Les alertes économiques mondiales actuelles ont des implications variées pour l’économie tunisienne. L’économie tunisienne est sensible aux fluctuations de l’économie mondiale et doit gérer divers facteurs externes pour préserver sa stabilité financière et sa compétitivité sur la scène internationale.
L’alerte présente les perspectives économiques divergentes concernant les baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour l’année 2024, avec des points de vue de BCA Research, Macquarie, et Standard Chartered.
ALERTE 1. Les Taux
BCA Research reste confiant dans sa prévision de deux réductions des taux de la Fed avant la fin de l’année 2024; malgré une inflation de base PCE légèrement supérieure aux attentes.
Ainsi, selon BCA, une baisse des taux est nécessaire pour atteindre l’objectif d’inflation de 2,6 % de la Fed. Deux facteurs principaux soutiennent cette prévision :
- Les projections de mars du FOMC (Federal Open Market Committee) indiquaient une attente médiane de trois réductions.
- Et les indicateurs avancés suggèrent une baisse à venir dans des secteurs comme l’inflation des logements et de l’assurance automobile.
En revanche, Macquarie prévoit un statu quo pour cette année, suggérant que les baisses de taux ne commenceront qu’en 2025. Cette position est justifiée par :
- La stabilité de l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle (PCE) de base à 2,8 % en avril.
- Le risque posé par la hausse des prix des biens de base, qui pourraient affecter l’inflation de manière significative.
- La surveillance étroite du marché du travail, car un affaiblissement inattendu pourrait influencer les décisions de la Fed plus tôt que prévu.
Quant à Standard Chartered, il considère une réduction des taux en juillet comme « plus probable que prévu ». Les stratèges de cette banque estiment en effet que les prévisions actuelles des marchés à terme sous-estiment cette possibilité. Ils mettent en avant plusieurs points :
- Deux publications de PCE sont attendues avant la réunion de juillet, laissant une marge pour une baisse de l’inflation de base.
- Une croissance plus faible du déflateur de l’indice PCE de base en 2024 par rapport à 2023.
- Des signes de ralentissement économique avec une croissance de la PCE réelle à un taux annualisé de 1,1 %.
Commentaires
– Cohérence et divergence : les prévisions montrent une divergence notable entre les analystes. BCA Research est optimiste quant à une baisse des taux cette année; tandis que Macquarie maintient une position plus conservatrice, reportant les réductions à 2025. Standard Chartered, de son côté, envisage une réduction dès juillet, soulignant une divergence d’opinion significative parmi les analystes.
– Facteurs clés : les points de vue divergent principalement sur les perspectives d’inflation et de croissance économique. BCA et Standard Chartered sont plus optimistes quant à une baisse de l’inflation et à des mesures de la Fed. Tandis que Macquarie est prudent, soulignant les risques liés à la hausse des prix des biens de base.
– Indicateurs avancés : l’accent mis par BCA sur les indicateurs avancés et par Standard Chartered sur les tendances saisonnières et les prévisions de PCE montre une analyse plus dynamique des données économiques, contrastant avec l’approche plus statique de Macquarie.
En conclusion, le débat sur les baisses de taux de la Fed reflète des perspectives économiques variées, chaque analyse apportant des arguments spécifiques sur l’inflation, la croissance économique et les conditions du marché du travail.
Les implications sur l’économie tunisienne
Les implications des prévisions divergentes concernant les baisses de taux de la Réserve fédérale américaine (Fed) pour l’année 2024 sur la Tunisie peuvent être analysées à travers plusieurs aspects économiques, financiers et sociaux. Voici quelques points clés à considérer :
* Implications économiques
- Impact sur les taux de change :
Si la Fed réduit ses taux d’intérêt, le dollar américain pourrait se déprécier par rapport aux autres devises, y compris le dinar tunisien. Cela pourrait entraîner une appréciation du dinar, rendant les importations moins coûteuses et allégeant la pression inflationniste importée.
- Coût des emprunts :
Des taux d’intérêt plus bas aux États-Unis pourraient réduire les coûts d’emprunt internationaux pour la Tunisie, facilitant l’accès aux marchés financiers pour financer les projets d’infrastructure et le développement économique. Cela pourrait également réduire le service de la dette en dollar américain.
* Implications Financières
- Flux de capitaux :
Une baisse des taux d’intérêt américains pourrait rendre les actifs financiers tunisiens plus attractifs pour les investisseurs internationaux en quête de rendements plus élevés, augmentant ainsi les flux de capitaux vers la Tunisie. Cela pourrait soutenir les réserves de devises étrangères et stabiliser la balance des paiements.
