Pays ayant choisi la neutralité depuis plus d’un siècle, la Suisse est-elle en train de la perdre? La guerre d’Ukraine a visiblement provoqué des changements dans la politique étrangère suisse en matière de neutralité vis-à-vis des soubresauts qui secouent la scène internationale. Concernant la crise en Ukraine, on ne peut pas dire que la Suisse est à égale distance des belligérants.
Depuis le déclenchement de la guerre d’Ukraine, le Conseil fédéral suisse cherchait les moyens de « concilier les intérêts économiques de la Suisse avec la politique de neutralité ». Une formule laconique qui trahit les pressions internes et externes sur le gouvernement suisse afin qu’il s’engage dans la coalition occidentale contre la Russie.
Celle-ci, à travers de nombreux communiqués du ministère des Affaires étrangères, a critiqué à plusieurs reprises « les dérives qui font perdre à la Suisse sa neutralité. » La dernière manifestation de cette « dérive suisse » est l’accueil à Lucerne le week-end dernier de « la Conférence pour la paix », réunie pour discuter « les dix propositions » de Zelensky pour mettre fin au conflit… en l’absence de la principale intéressé, la Russie.
Un pays qui se dit neutre ne peut pas se permettre d’accueillir une conférence pour la paix où la principale partie dans le conflit est ignorée par la partie organisatrice. De là à dire que dans la crise ukrainienne la Suisse n’est pas neutre, beaucoup d’observateurs et commentateurs n’ont pas attendu l’organisation de cette conférence pour le souligner.
Quelques 90 pays et organisations se sont donc réunis à Lucerne ce week-end pour discuter « des moyens de mettre fin au conflit en Ukraine », et élaborer une « formule de paix ». Au moment même où les Etats occidentaux présents (Etats-Unis, France Allemagne etc.) continuent d’inonder le champ de bataille d’armements de toutes sortes.
Une Conférence pour rien? On pourrait le penser à la lecture du communiqué conjoint publié dimanche 16 juin par les participants. Dans ce communiqué, aucune idée nouvelle n’a été avancée. Les participants se sont contentés de répéter les principes de « l’intégrité territoriale » et de « souveraineté », « le retrait des troupes russes aux frontières de 2014 », etc.
On ne peut pas lire ce communiqué sans penser à la guerre de Gaza et aux milliards de dollars et millions de tonnes d’armements livrés à Israël pour l’aider à perpétuer en Palestine le viol de tous les principes dont Washington, Londres, Paris, Berlin et Bruxelles demandent le respect en Ukraine…
Il est à noter que de nombreux pays, dont la Chine, acteur majeur sur la scène mondiale, n’ont pas répondu à l’invitation que leur a adressée Zelensky. Beaucoup d’autres pays présents à la Conférence ont refusé de signer le Communiqué de Lucerne, à l’exemple de l’Inde, l’Indonésie, le Brésil, l’Afrique du Sud, le Mexique, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, la Colombie, la Libye, le Vatican, etc.
Volodymyr Zelensky, dont le mandat légal s’est terminé le 20 mai dernier, continue de collectionner les revers, non seulement sur le champ de bataille, mais aussi au niveau diplomatique. Comme le montre l’échec de la Conférence de Lucerne, ou encore l’humiliation qu’il a subie au Bundestag lors de sa visite en Allemagne le 12 juin.
En effet, invité par le chancelier Olaf Scholz à s’exprimer devant le Bundestag, le président ukrainien s’est trouvé devant une poignée de députés, la quasi-totalité des représentants de la droite et du parti « l’Alternative pour l’Allemagne » qui ont boycotté le discours du président ukrainien.
Le communiqué publié par les députés boycotteurs est humiliant pour Zelensky : « Nous refusons d’écouter un orateur qui se présente au Bundestag en T-shirt de camouflage et dont la politique ne peut engendrer que des bains de sang. Son mandat a expiré et il n’est plus maintenant qu’un président de la guerre et de la mendicité. »