En sa qualité d’instance de régulation du paysage audiovisuel, la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle (HAICA) a œuvré autant que possible pour assumer comme il se doit la mission qui lui est dévolue par le décret-loi n°116, a fait savoir le membre du conseil de la HAICA, Salah Sersi, dans une déclaration à l’agence TAP, dimanche 20 mai 2024.
Dans ce contexte, a-t-il dit, elle a exercé pleinement sa compétence réglementaire en émettant des mises en garde et des rappels à l’ordre adressés aux différents acteurs du paysage médiatique, tout en œuvrant à « épingler » tout comportement, attitude ou discours jugé attentatoire aux « normes et à l’éthique professionnelles ».
Néanmoins, aujourd’hui, la HAICA endure un sort inquiétant en raison d’un sous-effectif et de l’incapacité de son conseil à tenir ses réunions. Cette situation a ouvert la voie à un parquet résolu à prendre en main le dossier de la « répression » des journalistes et à s’arroger seul la faculté d’infliger des sanctions à l’encontre des journalistes « contrevenants » de l’audiovisuel, selon ses dires.
M. Sersi a ajouté que la HAICA a été « visée » par une salve de décisions qui ont grandement entamé sa compétence décisionnelle, citant en exemple la nomination par l’autorité de tutelle d’un secrétaire général pour assurer sa gestion administrative et financière, ainsi que le gel des salaires des membres de son conseil.
Autant de facteurs qui ont contribué à « fragiliser » la HAICA, à entraver l’exercice de ses attributions et à paralyser ainsi son rôle de « régulateur » du paysage audiovisuel. Il est revenu sur « le courrier électronique » envoyé par le secrétaire général du gouvernement à l’adresse de la HAICA, dans lequel celui-ci a avisé l’instance de la décision du gouvernement de geler les salaires de son conseil à partir de janvier 2024.
Cette décision, a-t-il précisé, a visé « à titre particulier et exclusif » les membres du conseil de la HAICA, en l’occurrence trois membres retraités, un autre détaché et deux membres en exercice, soulignant que jusqu’à présent, il n’y a aucune décision officielle ordonnant la fermeture de la HAICA ou la désignation d’un nouveau président pour succéder à son prédécesseur.
Pour rappel, le 7 février 2023, l’ancien président de la HAICA, Nouri Lajmi, a été avisé par voie de correspondance signée par le chargé des fonctions de secrétaire général du gouvernement de sa mise à la retraite à partir du 1er janvier 2023.
M. Sersi a tenu, par ailleurs, à préciser que la HAICA, en tant qu’instance de régulation de l’audiovisuel, a œuvré à respecter et la lettre et l’esprit du décret-loi n°116. Dans ce contexte, elle avait coutume de confier au parquet le soin de statuer sur les dossiers ne relevant pas initialement de sa propre compétence.
Aujourd’hui, la situation a beaucoup changé, a-t-il fait savoir, remarquant que la justice s’est arrogé l’ensemble des prérogatives, même celles relevant initialement de la HAICA. De son côté, l’ancien membre (magistrat) de la HAICA, Omar Oueslati, a déploré la situation actuelle de la HAICA, qui, a-t-il dit, a représenté au lendemain de la révolution un « bond qualitatif » dans le paysage médiatique et a veillé, on ne peut mieux, à restructurer le paysage médiatique à travers l’octroi des licences et la régularisation de la situation de certains médias.
Aujourd’hui, en l’absence d’un organe de régulation de l’audiovisuel, la situation est devenue incontrôlable, d’autant plus que la majorité des médias privés n’ont pas renouvelé leurs licences et la plupart d’entre eux violent en clair les cahiers des charges en matière de publicité et de publicité commerciale.
Il a, par ailleurs, indiqué que l’absence d’une quelconque forme de censure a permis à la justice (le parquet) de s’arroger la prérogative d’appliquer des textes juridiques de portée générale sur le contenu audiovisuel, citant à ce titre l’article 86 du code des télécommunications et le très « polémiqué » décret-loi n°54.
De plus, le parquet est devenu le seul et unique organe habilité à « qualifier » librement et à sa discrétion les infractions et les atteintes à la loi, ce qui a largement porté atteinte à l’exercice de la liberté d’expression et a manifestement violé l’article 55 de la Constitution, a-t-il regretté.
Face à un paysage médiatique « émietté » en quête de son « régulateur », le magistrat a exhorté les médias à se plier, de leur propre initiative, aux normes d’un contenu médiatique « responsable » à l’aune des aspirations et attentes du public.
À ce titre, il les a pressés de produire un contenu riche et varié, en mesure de diffuser des informations et des programmes audiovisuels permettant d’insuffler « un brin de vie » dans la scène politique, sociale et culturelle.
Il les a également exhortés à renouveler leurs licences et à trouver des solutions appropriées à cette question, d’autant plus que ce volet n’est pas l’apanage du pouvoir, mais aussi des organes représentatifs, dont notamment le Syndicat des journalistes, le Parlement et le Syndicat des médias.
M. Oueslati a également plaidé en faveur d’un « renouveau » de la HAICA afin qu’elle puisse assumer son rôle initial dans la régulation de l’audiovisuel et lutter ainsi contre les « débordements », les fausses informations et la désinformation, une menace sérieuse pour l’avenir du paysage médiatique tout entier et la sécurité nationale du pays.
Avec TAP