- Investissements étrangers :
Un environnement mondial de taux bas peut encourager les investissements directs étrangers (IDE) en Tunisie. Surtout si le pays propose des opportunités d’investissement attractives dans des secteurs comme le tourisme, l’industrie manufacturière et les technologies de l’information.
* Implications sociales
- Inflation :
La baisse des coûts des importations en raison d’un dinar plus fort pourrait réduire l’inflation domestique, augmentant le pouvoir d’achat des consommateurs tunisiens et améliorant leur niveau de vie. Cependant, cela dépend également de la capacité des entreprises locales à répercuter ces économies sur les prix de détail.
- Emploi :
Des investissements accrus et une activité économique stimulée par des coûts d’emprunt plus bas et des IDE pourraient créer de nouveaux emplois et réduire le taux de chômage en Tunisie. Ce qui est crucial pour la stabilité sociale et économique.
* Considérations à long terme
- Développement économique :
Des conditions de financement favorables peuvent soutenir les réformes économiques et les projets de développement à long terme, contribuant à une croissance économique durable et inclusive en Tunisie.
- Vulnérabilité aux chocs externes :
Toutefois, une dépendance accrue aux capitaux étrangers expose la Tunisie aux chocs externes. Une inversion soudaine des flux de capitaux en réponse à des changements dans les politiques monétaires internationales pourrait poser des risques pour la stabilité économique.
En conclusion, les décisions de la Fed concernant les taux d’intérêt auront des répercussions significatives sur l’économie tunisienne. Une baisse des taux de la Fed pourrait offrir des opportunités pour la Tunisie en termes de coûts d’emprunt réduits, flux de capitaux accrus, et stabilité de la balance des paiements, tout en améliorant les conditions de vie par une inflation réduite. Cependant, il est crucial pour la Tunisie de gérer ces opportunités avec prudence pour éviter une dépendance excessive aux conditions monétaires externes et assurer une croissance économique durable et résiliente.
ALERTE 2. Perspectives de la Livre Turque
- L’alerte texte présente les récentes fluctuations et perspectives du taux de change USD/TRY, en se concentrant sur l’impact de l’inflation persistante en Turquie et les décisions à venir des banques centrales, tant turques qu’américaines.
* Le Contexte et les Données sur l’Inflation Turque
- Inflation Persistante :
– Les prévisions indiquent que l’inflation turque, déjà à un niveau alarmant de 69,80 % en avril, pourrait atteindre 74,80 % en mai. Cette situation résulte de facteurs multiples, dont des politiques économiques peu orthodoxes et des pressions externes.
– La Banque centrale de Turquie (CBT) a révisé son objectif d’inflation à 38 % pour la fin de l’année, bien que cet objectif soit perçu comme ambitieux par les économistes.
- Impact sur le Taux de Change :
– Le taux de change USD/TRY s’est maintenu autour de 32,21, reflétant une certaine stabilité malgré les turbulences économiques internes.
* Prévisions et Réactions des Banques Centrales
- Perspectives de la CBT (Banque Centrale de Turquie):
– La CBT maintient des taux d’intérêt très élevés (taux directeur à 50 %) pour contrer l’inflation, mais des réductions de taux pourraient être envisagées au quatrième trimestre, ce qui serait baissier pour la livre turque.
– Les analystes divergent quant à savoir si la CBT maintiendra ce cap ou procédera à des ajustements dans un contexte d’inflation galopante.
- Fed et Stagflation :
– La Réserve fédérale américaine (Fed) publiera des minutes importantes qui pourraient donner des indications sur de possibles réductions de taux plus tard cette année pour stimuler une économie américaine en stagnation.
– La Fed fait face à une stagflation, ce qui complique la gestion des taux d’intérêt.
- Commentaires :
- Évaluation des Politiques :
– CBT : La politique monétaire de la CBT, caractérisée par des taux élevés, est nécessaire pour contrôler une inflation qui échappe à tout contrôle. Cependant, ces taux exorbitants ont des effets délétères sur l’économie réelle, limitant la consommation et l’investissement.
– Fed : La Fed se trouve dans une position délicate, essayant d’équilibrer une faible croissance et une inflation persistante. Les décisions de la Fed influenceront indirectement la livre turque en affectant les flux de capitaux mondiaux et le sentiment des investisseurs.
- Implications pour la Livre Turque :
– Dévaluation Potentielle : Si la CBT commence à réduire ses taux malgré une inflation élevée, cela pourrait entraîner une dévaluation supplémentaire de la livre turque, rendant les importations plus coûteuses et exacerbant les problèmes d’inflation.
