Plus de 900 pèlerins dont 35 Tunisiens sont morts lors du rite du Hajj. Le bilan est effroyable et il pourrait encore grimper. La majorité de ces décès ont été attribués à la chaleur et à la mauvaise gestion humaine, parait-il, pas aussi humaine que cela.
Le bilan est très lourd. Après l’incident meurtrier qui a tué près de 1500 personnes en 1990 et la bousculade à Mina qui avait causé la mort de plus de 2 400 pèlerins en 2015, le pèlerinage de cette année a été endeuillé par la mort de plus de 900 personnes, et ce nombre est provisoire. La majorité de ces décès est attribuée à la chaleur accablante qui sévit à la Mecque en plein été. Les températures ayant atteint les 51,8 degrés Celsius; alors que la plupart des pèlerins ont un âge avancé.
Stress climatique
Or, en dépit des recommandations de s’abriter du soleil, de nombreux rituels imposent de rester en extérieur de longues heures. Des scènes d’épuisement et des services d’urgence débordés ayant traité plus de 2000 cas de coups de chaleur ont été observés.
A noter à ce propos qu’une étude saoudienne publiée en mai avertissait déjà que les températures sur les sites où se déroulent les rituels du Hajj, l’un des cinq piliers de l’islam, augmentent de 0,4 degré Celsius tous les dix ans. Une autre étude réalisée en 2019 par des experts du Massachusetts Institute of Technology (MIT) avait également révélé que le Hajj se déroulerait à des températures dépassant un « seuil de danger extrême » de 2047 à 2052 puis de 2079 à 2086, périodes auxquelles le pèlerinage aura lieu l’été.
Parmi les 1,8 million de fidèles qui ont pris part au pèlerinage de la Mecque cette année, dont 1,6 million venus de l’étranger, l’on ne déplore pas moins la mort de 600 pèlerins égyptiens, 68 ressortissants indiens, 60 Jordaniens. Des décès ont été également confirmés en Indonésie, en Iran, au Sénégal, et au Kurdistan irakien.
S’agissant de nos compatriotes, une source officielle, en l’occurrence le ministère des Affaires étrangères, de la Migration et des Tunisiens à l’étranger a annoncé mardi 18 juin le décès de 35 pèlerins jusqu’à la date du mardi 18 juin 2024. Cinq faisait partie de la délégation officielle tunisienne et trente qui se sont rendus en Arabie saoudite via des visas touristiques ou de visites personnelles.
« Dans le cadre du suivi de la situation des pèlerins tunisiens, le ministère des Affaires étrangères, de l’Immigration et des Tunisiens à l’étranger informe que, sur la base des données reçues du consulat général de la République tunisienne à Djeddah, le nombre de pèlerins tunisiens décédés a atteint, au 18 juin 2024, 35 décès, dont cinq pèlerins arrivés par tirage au sort et 30 personnes arrivées avec un visa touristique, de visite ou de Omra », peut-on lire dans un communiqué publié par le ministère sur sa page sur Facebook.
La même source précise également que la mission diplomatique à Riyad et le consulat général à Djeddah coordonnent avec les autorités saoudiennes compétentes et les familles des pèlerins, « afin de mener à bien les démarches liées à leur enterrement ». De plus, ajoute le communiqué, la mission consulaire, en coordination avec le chef de la mission sanitaire tunisienne, « se rend actuellement dans plusieurs hôpitaux de la région de La Mecque pour s’enquérir du nombre des Tunisiens malades et des personnes portées disparues ».
Le rituel accompli « avec facilité et fluidité » par les pèlerins
Pour sa part, le ministère des Affaires religieuses a publié le 17 juin un communiqué dans lequel il fait mention de la visite effectuée par le ministre Brahim Chebbi aux camps des pèlerins à Arafat, samedi 15 juin, où il s’est entretenu avec les pèlerins et s’est informé des conditions de leur séjour et du déroulement des rites du Hajj.
« Le ministre a affirmé que les groupes de pèlerins tunisiens accomplissent ce rituel avec facilité et fluidité, grâce à l’organisation rigoureuse mise en place par les guides et encadreurs qui les accompagnent », lit-on dans un communiqué du ministère.
Le ministre a donné des instructions à la mission d’encadrement religieux pour éviter les bousculades et a recommandé de se porter volontaire pour effectuer le rituel du Rami al-Jamarat au nom des pèlerins malades et des personnes âgées.
« Dieu soit loué, nos pèlerins ont accompli le pilier majeur du Hajj (celui de Wakfet Arafat) avec grand succès, grâce à l’étroite coopération entre les guides, compagnons, médecins et autres membres de la délégation du bureau tunisien des affaires des pèlerins », souligne le communiqué.
Un témoignage dérangeant
« Organisation rigoureuse mise en place par les guides et encadreurs qui accompagnent les pèlerins », comme l’affirme le communiqué émanant du ministère des Affaires religieuses?
Réfutant la version officielle, un pèlerin tunisien originaire d’Om Laârayes du gouvernorat de Gafsa a déploré à contrario « le manque d’organisation » de la délégation tunisienne officielle en affirmant que « les accompagnateurs nous auraient abandonné à notre sort ».
En effet, s’exprimant le 19 juin 2024 au micro de Khaled Abidi sur IFM, le témoin a affirmé- ce qui reste à vérifier- que les accompagnateurs « ont abandonné les pèlerins pour effectuer eux-mêmes les rituels; les laissant se débrouiller seuls pour effectuer eux-mêmes les différents rituels ». En outre, il a ajouté que les pèlerins tunisiens ne recevaient qu’un seul repas par jour. « Si je l’avais su, je ne me serais pas rendu à La Mecque », a-t-il conclu au comble de la colère.
Selon ce témoignage, les faits se sont déroulés durant la dernière phase du rituel du Hajj, durant laquelle les pèlerins se rendent de Arafat à Mina avec quelques heures d’arrêt à Muzdalifah, pour se reposer, prier et collecter des pierres pour la lapidation du diable prévue le lendemain.
Or, les bus auraient quitté Arafat sans accompagnateur et sans aucun encadrement. Les pèlerins, déboussolés, auraient été débarqués au milieu de la nuit, loin de tout point de ralliement. Il faisait 57 degrés sous un soleil de plomb, avec des personnes souvent âgées et porteuses de maladies chroniques. Ce qui expliquerait le nombre élevé des décès.
Si ce témoignage poignant était fiable, le ministère des Affaires étrangères serait bien avisé de diligenter une enquête rigoureuse pour déterminer la responsabilité des uns et des autres dans cette tragédie.
Sans parler des dizaines de disparus qui errent encore comme une âme en peine dans les ruelles de la Mecque. Mais, c’est une autre paire de manches!