Jusqu’à la rédaction de ces lignes, le mardi 7 mai 2024, 17 banques ont publié leurs états financiers relatifs à l’exercice 2023. L’image n’est pas définitive, mais les grandes conclusions et chiffres sont déjà là.
Vers les 1 600 MTND de bénéfices nets
Les banques qui ont publié leurs états financiers ont affiché un bénéfice cumulé total de 1 474,630 MTND contre 1 263,229 MTND en 2022, soit une hausse de 16,7%. Etant donné qu’il y a la STB, CitiBank, la BFPME et la BTL qui n’ont pas encore publié leurs résultats, nous pensons que le seuil de 1 600 MTND de profits nets sera facilement dépassé. Une belle performance à mettre à l’actif d’un secteur qui parvient à faire tourner une machine à profits qui s’est adaptée à tous les contextes.
A noter que trois établissements affichent des pertes à cause de la dégradation de la qualité d’actifs et le tour de vis prudentiel de la Banque centrale qui insiste sur la constitution de suffisamment de provisions par un secteur qui prépare toujours son passage aux normes IFRS.
Un actif d’environ 145 000 MTND
C’est la taille de l’actif du secteur, qui n’est pas loin du PIB aux prix courants. Le secteur croît rapidement, avec des bilans de plus en plus exposés aux risques souverains. Aux normes tunisiennes actuelles, cela ne pose aucun problème du moment que pour une banque locale, l’Etat, c’est du zéro risque. Mais aux yeux des agences de notation et des institutions financières internationales, cela mérite bien une décote vu le risque souverain et la notation du pays. C’est donc ce qui fait que le secteur est résilient en monnaie locale, mais vulnérable en normes internationales.
Mais cela consolide aussi une industrie financière clé pour l’économie tunisienne. Le gonflement de la taille des bilans pose des défis d’ordre prudentiel, ce qui explique les limitations que la Banque centrale renouvelle chaque année sur la politique de distribution de dividendes. Vu que la majorité absolue des actionnaires de référence des établissements de crédits sont dans l’incapacité d’injecter de l’argent frais dans des opérations d’augmentation de capital, et que les minoritaires refusent de suivre sur le marché, il faut passer par la case constitution de capital à travers les réserves et les résultats reportés.
Les dépôts dépassent le cap symbolique des 100 MdsTND
C’est le montant des dépôts dans les banques tunisiennes, constituant une base solide pour financer l’économie, privée et publique. Hors BTL, TSB et BFPME, les dépôts ont progressé de 7 133,012 MTND sur une année. Il y a de la richesse qui s’accumule, attirée par un taux de rémunération d’épargne historiquement élevé. Les dépôts à terme et d’épargne ont constitué l’essentiel de ces flux, ce qui signifie des coûts de ressources encore plus hauts.
Le défi est de pouvoir garder ces montants lorsque les rendements des placements commencent à baisser. Il y a une forte probabilité de les voir passer auprès des OPCVM, qui peuvent encore offrir un rendement supérieur aux produits classiques d’épargne durant deux années au moins à travers les véhicules hebdomadaires.
L’encours net de crédits proche des 96 MdsTND
C’est le montant des crédits nets accordés par les banques à l’économie. Il faudra tenir compte des créances classées pour avoir une idée du ratio de transformation qui devrait respecter le seuil réglementaire de 120%. Il y a une marge pour encore octroyer des prêts. Le problème réside dans le manque de projets bancables. De nos jours, les banques ne cherchent pas les affaires en croissance qui consomment des fonds de roulement, mais plutôt les affaires profitables. Il y a aussi la problématique des garanties. C’est très compliqué de la gérer, surtout que les banquiers sont devenus sensibles à cette question. En réalité, les jeunes entreprises ou celles qui investissent dans le service avec un asset light model se trouvent coincées, car elles manquent d’actifs physiques à nantir. Un modèle à repenser en intégralité, car il bloque le développement.
Une belle recette d’impôts de près d’un milliard de dinars
C’est le montant attendu de l’impôt sur les bénéfices payés par les banques. A ce montant, il faudra ajouter au moins 70 MTND au titre de la contribution conjoncturelle imposée par la loi de finances 2024. Le seuil du milliard de dinars pourrait facilement être dépassé.
Le rôle des banques dans la mobilisation de ressources fiscales pour l’Etat est très important. Il y a aussi la TVA sur les différents types d’opérations, ce qui fait que nous parlons du premier contributeur aux recettes fiscales. A cela, il faudra ajouter les 10% sur le dividende généreux qu’elles paient aux actionnaires.
Déjà 756 MTND de dividendes annoncés
Et puisque nous parlons de dividende, il faut bien s’arrêter sur les chiffres record de cette année. En attendant CitiBank et la STB, les actionnaires doivent partager 756,536 MTND, un record. Ces montants ne sont pas immédiatement investis en actions. Une bonne partie trouve refuge dans les OPCVM et atterrissent, généralement, dans des placements obligataires. D’ailleurs, le choix de cette période pour lancer un emprunt obligataire national est bon, car il serait difficile de trouver un meilleur rendement que celui offert par la seconde tranche actuellement en souscription. Le superprofit des banques profite à tout le monde.
Cet article est disponible dans le Mag de l’Economiste Maghrébin n 894 du 8 au 22 mai 2024