e anniversaire de l’évacuation agricole.
Environ 3 millions de mètres cubes d’eau traitée sont gaspillés en mer. De plus, les précipitations cette saison dans le gouvernorat étaient en dessous de la moyenne en raison de la faible pluviométrie dans la région.
Cependant, certaines précipitations cette année ont sauvé quelques hectares d’oliviers ayant souffert pendant des années de sécheresse et de dessèchement.
Il a souligné qu’il existe des solutions, notamment en exploitant à nouveau les 3 millions de mètres cubes d’eau traitée déversés en mer, et en les utilisant pour les cultures fourragères et les zones d’irrigation publiques. De plus, il a appelé à la réparation du port de Sousse, qui a causé la destruction de 7 navires récemment, et a souligné les difficultés de la pêche maritime en raison de l’état déplorable de l’infrastructure portuaire.
De son côté, le président de l’Union Régionale de l’Agriculture et de la Pêche à Béja, Chokri Djebbi a souligné que les agriculteurs des zones irriguées rencontrent toujours des difficultés persistantes. Malgré une amélioration notable des niveaux d’eau dans les réservoirs du barrage de Sidi Salem et de Baraket par rapport à l’année précédente, les barrages restent fermés à ce jour.
En parallèle, des efforts sont déployés avec l’administration générale des ressources en eau au ministère de l’Agriculture pour fournir des intrants fourragers et des arbres fruitiers, bien que le ministère insiste sur l’existence d’un problème d’eau.
Il a souligné que les agriculteurs comprennent l’importance de l’eau potable en priorité, mais les accords internationaux stipulent également la nécessité de fournir de l’eau pour l’irrigation tout en garantissant l’eau potable. De ce fait, pour faire face aux difficultés rencontrées, il lance un appel au ministère de l’Agriculture de convertir une partie de l’eau des barrages pour l’irrigation des vergers fruitiers. Et ce pour que les vergers fruitiers de la région de Béja et d’autres régions ne subissent pas des dommages irréparables.
Le président de l’Union régionale de l’agriculture et de la pêche maritime du gouvernorat de Kebili , Taoufik Toumi a mis en lumière les défis multiples du secteur des dattes, notamment la salinisation de l’eau et la baisse de la nappe phréatique.
Il rappelle que les oasis structurées par l’État depuis 1956 ne dépassent pas 10 mille hectares, alors que les agriculteurs de Kébili ont développé 30 mille hectares supplémentaires au cours des vingt dernières années, sans bénéficier de privilèges, de soutien financier ou de régularisation de leurs terres.
Pour sa part Amor Chermiti, professeur universitaire et ancien DG de l’INRAT, a proposé de parler surtout de souveraineté alimentaire et nutritionnelle. Il a souligné l’importance de la qualité des produits agricoles tels que l’huile d’olive, qualifiée la meilleure au monde, déclarant: « Il serait plus judicieux de se concentrer sur la qualité plutôt que sur la quantité, et à redéfinir l’agriculture pour l’avenir en mettant l’accent sur les agriculteurs et l’accès aux marchés locaux, régionaux et internationaux. »
Il a conclu en s’adressant aux jeunes d’être amoureux de l’agriculture, car celle-ci doit être perçue comme une passion plutôt que comme un simple outil de production.