UNE CONJONCTURE GEOPOLITIQUE ECLECTIQUE.
La situation géopolitique mondiale est marquée par plusieurs conflits et tensions qui ont des implications significatives, pour la Tunisie.
Conflit en Ukraine : La guerre entre la Russie et l’Ukraine continue d’avoir des impacts géopolitiques et économiques majeurs. L’augmentation des sanctions contre la Russie et les perturbations dans les chaînes d’approvisionnement en céréales et en énergie affectent les économies mondiales, y compris la Tunisie, qui dépend en partie des importations de céréales.
Instabilité au Soudan : Les affrontements en cours au Soudan, qui ont déplacé de nombreuses personnes, exercent une pression supplémentaire sur les pays voisins. La Tunisie pourrait être affectée par l’afflux de réfugiés et par les tensions régionales croissantes.
Crise en Libye : La situation en Libye reste critique, avec des divisions politiques persistantes et une impasse dans le processus de paix. L’instabilité en Libye a des répercussions directes sur la Tunisie en termes de sécurité frontalière et de flux migratoires. De plus, l’instabilité politique et économique en Libye affecte les échanges commerciaux entre les deux pays.
Commentaires :
À court terme, la Tunisie pourrait être confrontée à des défis économiques plus accrus en raison de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi qu’à une pression migratoire accrue. À moyen terme, la persistance de ces conflits pourrait compliquer les efforts de stabilisation économique et sociale en Tunisie, tout en exacerbant les tensions régionales et en impactant la sécurité nationale.
Analyse et commentaires des marchés internationaux : FOREX et matières premières, et impact sur la Tunisie.
Contexte général
En ce vendredi 17 mai 2024, le marché des changes (FOREX) continue d’être influencé par divers facteurs économiques, géopolitiques et financiers. Les principales devises mondiales subissent des fluctuations notables en raison des événements récents et des attentes des investisseurs.
FOREX
USD (Dollar américain)
Le dollar américain reste fort, soutenu par des données économiques robustes aux États-Unis, y compris un taux de chômage faible et une croissance stable du PIB. La Réserve fédérale américaine (Fed) a maintenu une politique monétaire restrictive, avec des taux d’intérêt élevés pour lutter contre l’inflation persistante. Cette politique continue d’attirer les investisseurs vers le dollar, renforçant ainsi sa valeur par rapport aux autres devises majeures.
EUR (Euro)
L’euro montre des signes de faiblesse face au dollar, en partie à cause de la lente reprise économique dans la zone euro. Les pressions inflationnistes et les incertitudes politiques, notamment en Italie et en Espagne, ajoutent aux défis de la Banque centrale européenne (BCE) pour stabiliser la monnaie. Cependant, l’euro reste relativement stable contre d’autres devises comme la livre sterling et le yen japonais.
JPY (Yen japonais)
Le yen japonais continue de souffrir face au dollar, mais il se maintient contre l’euro. La Banque du Japon (BoJ) maintient une politique monétaire ultra-accommodante, avec des taux d’intérêt négatifs, pour stimuler la croissance économique et combattre la déflation. Cette divergence de politique monétaire par rapport à la Fed exerce une pression à la baisse sur le yen.
GBP (Livre sterling)
La livre sterling montre une certaine résilience malgré les incertitudes liées au Brexit et aux tensions politiques internes. La Banque d’Angleterre (BoE) a signalé des hausses potentielles des taux d’intérêt pour contrer l’inflation, ce qui soutient la monnaie britannique. Les relations commerciales post-Brexit et les discussions continues avec l’Union européenne restent des facteurs clés à surveiller.
CNY (Yuan chinois)
Le yuan chinois subit une légère dévaluation face au dollar, en raison des tensions commerciales persistantes entre les États-Unis et la Chine. Le ralentissement de l’économie chinoise et les mesures de relance prises par le gouvernement chinois ajoutent aux pressions sur le yuan. Cependant, la Chine continue de promouvoir l’internationalisation du yuan, ce qui pourrait influencer sa stabilité à long terme.
Impact sur la Tunisie :
Le dollar américain reste fort face à de nombreuses devises en raison de la politique monétaire restrictive de la Réserve fédérale et des tensions géopolitiques accrues. La demande pour le yen japonais et l’euro a été volatile, reflétant des incertitudes économiques et politiques en Europe et en Asie.
