Un tribunal de Saint-Pétersbourg a saisi 463 millions d’euros d’actifs appartenant à la banque italienne UniCredit, le prêteur européen le plus exposé à la Russie.
Cette décision judiciaire représente l’une des plus importantes mesures prises à l’encontre d’une banque occidentale depuis que la guerre en Ukraine a incité la plupart des prêteurs internationaux à se retirer de la Russie ou à y mettre fin.
L’italien UniCredit pris en proie
Le montant saisi équivaut à environ 4,5% des actifs d’UniCredit dans le pays, selon le dernier état financier de la principale filiale russe de la banque. Les actifs gelés comprennent des actions des filiales d’UniCredit Bank en Russie, ainsi que des actions et des fonds appartenant à UniCredit Bank.
La décision fait suite à une plainte déposée par RusChemAlliance, une filiale de Gazprom, le géant russe du pétrole et du gaz qui monopolise les exportations de gaz par gazoduc. Le litige a commencé en août 2023, lorsque RusChemAlliance a saisi un tribunal de Saint-Pétersbourg pour exiger d’UniCredit le paiement de garanties bancaires dans le cadre d’un contrat conclu avec la société d’ingénierie allemande Linde.
RusChemAlliance est l’opérateur de l’usine de traitement de gaz et des installations de production de GNL à Ust-Luga, près de Saint-Pétersbourg. En juillet 2021, elle a signé un contrat avec Linde pour la conception, la fourniture d’équipements et la construction du complexe. Un an plus tard, Linde a suspendu ses travaux en raison des sanctions imposées par l’UE. L’entreprise s’est alors tournée vers des banques de garantie, qui ont refusé d’honorer leurs obligations parce que le paiement à la société russe pourrait violer les sanctions européennes. Outre UniCredit, la liste des garants comprenait la Deutsche Bank, la Commerzbank, la Bayerische Landesbank et la Landsbank Baden-Württemberg.
Rome se mobilise
Le ministre italien des Affaires étrangères a convoqué une réunion lundi pour discuter des saisies affectant la deuxième banque du pays. UniCredit est l’un des principaux prêteurs européens en Russie, où elle emploie plus de 3 000 personnes par l’intermédiaire de sa succursale. Au début du mois, la banque italienne a déclaré que ses activités en Russie avaient dégagé un bénéfice net de 213 millions d’euros au premier trimestre, contre 99 millions d’euros l’année précédente. Cependant, elle a constitué plus de 800 millions d’euros de provisions et a considérablement réduit son portefeuille de prêts.
Hier, le prestigieux journal à forte crédibilité, le Financial Times, a rapporté que la BCE a demandé aux prêteurs de la zone euro ayant des activités dans le pays des plans détaillés sur leurs stratégies de sortie, alors que les tensions entre Moscou et l’Occident continuent de s’intensifier.
Les problèmes juridiques liés aux actifs détenus par les banques occidentales ont compliqué leurs efforts de désengagement. Le mois dernier, un tribunal russe a ordonné la saisie de plus de 400 millions de dollars de fonds de JPMorgan Chase à la suite d’un recours en justice de la VTB Bank, dirigée par le Kremlin. Le tribunal a ensuite annulé une partie de la saisie, mais cela a bien montré que la Russie a aussi ses cartes à jouer.
Des montants colossaux en jeu
En fait, l’Occident perdrait au moins 288 milliards de dollars d’actifs et d’investissements s’il saisissait les actifs russes gelés pour aider à la reconstruction de l’Ukraine selon les meilleures estimations.
Ces derniers mois, des responsables américains et britanniques se sont efforcés de saisir les avoirs russes gelés en Belgique et dans d’autres villes européennes afin d’aider à la reconstruction de l’Ukraine, dont certaines parties sont en ruines.
Les pays de l’UE détiennent 223,3 milliards de dollars d’actifs, dont 98,3 milliards sont officiellement détenus par Chypre, 50,1 milliards par les Pays-Bas et 17,3 milliards par l’Allemagne. Les cinq premiers investisseurs européens dans l’économie russe sont également la France, avec 16,6 milliards de dollars d’actifs et d’investissements, et l’Italie, avec 12,9 milliards de dollars.
Parmi les pays du G7, la Grande-Bretagne est l’un des plus grands investisseurs, citant des données à la fin de 2021 qui montrent que les actifs britanniques en Russie valent environ 18,9 milliards de dollars. Les États-Unis disposaient d’actifs russes d’une valeur de 9,6 milliards de dollars à la fin de 2022, le Japon de 4,6 milliards de dollars et le Canada de 2,9 milliards de dollars. La Suisse et la Norvège ont investi respectivement 28,5 milliards et 139 millions de dollars à la fin de 2022, tandis que l’Australie a investi 683 millions de dollars à la fin de l’année dernière. Nous allons donc assister à plus de batailles, cette fois dans les couloirs des banques.
Bassem Ennaifar