Les alertes économiques mondiales actuelles ont des implications variées pour l’économie tunisienne. Cette dernière est sensible aux fluctuations de l’économie mondiale et doit gérer divers facteurs externes pour préserver sa stabilité financière et sa compétitivité sur la scène internationale.
Alerte 1. Réductions de la production de l’OPEP
L’OPEP+ devrait prolonger ses réductions significatives de production de pétrole jusqu’à fin 2024, voire 2025. Et ce, afin de soutenir les prix dans un contexte de demande mondiale faible et de concurrence accrue de la production américaine. Actuellement, les membres de l’OPEP+ réduisent leur production de 5,86 millions de barils par jour. Soit environ 5,7 % de la demande mondiale, pour stabiliser le marché.
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La prolongation des réductions de production de l’OPEP+ jusqu’en 2024, voire 2025, est une tentative stratégique pour soutenir les prix du pétrole.
Bien que cette mesure puisse stabiliser les prix à court terme, elle souligne également la vulnérabilité du marché pétrolier face à une demande mondiale faible et à une production américaine concurrente en hausse.
Les prix actuels, inférieurs aux besoins budgétaires de nombreux membres de l’OPEP+, ajoutent une pression supplémentaire pour maintenir ou prolonger ces réductions. Ce qui peut affecter l’équilibre offre-demande global et la stabilité économique des pays producteurs.
Impact sur la Tunisie
La décision de l’OPEP+ de prolonger les réductions de production de pétrole peut avoir des répercussions significatives sur la Tunisie. En tant qu’importateur net de pétrole, la Tunisie pourrait faire face à une augmentation des coûts d’importation si les prix du pétrole se stabilisent ou augmentent. Cela pourrait aggraver le déficit commercial et les pressions inflationnistes internes. Cependant, si la production de pétrole concurrente aux États-Unis augmente, cela pourrait modérer les hausses de prix, offrant un certain répit à l’économie tunisienne.
Alerte 2. Chiffres de l’emploi aux États-Unis
Le rapport très attendu sur les emplois non agricoles de vendredi 7 juin 2024 sera crucial pour évaluer les futures orientations des taux d’intérêt américains. Les économistes prévoient la création de 185 000 emplois en mai, une légère augmentation par rapport au mois précédent. Bien que les inquiétudes concernant une économie trop forte aient diminué le mois dernier en raison de signes de ralentissement de l’inflation et du marché du travail, les responsables politiques restent prudents et souhaitent voir plusieurs mois de données avant de réduire les taux.
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L’importance du rapport sur les emplois non agricoles est indéniable. Car le rapport influence directement les décisions de la Réserve fédérale américaine (Fed) en matière de politique monétaire.
Cependant, la création de 185 000 emplois, bien que positive, ne constitue pas une hausse substantielle par rapport aux mois précédents.
Il est également crucial de noter que des chiffres en dessous des attentes pourraient renforcer les spéculations sur une possible récession. Tandis que des chiffres au-dessus des prévisions pourraient raviver les craintes d’inflation.
La prudence de la Fed souligne la complexité de la situation économique actuelle et le besoin de plusieurs mois de données cohérentes avant toute décision sur les taux.
Impact sur la Tunisie
Les chiffres de l’emploi aux États-Unis ont un impact indirect, mais significatif sur l’économie tunisienne. Une économie américaine robuste peut conduire à une politique monétaire plus stricte de la Fed, entraînant une hausse des taux d’intérêt mondiaux. Cela pourrait rendre les emprunts internationaux plus coûteux pour la Tunisie et d’autres pays émergents. De plus, un dollar américain plus fort pourrait augmenter les coûts des importations tunisiennes, exacerbant le déficit commercial et la pression sur les réserves de change du pays.
Alerte 3. Décision sur les taux de la BCE
La Banque centrale européenne (BCE) devrait devenir la première grande banque centrale à abaisser ses taux d’intérêt dans ce cycle, avec une réduction de 25 points de base attendue jeudi 6 juin.
Les investisseurs porteront une attention particulière aux commentaires de Christine Lagarde, présidente de la BCE, sur les perspectives économiques futures.
Même si les taux d’intérêt devraient continuer à baisser, les prévisions au-delà de juin restent incertaines.
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La probable réduction de 25 points de base par la BCE marque un changement de cap significatif. Cette décision vise à stimuler l’économie de la zone euro, qui montre des signes de redressement.
Cependant, cette action peut entraîner une divergence avec les politiques de la Fed, créant des dynamiques complexes sur le marché des changes.
