Les alertes économiques mondiales actuelles ont des implications variées pour l’économie tunisienne. L’économie tunisienne est sensible aux fluctuations de l’économie mondiale et doit gérer divers facteurs externes pour préserver sa stabilité financière et sa compétitivité sur la scène internationale.
L’euro à la dérive
Le sentiment baissier sur l’euro fait son retour, selon les analystes Bank of America (NYSE : BAC) Securities, suite aux élections du Parlement européen et à l’augmentation des risques politiques. La paire EUR/USD a perdu au cours de la semaine passée.
Pour mémoire, les récentes élections au Parlement européen ont entraîné un virage à droite dans plusieurs pays, notamment en France. Cela a conduit le président Emmanuel Macron à annoncer une élection législative surprise (nous y reviendrons), un pari risqué sur son avenir politique, qui pourrait renforcer le pouvoir du parti d’extrême droite de Marine Le Pen.
Sur le même registre, les analystes de Moody’s (NYSE : MCO) ont émis un avertissement de crédit, qualifiant cette décision de « crédit négatif » pour la note Aa2 de la France en raison des risques accrus pour la consolidation fiscale.
Entre dérive des marchés de change…
Les analystes de BoA (Bank of America) Securities ont noté que la paire EUR/USD avait brièvement dépassé 1,09 la semaine dernière, avant de retomber à 1,07 en raison de l’agitation politique en Europe et des bons chiffres de l’emploi aux États-Unis.
« Le sentiment baissier s’étend maintenant à plusieurs paires de l’euro. L’analyse des événements montre un signal de continuation baissière pour l’EUR/USD, avec un élargissement significatif du skew de l’EUR put de 4% durant le week-end »(du 15-16 juin 2024), a déclaré BoA.
L’euro affiche également des tendances baissières par rapport à la GBP, au JPY et à la SEK.
Et agitation politique en Europe …
La paire EUR/USD a été durement frappée lundi par les l’agitation politique en Europe en Europe, suscitant des prévisions pessimistes pour l’euro. L’analyste de Macquarie prévoit que l’EUR/USD atteindra 1,05 et s’y maintiendra au second semestre 2024, en raison des récents développements politiques et d’une élection surprise en France. L’agence Macquarie avait déjà anticipé une baisse de l’euro à 1,05 $ à la mi-mai, avertissant que les gains des populistes de droite augmenteraient les inquiétudes sur la stabilité politique et l’unité de l’Union européenne.
Commentaires
offrent une décomposition détaillée et cohérente du sentiment baissier concernant l’euro, mais il présente quelques aspects qui méritent une critique approfondie.
En premier lieu,
L’analyse relie efficacement le sentiment baissier sur l’euro aux récents événements politiques, notamment les élections du Parlement européen et la convocation d’élections législatives en France par Emmanuel Macron. Elle met en avant l’impact des résultats électoraux sur les marchés financiers.
En deuxième lieu, les prévisions fournies par des institutions reconnues comme Bank of America et Macquarie ajoutent de la crédibilité à l’analyse. Les données chiffrées sur la paire EUR/USD et les perspectives de baisse renforcent la pertinence des arguments.
En troisième lieu, l’inclusion des avertissements de Moody’s sur la note de crédit de la France souligne les implications économiques des décisions politiques, ajoutant de la profondeur à l’analyse.
Pour autant, bien que la corrélation entre les élections et le sentiment baissier sur l’euro soit clairement établie et que les conclusions semblent exagérer l’impact immédiat des résultats électoraux sur la paire EUR/USD, d’autres facteurs économiques et mondiaux influencent également les taux de change.
En outre, l’analyse pourrait inclure une analyse plus approfondie du contexte historique et structurel des marchés financiers. Par exemple, une comparaison avec d’autres périodes d’instabilité politique en Europe et leur impact sur l’euro aurait pu enrichir l’analyse.
Enfin, la suggestion que les incertitudes politiques sont la principale cause de la baisse de l’euro peut simplifier à l’excès les dynamiques complexes du marché des changes. Des facteurs tels que les politiques monétaires globales, les flux commerciaux, et les taux d’intérêt jouent également des rôles cruciaux.
