Primé du Prix spécial du jury Comar d’or 2024, le roman Fleurir (2024) de Wafa Ghorbel, romancière franco-tunisienne, est une œuvre vibrante qui mêle musique et littérature dans une symphonie captivante. À travers le parcours tumultueux de Yassmine, une jeune femme cherchant à s’émanciper par la danse et la lecture, Ghorbel explore les thèmes de la révolution tunisienne et de la résilience féminine. Avec une prose rythmée et poétique, Fleurir transcende les frontières culturelles et invite le lecteur à un voyage initiatique inoubliable.
J’aurais aimé lire ce roman d’une traite, assis devant un piano, tant il invite à un voyage musical. Plein de références musicales, le lecteur aura envie de danser le flamenco, de mettre un CD des classiques de la musique française dans son lecteur, et d’invoquer par son imaginaire les ravissantes danseuses orientales.
« De la musique avant toute chose » nous enseignait Paul Verlaine. Wafa Ghorbel propulse le lecteur dans un tourbillon, voire un ouragan musical et romanesque. Les deux ouragans se croisent et se décroisent. Le lecteur ne saura plus s’il doit suivre la trame romanesque ou fredonner les chansons évoquées et invoquées tout au long des 400 pages du roman. Cette musicalité se confirme par le rythme des phrases saccadées, scindées et ciselées.
Ce n’est pas un hasard si la romancière est musicienne et mise sur un brassage culturel et artistique, fait perceptible même pour un lecteur non averti. C’est un choix bien étudié sur le personnage principal du roman, Yassmine, qui s’est affranchie par la danse du flamenco et par la lecture. Mon propos ici n’est point de dévoiler la trame romanesque du roman. Je vous laisserai le soin de le découvrir, mes ami(e)s.
Mon propos est de partager avec vous quelques pistes de réflexion sur cette œuvre qui mérite bien sa place dans la littérature tunisienne d’expression française. Il est également question de la révolution tunisienne dans notre roman, mais sans clichés ni discours directs. À cet égard, je rappelle que plusieurs romans ont abordé ce thème, mais la majorité a échoué et n’a pas su traiter ce thème d’une manière esthétique et donner ses lettres de noblesse à cette révolution.
Dans Fleurir, le processus révolutionnaire va en parallèle avec l’évolution du personnage principal, Yassmine, une adolescente insulaire violée par son professeur. Pour « laver la honte », sa famille et celle de son homme ont convenu de les marier, soi-disant pour épargner la peine carcérale au violeur. Après la violence subie par Yassmine de la part de son époux et sa maltraitance, elle prend la mer dans une immigration clandestine vers Lampedusa, dans un périple dangereux pour fuir son agresseur et la famille qui l’a mariée de force à celui qui lui a volé sa jeunesse et brisé ses ailes. De son île à Lampedusa, en passant par l’Espagne et Paris, tel était son chemin spirituel, musical et initiatique.