– Réserves de Change : L’augmentation récente des réserves de change est un point positif, offrant un certain tampon contre les crises de liquidité à court terme, mais ne résolvant pas les problèmes structurels sous-jacents.
- Rendements Négatifs :
– L’écart entre les taux d’intérêt élevés et l’inflation persistante signifie que les détenteurs d’obligations turques subissent des rendements réels négatifs, ce qui pourrait décourager l’investissement à long terme et aggraver la fuite des capitaux.
En Conclusion
Le taux de change USD/TRY est pris dans une dynamique complexe où l’inflation galopante en Turquie et les décisions de la CBT jouent un rôle crucial. Tandis que la CBT lutte pour contenir l’inflation avec des taux élevés, toute réduction de ces taux pourrait affaiblir davantage la livre turque. En parallèle, les actions de la Fed auront des répercussions indirectes mais significatives. Les perspectives économiques restent incertaines, et les politiques des banques centrales doivent naviguer entre stabilisation économique et gestion de l’inflation.
- Les Implications pour l’Économie Tunisienne
Les alertes et analyses sur l’USD/TRY et les perspectives de la livre turque ont des implications significatives pour l’économie tunisienne, principalement à travers les canaux de l’inflation, du commerce extérieur, et des flux de capitaux. Voici une analyse détaillée :
- Inflation Importée :
– Hausse des Coûts des Importations :
– La dévaluation potentielle de la livre turque pourrait rendre les produits turcs moins chers sur le marché mondial. Cependant, pour la Tunisie, qui importe certains produits en dollars américains, l’augmentation des coûts des matières premières et des biens importés en raison de l’inflation mondiale et des fluctuations des taux de change pourrait exacerber l’inflation importée.
– Impact sur les Prix des Matières Premières :
– Les fluctuations des prix des matières premières, influencées par les décisions de la Fed et l’inflation mondiale, pourraient entraîner des hausses de prix en Tunisie, affectant particulièrement les secteurs dépendants des importations de matières premières comme l’agroalimentaire et la construction.
- Commerce Extérieur :
– Dévaluation et Compétitivité :
– Si la livre turque se dévalue davantage, les produits turcs pourraient devenir plus compétitifs en termes de prix sur le marché tunisien. Cela pourrait entraîner une augmentation des importations en provenance de la Turquie, exacerbant le déficit commercial de la Tunisie.
– Échanges Commerciaux :
– La Tunisie pourrait bénéficier d’une dévaluation de la livre turque en termes de coût d’importation de certains biens. Cependant, la volatilité des taux de change pourrait compliquer la planification des entreprises tunisiennes dépendantes des échanges commerciaux avec la Turquie.
- Flux de Capitaux :
– Attraction des Investissements :
– La politique monétaire restrictive de la CBT avec des taux d’intérêt élevés pourrait détourner les flux de capitaux vers la Turquie, rendant la Tunisie moins attractive pour les investisseurs étrangers. Toutefois, si la CBT réduit ses taux, cela pourrait réorienter les flux de capitaux vers des marchés émergents plus stables comme la Tunisie.
– Rendements Obligataires :
– Les rendements réels négatifs des obligations turques pourraient inciter les investisseurs à chercher des alternatives plus sûres, potentiellement en Tunisie, si le pays parvient à maintenir une relative stabilité économique et des rendements attractifs.
- Politiques Monétaires et Économiques :
– Répercussions des Décisions de la Fed :
– Les décisions de la Fed, notamment concernant les taux d’intérêt, auront des répercussions globales sur les flux de capitaux et les taux de change. Une réduction des taux par la Fed pourrait affaiblir le dollar, rendant les importations tunisiennes en dollars moins coûteuses, mais aussi affecter les réserves de change de la Tunisie.
– Politique Monétaire Tunisienne :
– La Banque Centrale de Tunisie (BCT) devra surveiller attentivement les évolutions internationales pour ajuster sa propre politique monétaire, afin de gérer l’inflation et de stabiliser le dinar tunisien face aux turbulences économiques mondiales.
Conclusion
Les fluctuations du taux de change USD/TRY et les décisions des banques centrales en Turquie et aux États-Unis ont des implications directes et indirectes sur l’économie tunisienne.
La Tunisie devra naviguer entre les pressions inflationnistes, les défis du commerce extérieur, et la gestion des flux de capitaux pour maintenir sa stabilité économique.
Les autorités tunisiennes devront être vigilantes et proactives dans l’ajustement de leurs politiques économiques pour atténuer les impacts négatifs et tirer parti des opportunités éventuelles dans ce contexte mondial dynamique.
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)