– La paire EUR/USD a connu des fluctuations, avec l’euro cherchant à gagner du terrain face au dollar dans un contexte de données économiques mixtes et de perspectives de croissance modérées en zone euro.
Impact sur la Tunisie :
– La force du dollar augmente le coût des importations en Tunisie, notamment pour les biens et services libellés en dollars, ce qui pourrait aggraver le déficit commercial et exercer une pression sur les réserves de change.
– La volatilité de l’euro affecte directement la Tunisie, car une grande partie de ses échanges commerciaux se fait avec l’Union européenne. Une dépréciation de l’euro par rapport au dollar pourrait réduire les revenus des exportations tunisiennes vers l’Europe.
DANS LE DETAIL.
EUR/USD :
L’euro montre une certaine résistance face au dollar, mais pourrait manquer d’élan pour dépasser fermement le niveau de 1,0900. Le taux de swap à deux ans entre le dollar et l’euro s’est réduit, ce qui pourrait influencer les mouvements futurs de la paire de devises.
Pour autant, la publication des données de l’IPC et les discours de la BCE jouent un rôle clé dans les anticipations de politique monétaire. Le marché semble s’attendre à une baisse des taux d’intérêt, mais la prudence reste de mise. Les mouvements de l’euro face au dollar seront à surveiller de près, en particulier avec les résistances techniques autour de 1,0900. La stabilité du taux de change dans la fourchette de 1,08 à 1,09 à court terme est probable, en ligne avec les prévisions des analystes.
COMMENTAIRES :
Interruption du déclin du dollar américain :
La tendance baissière récente du dollar américain s’est interrompue, comme prévu par ING. Les données économiques américaines n’ont pas offert de raison suffisante pour prolonger cette baisse, maintenant le dollar stable. Les demandes d’allocations chômage ont diminué à 222 000, après avoir atteint 232 000 la semaine précédente, reflétant une certaine résilience du marché du travail américain.
Attente des données PCE :
Les investisseurs se concentrent désormais sur les données de l’indice des prix des dépenses personnelles de consommation (PCE) d’avril, attendues pour le 31 mai. ING prévoit une stabilisation des paires de devises en USD, anticipant une faible volatilité des actifs croisés, ce qui pourrait favoriser les stratégies de carry trade.
Perspectives pour le yen japonais :
ING n’est pas optimiste quant à une reprise du yen japonais, le considérant comme la devise de financement la plus attrayante dans le contexte actuel. Cela suggère que les investisseurs continuent de chercher des opportunités dans des devises à rendement plus élevé.
Impact des données économiques chinoises :
Les données économiques récentes de la Chine montrent une augmentation de 6,7 % de la production industrielle en avril, dépassant les attentes de 5,5 %. Cependant, les ventes au détail ont été décevantes avec une croissance de 2,3 % contre les 3,7 % prévues, reflétant la prudence des ménages et du secteur privé.
Calendrier économique américain :
Les attentes pour l’indice avancé américain sont de -0,3 % en avril. Les discours des responsables de la Réserve fédérale, Chris Waller, Neel Kashkari et Mary Daly, sont également attendus. ING prévoit que l’indice du dollar (DXY) se maintiendra dans la fourchette de 104-105 à court terme.
Pour autant, le dollar américain a interrompu sa baisse récente grâce à des données économiques résilientes et à l’attente des données PCE. La stabilisation attendue des paires de devises en USD et la faible volatilité pourraient stimuler les « carry trades ». Les perspectives pour le yen japonais restent faibles, tandis que les données économiques mixtes de la Chine continuent d’influencer le sentiment du marché. Les prévisions de l’indice du dollar (DXY) entre 104 et 105 reflètent une certaine stabilité à court terme.
Matières premières
Pétrole
Le marché pétrolier a connu une semaine mouvementée, marquée par des fluctuations importantes des prix du brut. Le Brent a terminé la semaine à 78,50 USD le baril, en hausse de 2,3 % par rapport à la semaine précédente.
Les tensions géopolitiques au Moyen-Orient, combinées à des perturbations de l’offre en Libye et au Nigéria, ont contribué à cette hausse. Par ailleurs, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a révisé à la hausse ses prévisions de demande mondiale de pétrole pour 2024, ce qui a également soutenu les prix.
