L’Algérie, l’un des pays qui ont l’une des plus faibles dettes extérieures au monde, refuse toujours, pour quelque motif que ce soit, de frapper aux portes du FMI et de la Banque mondiale. Un choix souverainiste qui porte déjà ses fruits. Souverainiste à souhait, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a réitéré le refus de son pays de recourir à l’endettement extérieur qu’il aura qualifié de « trahison » et de « suicide politique ».
« L’Algérie dit un non ferme à cette pratique. Si tu vas vers l’endettement, c’est fini, tu dois te taire, tu ne peux défendre ni Gaza, ni le Sahara occidental et encore moins les droits de l’Homme ou les droits des opprimés en Afrique ou ailleurs ». Ainsi martelait le locataire du palais d’Al Mohamadia, A. Tebboune, mardi 14 mai, devant un parterre de hauts gradés de l’armée réunis au siège du ministère de la Défense nationale.
Aux experts économiques qui prônent le recours à l’emprunt extérieur en tant qu’un moyen comme un autre de financer l’investissement et le développement, M. Tebboune n’y est pas allé avec le dos de la cuillère. « Ils nous font des fetwas, comme quoi l’endettement n’est pas une honte », a-t-il déclaré. « Or, c’est une honte et une trahison aux Martyrs d’allers vers l’endettement, alors que tu peux t’en sortir sans l’endettement » a-t-il encore assené,.
Traumatisme
Comment expliquer le rejet viscéral par nos voisins algériens du « piège de l’endettement » ? A cet égard, il convient de rappeler que l’Algérie conserve un souvenir douloureux et traumatisant de la dette. En effet, le pays s’est endetté dans les premières décennies de l’indépendance pour financer son développement; puis dans les années 1980 consécutivement à une chute subite des prix des hydrocarbures.
De plus, dans les années 90, et à cause de mesures drastiques imposées par le FMI de rééchelonner sa dette, les recettes de l’exportation des hydrocarbures, la seule source des devises du pays, ne couvraient même pas à l’époque le service de la dette.
Ainsi, en 1994, l’année noire où culminait la violence terroriste et où le pays était au bord de la guerre civile, les cours du pétrole tournaient autour de 15 dollars le baril; alors que la dette extérieure s’élevait à 26 milliards de dollars. Or, les remboursements de la dette arrivés à échéance qui se situaient entre 8,5 et 9 milliards de dollars étaient supérieurs aux maigres recettes des hydrocarbures qui tournaient autour de 8 milliards de dollars.
Fort heureusement, grâce à la hausse des cours du pétrole au cours des années 2000, Alger redressa sa situation financière et s’est même payé le luxe de rembourser, par anticipation, presque la totalité de la dette du pays. Puisque l’ancien président, Abdelaziz Bouteflika, décida en 2008 de rembourser par anticipation presque la totalité de la dette du pays qui avait atteint 40 milliards de dollars en 2000, faisant de l’Algérie l’un des pays les moins endettés au monde.
A noter à ce propos que, pris à la gorge, le gouvernement aura sollicité en 1994 le rééchelonnement du service de la dette algérienne sur 15 ans. Et ce, en contrepartie de conditions drastiques du Fonds monétaire international (FMI) qui a imposé au gouvernement algérien un programme d’ajustement structurel sévère : libéralisation du commerce extérieur; réduction de 40% de la valeur du dinar; réduction du déficit budgétaire; restructuration du tissu industriel… Bref la recette classique prônée par les bailleurs de fonds de Bretton Woods qui s’est traduite par des mesures sociales très douloureuses qui restent encore dans la mémoire collective des Algériens.
Résilience
Faut-il pour autant conclure hâtivement que la ligne de conduite d’Abdelmadjid Tebboune est induite par la conjoncture d’aisance financière actuelle de l’Algérie grâce un cours du baril assez élevé? Il faut reconnaitre qu’en dépit de la conjugaison de plusieurs facteurs contraignants à l’instar de la pandémie de Covid-19, ou encore de la baisse des réserves de change consécutive à la chute drastique des prix du pétrole en avril 2020, le recours à l’endettement n’a jamais été envisagé par le gouvernement algérien.
Depuis, faut-il le rappeler, l’Algérie rejette systématiquement le recours à l’endettement extérieur, préférant à la rigueur tailler à la hache dans ses dépenses en réduisant drastiquement les importations que de frapper aux portes du FMI et de la Banque mondiale.
Une santé insolente
Résultat : l’Algérie est l’un des pays qui ont l’une des plus faibles dettes extérieures au monde. En mars dernier, la Banque d’Algérie avait fait état d’une dette extérieure à moyen et long terme estimée à fin septembre 2022 à 1,269 milliard de dollars contre 1,465 milliard de dollars à fin 2021. Soit un repli de 196 millions de dollars. Une goutte d’eau dans le pays de Tebboune comparée à l’Afrique du Sud par exemple, deuxième puissance économique du continent, qui affiche une dette de 170,01 milliards de dollars ou l’Egypte dont la dette remonte à 143,25 milliards. Sans parler du Nigeria, première économie du contient, dont la dette s’est hissée à 76,21 milliards de dollars; ou encore l’Angola, premier producteur de pétrole d’Afrique avec une dette de 67,28 milliards de dollars.
Qui dit mieux?