S’il est évident que la situation économique en Tunisie est difficile, nous ne sommes pas dans une situation critique susceptible de pousser l’exécutif à des décisions qui font mal, réellement mal.
Le meilleur exemple est celui de l’Égypte. Ce pays, l’un des plus endettés vis-à-vis du FMI, ne cesse de mettre en place des réformes budgétaires qui ont mis, à rude épreuve, la monnaie locale et le pouvoir d’achat d’un citoyen sous pression économique inédite.
Décision difficile
L’Égypte, qui est souvent considéré comme le plus grand importateur de blé au monde, va augmenter le prix du pain subventionné pour la première fois depuis des décennies. Le pays a importé environ 10,9 millions de tonnes métriques de blé en 2023, soit une hausse de 14,7% par rapport aux 9,48 millions de tonnes de 2022. Le prix du pain augmentera de 300%, passant de 5 à 20 piastres (0,0042 dollar) à partir du samedi 1er juin 2024, selon le Premier ministre, Mostafa Madbouly, lors d’une conférence de presse tenue mercredi 29 mai.
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Environ deux tiers de la population égyptienne bénéficient d’un programme qui permet d’obtenir cinq pains par jour par membre du ménage. C’est une bouée de sauvetage pour les pauvres, mais elle est souvent critiquée pour son gaspillage et son poids sur le budget.
L’annonce intervient après que l’Égypte a autorisé une forte dévaluation de sa monnaie en mars et est passée à un système de taux de change flexible. L’inflation a atteint un niveau record l’été dernier, mais elle s’est quelque peu atténuée depuis.
Justification budgétaire
La question est épineuse et les gouvernements qui se sont succédé depuis les émeutes de 1977 ont tout fait pour éviter de s’y attaquer. Depuis la reprise du pouvoir par les militaires, il y a eu une réduction du poids du pain en gardant son prix. Aujourd’hui, il est clair que l’ampleur de la facture des subventions est devenue insoutenable pour Le Caire. Augmenter les prix est le seul moyen pour assurer la durabilité du service.
Cela entre dans le cadre des arrangements avec le FMI, dont les équipes sont attendues dans la capitale égyptienne pour une nouvelle révision et libération d’une nouvelle tranche de la ligne récemment approuvée. Après deux années de pénurie chronique de devises étrangères, le pays a obtenu fin février une manne de financement multilatérale. Un accord visant à accorder aux Émirats arabes unis des droits de développement sur certaines zones de la côte égyptienne a également apporté 35 milliards de dollars au gouvernement.
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La nouvelle augmentation du prix représente 16% du coût de fabrication du pain, qui est passé de 115 piastres l’année dernière à 125 piastres en 2024. Le ministère des Finances a déclaré qu’il allouerait environ 125 milliards de livres égyptiennes (2,64 milliards de dollars) aux subventions pour le pain dans son budget 2024/2025 et environ 147 milliards de livres (3,11 milliards de dollars) aux subventions pour les produits pétroliers.
L’impact social sera certainement important, mais la vraie question concerne la prochaine étape. Le gouvernement est en train d’étudier la possibilité de passer à des compensations pécuniaires et des prix réels sur les marchés. L’Égypte est bien un laboratoire pour la recette standard des réformes. Nous allons observer ce qu’elle va réellement donner.