La prudence dans les commentaires de Christine Lagarde reflète une incertitude sur l’évolution économique future, rendant les marchés volatils face aux annonces économiques.
Impact sur la Tunisie
La réduction des taux d’intérêt par la BCE pourrait avoir des effets mitigés sur l’économie tunisienne.
D’une part, cela pourrait stimuler l’économie de la zone euro, principal partenaire commercial de la Tunisie, en augmentant la demande pour les exportations tunisiennes, notamment dans les secteurs du textile, de l’agriculture et du tourisme. D’autre part, une politique monétaire divergente entre la BCE et la Fed pourrait entraîner une volatilité accrue sur le marché des changes, impactant les taux de change et les flux de capitaux vers la Tunisie.
Alerte 4. Performances de Wall Street
Bien que les principaux indices boursiers américains aient enregistré des pertes la semaine du 27 mai, ils ont terminé le mois de mai en hausse, avec le S&P 500 augmentant de 4,8 %, le Nasdaq de 6,9 % et le Dow Jones de 2,4 %.
Cependant, l’indice Dow Jones Transportation Average, un indicateur sensible à l’économie, a chuté de 5 % depuis le début de l’année. Ce qui pourrait signaler un ralentissement économique à venir.
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Les gains enregistrés par les principaux indices boursiers américains en mai masquent des fragilités sous-jacentes, notamment la baisse de l’indice Dow Jones Transportation Average.
Cette baisse de 5 % pourrait indiquer des problèmes économiques plus profonds. Car cet indice est souvent considéré comme un indicateur avancé de l’activité économique.
Une faiblesse prolongée dans ce secteur pourrait signaler un ralentissement économique imminent; malgré les gains apparents dans d’autres secteurs du marché boursier.
Impact sur la Tunisie
Les performances de Wall Street, en particulier les fluctuations des principaux indices boursiers, peuvent influencer le sentiment des investisseurs mondiaux.
Une faiblesse prolongée de l’indice Dow Jones Transportation Average pourrait signaler un ralentissement économique aux États-Unis, affectant la demande mondiale et les flux de capitaux.
Pour la Tunisie, cela pourrait signifier une réduction des investissements étrangers et des recettes touristiques, exacerbant les défis économiques actuels.
Alerte 5. Décision de la Banque du Canada
La Banque du Canada devrait abaisser son taux directeur de 25 points de base lors de sa réunion de mercredi 5 juin, après que les données du PIB ont montré une croissance économique plus lente que prévu au premier trimestre.
Les conditions semblent réunies pour initier un cycle d’assouplissement de la politique monétaire, comme indiqué par la Banque lors de sa dernière réunion en avril.
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La réduction attendue de 25 points de base par la Banque du Canada reflète les défis économiques persistants du pays, malgré des signes de reprise.
Les données du PIB plus faibles que prévu soulignent les difficultés de l’économie canadienne à se remettre des perturbations passées.
Cette décision d’assouplissement de la politique monétaire vise à stimuler la croissance. Mais elle peut également indiquer une inquiétude plus profonde quant à la résilience économique du pays à moyen terme.
Impact sur la Tunisie
La réduction des taux d’intérêt par la Banque du Canada pourrait avoir des répercussions limitées, mais notables sur l’économie tunisienne.
Bien que le Canada ne soit pas un partenaire commercial majeur, les décisions de politique monétaire des grandes banques centrales influencent les conditions financières mondiales.
Une réduction des taux au Canada pourrait renforcer la tendance globale à l’assouplissement monétaire, facilitant potentiellement les conditions de financement pour la Tunisie.
Cependant, cela dépendra largement de la conjoncture économique mondiale et des décisions prises par d’autres grandes économies.
Au final
Les cinq alertes soulignent les défis et incertitudes économiques mondiales actuelles. Les décisions de politique monétaire aux États-Unis, dans la zone euro et au Canada, ainsi que les actions de l’OPEP+, révèlent des tentatives de stabilisation et de stimulation économique face à des dynamiques complexes.
Les performances contrastées de Wall Street mettent en évidence des signaux mixtes concernant la santé économique future, nécessitant une analyse attentive et continue pour naviguer dans cette période d’incertitude.
Les alertes économiques mondiales actuelles ont des implications variées pour l’économie tunisienne. Les dynamiques complexes des politiques monétaires et des marchés des matières premières exigent une vigilance accrue de la part des décideurs tunisiens.
La capacité de la Tunisie à naviguer dans ces incertitudes dépendra de la résilience de ses secteurs clés, de la diversification de son économie et de l’adaptabilité de ses politiques économiques et monétaires.
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Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)