En somme, cette prospective présente une analyse bien articulée et pertinente des récents développements politiques et de leur impact sur l’euro. Cependant, pour une analyse plus exhaustive, il serait bénéfique d’intégrer une plus grande diversité de sources et de considérer une gamme plus large de facteurs économiques et financiers (à suivre).
La convocation des élections anticipées par Emmanuel Macron, considérée comme un pari majeur, pourrait affaiblir sa coalition « Ensemble » au profit du RN lors des prochaines élections législatives des 30 juin et 7 juillet. L’histoire montre que les incertitudes politiques pèsent sur l’euro, comme lors du référendum de 2016 sur le Brexit, qui a entraîné une vague d’euroscepticisme et poussé l’euro sous la parité avec le dollar. Macquarie anticipe une pression similaire aujourd’hui.
De plus, la force du dollar pourrait maintenir l’euro sous pression, avec la Fed susceptible d’adopter une pause « hawkish » dès mercredi 19 juin 2024, réduisant ses perspectives de baisse des taux à deux réductions pour cette année, contre trois précédemment. Cette politique plus optimiste de la Fed, en contraste avec l’assouplissement monétaire de la BCE, de la BoC, de la SNB et de la Riksbank,
Implications pour la Tunisie.
L’analyse du sentiment baissier sur l’euro a plusieurs implications potentielles pour l’économie tunisienne, qui peuvent être explorées à travers divers canaux économiques :
Commerce extérieur
La Tunisie entretient des relations commerciales étroites avec l’Union européenne, notamment la France. Une dépréciation de l’euro par rapport au dollar pourrait rendre les exportations tunisiennes vers l’UE plus chères en termes de devises locales européennes, ce qui pourrait réduire la compétitivité des produits tunisiens en Europe.
En revanche, les importations en provenance de l’UE deviendraient moins coûteuses, ce qui pourrait bénéficier aux consommateurs et entreprises tunisiennes qui dépendent des biens et services européens.
Tourisme
Le secteur du tourisme en Tunisie pourrait être affecté par la baisse de l’euro. Les touristes européens, principalement français, pourraient percevoir la Tunisie comme une destination plus coûteuse, ce qui pourrait réduire le nombre de visiteurs.
Cependant, cela pourrait être partiellement compensé par une augmentation des visiteurs en provenance des États-Unis ou d’autres pays dont la devise se renforce par rapport à l’euro.
Investissements Directs Étrangers (IDE)
Les fluctuations de l’euro peuvent également influencer les investissements directs étrangers en Tunisie.
Une monnaie européenne plus faible pourrait rendre les investissements en Tunisie plus attractifs pour les entreprises européennes cherchant à réduire leurs coûts en externalisant ou en investissant dans des régions où leurs devises sont plus fortes. Toutefois, une incertitude politique accrue en Europe pourrait dissuader certains investisseurs.
Inflation et politique monétaire
Une baisse de l’euro pourrait affecter les prix des biens importés en Tunisie. Si les importations européennes deviennent moins chères, cela pourrait exercer une pression à la baisse sur l’inflation en Tunisie. Cependant, si l’économie tunisienne dépend fortement de matières premières ou de biens libellés en dollars, une baisse de l’euro pourrait entraîner des coûts plus élevés en dollars.
Relations bilatérales et géopolitiques
Les évolutions politiques en Europe, notamment en France, peuvent avoir des répercussions sur les relations bilatérales avec la Tunisie.
Un renforcement des partis populistes ou d’extrême droite en Europe pourrait influencer les politiques migratoires, commerciales et d’aide au développement, impactant ainsi les relations économiques et politiques entre la Tunisie et l’Europe. En conclusion, l’analyse du sentiment baissier sur l’euro, bien que centrée sur les développements politiques et économiques européens, a des répercussions significatives pour l’économie tunisienne.
Les autorités tunisiennes et les entreprises locales doivent surveiller de près ces évolutions et s’adapter en conséquence pour minimiser les impacts négatifs et maximiser les opportunités. Une diversification des partenaires commerciaux et une adaptation stratégique des politiques économiques pourraient aider à atténuer les risques associés aux fluctuations de l’euro.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)