COMMENTAIRES :
– Les prix du pétrole brut ont augmenté en raison des tensions géopolitiques au Moyen-Orient et des restrictions de production prolongées par l’OPEP+. Le Brent a franchi la barre des 90 dollars le baril, reflétant une demande solide et des perturbations de l’offre.
– La hausse des prix du pétrole a des répercussions directes sur les coûts énergétiques de la Tunisie, augmentant les dépenses en importations de pétrole et exerçant une pression sur le budget national.
Métaux précieux (Or, Argent) :
L’or a connu une légère baisse cette semaine, clôturant à 1 970 USD l’once, en baisse de 0,5 %. La baisse peut être attribuée à une reprise du dollar américain et à une hausse des rendements des obligations américaines, réduisant l’attrait de l’or en tant que valeur refuge. Cependant, les incertitudes économiques mondiales, notamment les préoccupations concernant une possible récession en Europe, continuent de fournir un support sous-jacent aux prix de l’or.
L’or a connu une hausse en réponse aux incertitudes économiques mondiales et aux tensions géopolitiques. Les investisseurs se tournent vers l’or comme valeur refuge, ce qui fait grimper les prix.
L’argent a également connu une volatilité accrue, influencée par la demande industrielle et les mêmes facteurs géopolitiques qui affectent l’or.
Cuivre
Le cuivre a également montré une légère hausse cette semaine, clôturant à 4,12 USD la livre, en hausse de 1,1 %. La demande industrielle en Chine reste un facteur clé pour le cuivre, et les récentes données indiquant une reprise modeste de l’activité manufacturière en Chine ont soutenu les prix. Toutefois, les inquiétudes concernant la croissance économique mondiale tempèrent les gains potentiels.
Produits Agricoles
– Blé : Le prix du blé a augmenté cette semaine, atteignant 7,45 USD le boisseau, en hausse de 2 %. Les préoccupations concernant les conditions météorologiques défavorables dans les principales régions productrices, notamment aux États-Unis et en Russie, ont contribué à cette hausse.
– Maïs : Le maïs a également augmenté, clôturant à 6,25 USD le boisseau, en hausse de 1,8 %. Les prévisions de réduction des récoltes dues aux conditions climatiques défavorables aux États-Unis et en Amérique du Sud ont été les principaux moteurs de cette hausse.
Autres matières premières :
– Les prix des métaux industriels, tels que le cuivre et l’aluminium, ont augmenté en raison de la reprise économique postpandémie et des investissements dans les infrastructures. Cela pourrait rendre les importations de ces matériaux plus coûteuses pour la Tunisie, affectant les industries locales dépendantes de ces ressources.
IMPACT SUR LA TUNISIE.
Le marché des matières premières a montré des signes de résilience malgré les défis économiques mondiaux. Les tensions géopolitiques, les préoccupations climatiques et les fluctuations de la demande industrielle continuent de jouer des rôles cruciaux dans la dynamique des prix. Il est essentiel de suivre de près les développements économiques mondiaux et régionaux pour anticiper les mouvements futurs des prix des matières premières.
La hausse des prix des matières premières, notamment de l’énergie et des métaux, augmente les coûts de production pour les entreprises tunisiennes, réduisant leur compétitivité et pouvant conduire à une inflation des prix à la consommation.
Le secteur agricole tunisien pourrait bénéficier de la hausse des prix des produits agricoles sur les marchés internationaux, mais cela dépendra de la capacité des producteurs locaux à répondre à la demande mondiale.
Pour autant, à court terme, la Tunisie fait face à des défis économiques importants en raison de la hausse des coûts des importations de pétrole et de la volatilité des devises. À moyen terme, l’économie tunisienne devra s’adapter aux conditions changeantes du marché mondial des matières premières et renforcer ses relations commerciales pour atténuer les impacts négatifs de la volatilité des prix et des devises. Des politiques économiques appropriées et une diversification des sources d’importation et d’exportation seront cruciales pour maintenir la stabilité économique et favoriser la croissance.
Anticipations de marché :
Le consensus du marché s’attend à une réduction des taux d’intérêt, intégrant déjà une baisse de 72 points de base dans les prix de fin d’année. Cette anticipation reflète les prévisions de ralentissement de l‘inflation et de soutien à l’économie.
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)