En prenant la décision surprise dans la soirée du dimanche de dissoudre l’Assemblée nationale après la déroute de sa majorité aux élections européennes, Emmanuel Macron prend un pari très hasardeux : une éventuelle cohabitation avec l’extrême droite de Marine Le Pen.
C’est un véritable séisme politique en France. Dans la foulée des résultats des élections européennes qui sont tombés dans la soirée de ce dimanche 9 juin, catastrophiques pour la majorité présidentielle et triomphaux pour le Rassemblement national mené par Jordan Bardella, le président de la République française, Emmanuel Macron, prit une décision radicale : la dissolution de l’Assemblée nationale et la convocation de nouvelles élections législatives les 30 juin et 7 juillet. Un coup de poker qui ne manque pas d’audace et dont les conséquences sont imprévisibles. D’ailleurs, n’a-t-il pas a évoqué une décision « grave et lourde » car « la France a besoin d’une majorité claire pour agir dans la sérénité et la concorde » ?
« La montée des nationalistes, des démagogues est un danger pour notre nation, mais aussi pour notre Europe », s’alarme le chef de l’État. « Je ne saurais donc, à l’issue de cette journée, faire comme si de rien n’était. À cette situation s’ajoute une fièvre qui s’est emparée ces dernières années du débat public et parlementaire dans notre pays. C’est pourquoi, après avoir procédé aux consultations prévues à l’article 12 de notre Constitution, j’ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote », a conclu le locataire du palais de l’Elysée à la télévision vers 21 h au cours d’une courte allocution de moins de 5 minutes, une heure après la publication des premiers résultats.
Séisme politique
A noter que le ministère de l’Intérieur a publié peu avant 5 heures du matin ce lundi 10 juin les résultats suivants. Ainsi, le Rassemblement national sort grand gagnant du scrutin, avec 31,47 % des voix. Loin derrière, Valérie Hayer, candidate de la majorité présidentielle, réalise un score de 14,56 %. Juste derrière elle, Raphaël Glucksmann (Place publique-PS) récolte 13,80 % des voix, un score en progression par rapport à l’élection de 2019.
La France insoumise, menée par Manon Aubry, se retrouve en quatrième place des résultats, avec presque 10 % des voix (9,87%). Suivent ensuite Les Républicains avec 7,24 % des voix, les écologistes (5,47 %) et Reconquête, avec 5,46 % des votes.
Piaffant d’impatience, Marine Le Pen, la députée du Pas-de-Calais et présidente du RN (Rassemblement national), a affirmé que son parti est désormais prêt à gouverner : « Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous accordent leur confiance », en insistant sur la capacité de son parti d’extrême droite « à répondre aux attentes des citoyens et à apporter les changements nécessaires pour sortir la France de sa situation actuelle ».
S’exprimant à son tour dimanche soir, après l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale, Jean-Luc Mélenchon, solennel, a affirmé que « la signification d’un tel événement n’est pas seulement politique, elle est morale. Ce ne sont pas des partis politiques qui s’affrontent, mais des visions du monde inconciliables. La France, la nouvelle France, qui s’est constituée au cours des deux dernières générations et qui s’est rassemblée dans les grands ensembles urbains, a subi sans aucun doute un très grand revers ».
Et de conclure, grinçant : « Dans cette circonstance, le président de la République n’a nullement mis son mandat en jeu. Ce qui aurait été la logique de la situation, puisqu’il a choisi de dissoudre l’Assemblée, c’est-à-dire de renvoyer chez eux les seuls à être légitimes. Mais il a eu raison de dissoudre, car il n’a plus aucune légitimité à poursuivre la maltraitance sociale généralisée à laquelle il se livre ».
Coup de poker
Au final, Emmanuel Macron a-t-il commis une monumentale bourde politique en s’inspirant de l’exemple de Jacques Chirac? Ce dernier aura raté son pari en 1997, puisque la dissolution s’était achevée par une défaite humiliante de son camp.
Face au score de l’extrême droite, qui a réussi l’exploit historique d’atteindre près de 40 % en additionnant les scores du Rassemblement national et de Reconquête, le chef de l’Etat français espère mobiliser son propre camp dans un sursaut salvateur contre « la montée des nationalistes, des démagogues, un danger pour notre nation, pour notre Europe et pour la place de France en Europe et dans le monde », a-t-il ajouté. Mais, revers de la médaille, il court le risque que la majorité présidentielle laisse des plumes lors du prochain scrutin législatif avec l’éventualité de se retrouver en cohabitation avec l’extrême droite jusqu’à la fin de son mandat en 2027. A-t-il bien calculé son coup? Nous le saurons le 7 juillet prochain.