Les députés de l’ARP (Assemblée des représentants du peuple) multiplient les initiatives ces derniers temps. Après le passage, quelque part en force, de l’amnistie fiscale dans le cadre de la loi de finances 2024, c’est toute l’Assemblée qui semble reprendre confiance.
Pour rappel, lors des élections, elle a été largement sous-estimée par le grand public qui ne voyait pas comment elle pouvait agir efficacement.
Cette fois, c’est le temps du travail des fonctionnaires qui a été remis en question. L’initiative parlait d’une nouvelle répartition capable de mieux assurer l’équilibre entre la vie professionnelle et familiale des fonctionnaires.
La proposition
L’idée est simple : travailler du lundi au vendredi de 8H00 à 15H00 sans interruption, ainsi que le samedi de 08H00 à 13H00. Cela nous donne 47 heures par semaine. Cette grille horaire s’applique durant toute l’année, l’hiver comme l’été, ramadan comme les autres mois de l’année.
Pour les Tunisiens qui bossent dans le secteur privé, cela suppose une opportunité pour régler leurs affaires administratives durant la pause déjeuner
A première vue, cela permet aux fonctionnaires de quitter le travail deux heures en moyenne plus tôt, ouvrant une plus grande fenêtre pour qu’ils exercent des activités personnelles ou consacrent davantage de temps à leurs familles.
Pour les Tunisiens qui bossent dans le secteur privé, cela suppose une opportunité pour régler leurs affaires administratives durant la pause déjeuner, ce qui n’est pas possible actuellement.
Mais apparemment, la présidence du gouvernement travaille actuellement sur un projet plus large pour la fonction publique, qui touche à plusieurs aspects dont le temps du travail. Inutile donc d’avancer encore dans cette initiative, au moins jusqu’à la révélation du plan gouvernemental.
Les limites
Mais comme le quotidien du Tunisien type est assez clair, nous pensons que cette idée a certaines limites concrètes.
La première est que quitter le travail à 15H00 ne signifie pas un meilleur quotidien pour une simple raison : ceux qui ont des enfants sur les bancs des établissements scolaires doivent attendra jusqu’à 17H00 en moyenne pour récupérer leurs enfants. Certains d’entre eux profitaient de l’heure de déjeuner pour les ramener ou les accompagner quelque part. Pour cette catégorie des fonctionnaires, ce changement bouleversera leurs vies. Sans un changement des horaires des écoles, rien ne fonctionnera.
La seconde est que tenir 7 heures au boulot sans avoir la possibilité de manger un truc est un calvaire pour un être humain. Comment demander à un fonctionnaire de garder son rendement l’après-midi, alors qu’il ne peut pas s’offrir quelque chose pour doper son glucose? Nous avons l’exemple du mois de ramadan qui peut servir comme comparable. Ce qui va se passer c’est que les fonctionnaires prendront leurs pauses comme d’habitude. D’ailleurs, dans les administrations où il y a l’obligation de pointer quatre fois par jour, passer à deux est une aubaine et va ouvrir la porte large devant les escapades, surtout si l’équipe est « soudée ».
Comment demander à un fonctionnaire de garder son rendement l’après-midi, alors qu’il ne peut pas s’offrir quelque chose pour doper son glucose?
La troisième est que cela représentera un coup dur à l’activité de restauration. Des milliers de petits business ne travaillent que grâce à ces fonctionnaires et au système de tickets restaurants. Si la pause déjeuner s’évapore, la majorité d’entre eux mettra la clé sous la porte. L’effet, de point de vue macroéconomique, n’est donc pas totalement positif.
Enfin, samedi matin est une opportunité de faire ses courses, accompagner ses enfants et se réunir avec la famille, surtout pour les couples où un membre a l’Etat comme employeur et l’autre le secteur privé. La proposition risque de priver ces familles de la possibilité de bénéficier d’un week-end prolongé. Les salons de thé, les maisons d’hôte et même les hôtels vont voir le business local reculer.
La question est donc plus sensible que l’on le pense. L’essentiel est de parvenir à une sorte de consensus autour de cette question. Il y aura toujours des perdants, mais la priorité est au bon fonctionnement du service public.