Le président algérien Abdelmadjid Tebboune – qui laisse jusqu’à présent planer le suspense sur sa candidature à un deuxième mandat lors de la présidentielle anticipée du 7 septembre – aura face à lui une redoutable concurrente : Saïda Neghza, classée en février 2023 parmi les cinquante femmes qui comptent sur le continent africain.
« J’ai pris cette décision après une longue réflexion, consciente des grands espoirs du peuple algérien. Et je suis consciente de la grande responsabilité qu’implique cette voie ». Ainsi, s’exprimait Saïda Neghza, la présidente de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA), l’une des plus importantes organisations patronales du pays, en annonçant lundi dernier, lors d’une conférence de presse au siège de sa permanence électorale à Alger sa candidature à la présidentielle anticipée du 7 septembre prochain.
Le devoir de « retrousser ses manches »
« J’ai fait une longue carrière dans la gestion des entreprises économiques et j’ai eu l’honneur de diriger des organisations nationales et internationales, à travers lesquelles j’ai eu l’occasion d’examiner et de diagnostiquer les économies émergentes de nombreux pays qui assistent à une course technologique sans précédent, qui déterminera une nouvelle classification du monde », poursuivait la femme d’affaires. Elle affirme qu’il est du devoir de tous les Algériens « de changer les mentalités, de retrousser les manches et d’affronter avec courage et détermination toutes ces batailles pour notre avenir ».
Et de conclure : « J’ai pleinement confiance dans la capacité de notre peuple à surmonter tous ces défis. Nous parachèverons le rêve de nos martyrs de réaliser un État républicain démocratique et social, comme celui auquel ils croyaient ».
Parcours de combattante
A noter que Saïd Neghza – active dans les affaires depuis 1990, qui a bâti un empire dans les travaux publics et l’hydraulique et qui est reconnue internationalement, notamment en tant que présidente du club des meilleures femmes d’affaires d’Afrique en 2022 – est désormais la troisième femme à annoncer sa candidature, après Zoubida Assoul, présidente de l’UCP et l’indéboulonnable Louiza Hanoune, secrétaire générale du parti des travailleurs (PT) qui aura brigué la présidence en Algérie à trois reprises (2004, 2009 et 2014).
Réputée pour son franc-parler, elle s’opposa avec véhémence en septembre 2023 au bilan économique du président de la République, Abdelmajid Tebboune, en dénonçant « les dérives arbitraires » de son régime envers les entrepreneurs. Ces derniers se plaignaient, selon elle, « de subir des amendes infligées par un comité formé de cinq ministres, sans même avoir le droit d’accéder à leurs dossiers ».
Cette audacieuse prise de position lui aura valu une campagne de dénigrement violente orchestrée par les médias proches du pouvoir. Ainsi, un article de l’agence officielle Algérie Presse Service (APS) l’accusa d’être « le porte-voix d’intérêts qu’elle est prétendument censée combattre, ceux de l’ordre ancien, d’une issaba dont le sport favori n’était pas la pratique du golf mais de détourner l’argent du peuple ». Elle reçut même des menaces et fut contrainte de s’exiler à l’étranger pendant plusieurs mois pour sa sécurité.
Elle fit un retour remarqué au bercail au printemps 2024 et reprit son combat avec une détermination sans faille. Aujourd’hui, elle franchit une étape cruciale en briguant officiellement la magistrature suprême en tant que candidate indépendante n’étant affiliée à aucun parti politique, contrairement à ses deux concurrentes.
Une nouvelle dynamique
Faut-il prendre au sérieux la candidature de Mme Neghza au prochain scrutin présidentiel? D’autant plus qu’il existerait, en haut lieu, une volonté de booster la candidature de plusieurs femmes, afin de donner des couleurs au prochain scrutin, au demeurant assez terne.
Selon les observateurs politiques à Alger, cette candidature apporte une certaine dynamique à la campagne actuelle. Pour preuve : la candidature de cette femme d’affaires a bénéficié d’une large couverture médiatique. Ainsi, pas moins de 13 chaînes de télévision, y compris des chaînes étatiques, étaient présentes à sa cérémonie d’annonce de candidature. A contrario, quand l’opposante et magistrate Zoubida Assoul officialisait début mars son engagement à postuler pour la magistrature suprême, aucun journaliste n’avait fait le déplacement!
Volontarisme
Cela dit, il reste moins de quarante jours pour recueillir les 600 signatures d’élus ou de 50 000 électeurs obligatoires pour valider son dossier auprès de l’Autorité nationale indépendante des élections. Difficile mais pas impossible pour une femme d’affaires qui ne manque ni de ressources ni de volonté.
Un exemple? Cette femme de fer s’est engagée en 2017, en partenariat avec une entreprise espagnole, à réaliser 700 logements à Oran et Ouargla pour la gendarmerie nationale.
Coup de théâtre : juste après l’attribution du marché, les Espagnols se désistent. Dépitée, Saïda Neghza est hospitalisée pendant 24 jours. Mais, en pleine convalescence, elle reprend le travail et vend ses biens personnels pour assurer la poursuite du chantier.
Une leçon de courage et de ténacité.