Il parait que la grippe aviaire est en train de sévir dans notre cheptel bovin. La vache ! Déjà qu’on l’a en grippe cette viande bovine depuis que son prix frôle les 50 dinars, si en plus les oiseaux s’en mêlent, on n’est pas sorti de l’étable. En tout cas, pas le secteur animalier, qui passe par une période de vaches maigres et qui sera, si l’information se confirme, égorgé vif. Entre-temps, saigné à blanc, le bon peuple n’aura, dans ce cas, qu’à brouter pour trouver de quoi se nourrir.
Une aberration de plus au moment où on parle de souveraineté alimentaire. C’est vrai que, dans notre cas de figure, on ne pouvait pas faire grand-chose du moment que le mal venait d’ailleurs. D’ailleurs, il n’est pas le seul à franchir nos frontières sans qu’on ne puisse rien faire. Les migrants subsahariens font de même. Même si une bonne partie de la population commence à les prendre en grippe, il n’en reste pas moins qu’ils n’ont pas les attributs d’oiseaux pour survoler les terres d’un pays à un autre sans être pris dans les filets.
On nous dit qu’il y a derrière tout cela des bandes mafieuses, qu’elles le font avec l’idée de déstabiliser le pays. C’est très vraisemblablement vrai, faut-il pour autant pousser le raisonnement jusqu’au bout et essayer de savoir par quels pays ils transitent pour, le cas échéant, les accuser d’être des complices. Il s’agit là de prendre le taureau par les cornes et de commencer à résoudre le problème en s’attaquant à ses racines. Dans le cas contraire, et c’est le cas, on continuera à les regarder débarquer, avec cette image de milliers de migrants vivant dans des oliveraies ou dans des maisons squattées. Cela frôle le vandalisme et ça dérange. Cela peut aussi créer des tensions avec les populations locales qui, à raison, commencent à craindre pour leur sécurité. Tout cela est vrai, sauf qu’on parle là d’êtres humains. C’est bête de le rappeler, mais les traiter comme du bétail, c’est vache, même s’il faut passer par là pour satisfaire nos amis européens.
Faut-il rappeler à ce propos que ce sont précisément ces mêmes Européens qui ont promis soutien et aide si on jouait au gendarme et qu’on arrivait à bloquer le flux de rafiots vers les rives nord de la Méditerranée ? Sauf qu’en regardant de plus près la tirelire, on a comme le sentiment d’être menés en bateau. On pensait qu’avec cette histoire de migration, on avait trouvé la vache à lait. Il s’avère qu’on est vachement à côté de la plaque.
Tout cela pour dire qu’on se trouve quelque part comme Lucky Luke, le cowboy solitaire qui tire à blanc sur de fantomatiques frères Dalton, sans parvenir à récupérer l’argent volé à la banque. Précision : dans la fiction, les frères Dalton ne sont pas daltoniens. Ce n’est pas forcément le cas dans la réalité, où le manque de vision est légion.
C’est tout vu même si, actuellement, tous les regards sont ailleurs. Ils sont en train de scruter cette liste qui s’allonge de candidats à la présidentielle. Ce n’est pas qu’en démocratie, ce soit une mauvaise chose. C’est même le signe que cette démocratie née de la révolution s’engraisse. Elle le fait en mangeant ses propres enfants. Mais c’est ce que veut le peuple, n’est-ce pas ?
En attendant, et pour revenir à nos bovins menacés de grippe aviaire, les vaches peuvent continuer à brouter paisiblement, les gardiens du temple veillent sur elles.
Le mot de la fin est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 894 du 8 au 22 mai 2024