Penser à un avenir commun. Car tout le monde requiert des réponses multilatérales et des actions collectives de haut niveau. L’entrepreneuriat est un moteur essentiel du développement économique, ce qui constitue une voie vers la création d’emplois et le développement durable. Dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée (PSEM), le chômage des jeunes et des femmes pose des défis importants. C’est dans ce contexte qu’a eu lieu un atelier organisé par Businessmed, en collaboration avec le Femise et l’IEMed, sur le thème : “Favoriser la création d’emplois par l’entrepreneuriat inclusif dans les pays du sud et de l’est de la Méditerranée”. Interview avec Abdelkader El Khissassi, secrétaire général adjoint de l’Union pour la Méditerranée en charge du Développement économique et de l’Emploi.
Quel rôle joue l’UpM aujourd’hui ?
L’Union pour la Méditerranée (UpM) est une organisation intergouvernementale composée de 43 pays, incluant les 27 membres de l’Union européenne et 16 pays de la région sud et est de la Méditerranée. L’UpM a plusieurs dimensions : elle sert à la fois de plateforme régionale de dialogue, de coopération et d’initiative. Les gouvernements se réunissent dans des cadres politiques, et nous avons également des plateformes et des projets.
Nous avons trois dimensions que nous appelons les trois P : le niveau politique, le niveau plateforme et le niveau projet. Cela signifie que c’est une organisation inclusive englobant différentes dimensions. Au niveau des réunions politiques, les ministres se réunissent pour décider des priorités sur leurs thématiques.
Par exemple, chaque année, une réunion annuelle des ministres des Affaires étrangères a lieu. L’année dernière, en novembre, elle a été consacrée à la situation à Gaza, bien qu’elle devait également discuter des questions euro-méditerranéennes. Parfois, les priorités régionales imposent de changer l’agenda pour se concentrer sur les priorités politiques. La réunion des ministres des Affaires étrangères décide des orientations stratégiques de l’organisation annuellement, basées sur les accords ou la déclaration de Paris et de Marseille qui ont créé l’Union pour la Méditerranée.
Quels sont les autres domaines sur lesquels l’UpM se penche ?
Nous avons six domaines prioritaires, divisés en deux volets principaux : le développement humain et le développement durable. Ces volets se subdivisent en secteurs tels que l’économie, l’emploi, l’environnement, le changement climatique, les questions de genre, les enjeux sociaux, la jeunesse, le transport, le développement urbain, ainsi que l’enseignement supérieur et la recherche. L’UpM travaille sur ces six domaines à travers des initiatives concrètes avec des partenaires.
Qui fait quoi ?
Parmi les partenaires financiers de l’UpM, nous avons la GIZ (coopération allemande), l’AECID (coopération espagnole), et la coopération suédoise, chacun contribuant selon ses priorités. Les Allemands se concentrent sur les questions d’emploi, d’employabilité des jeunes, d’environnement et de transition verte. Les Suédois, quant à eux, se focalisent sur les questions environnementales et de genre. Nous avons un travail régional intéressant, matérialisé par des initiatives concrètes comme le UFM Hub for Employment, un hub pour la promotion de l’emploi avec des enveloppes budgétaires décidées lors de la réunion ministérielle de Marrakech sur l’emploi, importantes pour la région.
Actuellement, dans un contexte géopolitique marqué par la guerre à Gaza, il est aussi temps de réfléchir à la situation des populations locales et comment l’UpM peut contribuer au « day after », le jour après la guerre. Comme nous n’avons pas les moyens matériels pour intervenir immédiatement, nous explorons des alternatives technologiques, notamment la digitalisation, pour envisager l’avenir.
Cela nécessite également une coordination régionale assez globale avec des intervenants régionaux. Participer à cette réunion s’inscrit dans ce contexte. Les organisateurs sont tous des partenaires de l’UpM, tels que l’AECID, le Femise, Businessmed et l’IEMed, notre institution voisine à Barcelone.
Comment est perçu l’entrepreneuriat ?
Intervenir aujourd’hui dans cette conférence sur la question de l’entrepreneuriat reflète la conscience de l’organisation de l’importance de ce sujet. Notre région sud et est de la Méditerranée est naturellement jeune (60 % de la population). Cette jeunesse doit être vue comme un potentiel, non pas comme un problème. Nous voyons ce qui se passe dans certains pays avec le vieillissement de la population qui impacte l’économie de manière considérable. Il faut préparer cette jeunesse et lui offrir des opportunités d’emploi.
Il ne faut pas penser uniquement aux solutions gouvernementales. La fonction publique est nécessaire, mais la création d’emplois et l’employabilité par les jeunes eux-mêmes peuvent être une solution. Pour cela, il faut une réflexion plus profonde.
Pour penser à l’entrepreneuriat, il faut être outillé. La création de l’esprit entrepreneurial doit commencer dès l’école primaire. Il faut être ouvert aux développements technologiques, car ils ont un impact direct sur les emplois. Les jeunes doivent trouver des alternatives pour créer leur entreprise.
Nous ne disons pas que tous les jeunes doivent créer des entreprises, mais si une part importante de la jeunesse crée un tissu économique solide, cela contribuera au développement de nos pays. Il faut analyser le contexte économique et voir comment les startupers peuvent contribuer au développement des affaires.
Autrement dit, penser plus large ?
Il faut créer des synergies entre les grandes compagnies et les petites entreprises locales. Il ne s’agit pas de conflit entre grands et petits projets, mais de complémentarité. Cette réflexion doit être globale, impliquant la formation et les besoins du marché.
Les think tanks et les organisations internationales doivent harmoniser les politiques régionales. Les marchés évoluent rapidement, et certains métiers disparaissent tandis que d’autres apparaissent. La formation doit suivre ces évolutions.
Et pourtant, certains métiers sont amenés à disparaître et d’autres à apparaître, qu’en pensez-vous ?
Beaucoup de métiers sont en train d’apparaître tandis que d’autres disparaissent. La formation doit suivre ces évolutions. Les systèmes universitaires doivent inclure la dimension entrepreneuriale et s’adapter aux développements technologiques et environnementaux pour créer des économies plus fortes.
L’UpM travaille sur le plan régional, rassemblant les intervenants dans le domaine de l’enseignement pour échanger leurs expériences. Chaque nation développe ses propres stratégies, mais il faut s’ouvrir aux opportunités et adapter la formation aux impératifs locaux et aux enjeux régionaux.
Les organisations internationales facilitent ces échanges. Elles ne détiennent pas la recette magique, mais elles peuvent formuler des recommandations. Au niveau de l’UpM, nous travaillons sur le plan régional…
Le mot de la fin ?
En conclusion, il est crucial d’anticiper et de réfléchir aux industries et aux emplois de demain. Encourager fiscalement les entreprises à investir, adapter les structures et les formations, et prendre en compte la dimension sociale, tout cela est essentiel pour un développement durable. Les nouvelles générations nous jugeront sur notre capacité à saisir ces opportunités et à établir un tissu économique performant répondant aux exigences des marchés.