A quelques jours du 1er tour des élections législatives en France, le pays est en apnée. Le spectre de voir l’extrême-droite au pouvoir se précise. Une menace que n’a cessé de nourrir le président Macron, du fait de sa politique de creusement des inégalités et de son discours tendant à normaliser les idées d’extrême-droite.
Au-delà du cas français, c’est le modèle démocratique qui est en crise dans le monde. L’horizon démocratique, qui était promis au nouveau siècle, s’est largement obscurci face à la montée d’un autoritarisme multiforme.
La montée en puissance de l’extrême-droite et la responsabilité historique d’Emmanuel Macron
Deux ans après que Marine Le Pen a à nouveau accédé au second tour de l’élection présidentielle et que le RN a multiplié son nombre de députés par onze, le mouvement d’extrême droite est le premier parti politique français. On assiste au franchissement logique d’un nouveau seuil dans la dynamique politique qui pousse l’extrême droite RN. Elle s’est lancée dans une stratégie alliant maillage territorial, ancrage local et dédiabolisation politico-médiatique.
La responsabilité du président Macron est largement engagée. Il n’a réussi ni à faire baisser le vote d’extrême droite ni à mener une politique capable d’en extirper les racines. En stigmatisant les forces de gauche tout en érigeant Marine Le Pen dans le rôle de principale opposante, en se pliant à un exercice constant de normalisation des mots, références et discours issus de l’extrême droite, le président Macron s’est mué en allié objectif de la montée de celle-ci.
A l’exception des périodes électorales, Emmanuel Macron a longtemps fait comme si le RN était un parti comme les autres, sans histoire, mais aussi sans label antirépublicain et anticonstitutionnel, celui de la préférence nationale.
Après avoir développé une image d’ouverture, libérale (sur le multiculturalisme, la laïcité, l’islam), le président Macron n’a cessé d’envoyer des signaux identitaires, mêlant parfois son histoire personnelle à un certain récit national.
Les signes et expressions de l’ambivalence du président Macron se vérifient aussi sur la colonisation française et la guerre d’Algérie (1954-1962). Son discours mémoriel rejette toute « repentance » tout en invitant à regarder le passé, celui de la responsabilité historique de la France, « avec courage ». En pleine campagne présidentielle de 2017, il avait qualifié la colonisation de « barbarie », de « crime contre l’humanité », alors qu’il avait estimé (en novembre 2016, dans les colonnes du « Point ») que la colonisation française avait permis « l’émergence d’un Etat, de richesses, de classes moyennes », qu’« il y a eu des éléments de civilisation ».
Plus tard, en qualité de président de la République, le 30 septembre 2021, il déclara que « la nation algérienne post-1962 s’est construite sur une rente mémorielle […] ». « La construction de l’Algérie comme nation est un phénomène à regarder. Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française? Ça, c’est la question ».
Enfin, à propos des relations entre la France et l’Algérie, il avait osé cette envolée : « C’est une histoire d’amour qui a sa part de tragique », comme si cette relation avait été consentie, de part et d’autre, à parts égales, sans violence.
Un mouvement global de repli sur soi en Occident
L’évolution de la France s’inscrit dans un mouvement plus global. Les régimes politiques occidentaux cèdent en effet à des tendances autoritaires, sécuritaires et nationalistes. Loin de l’idéal-type de la démocratie libérale, les régimes politiques occidentaux ne sont pas imperméables aux tendances autoritaires, sécuritaires et nationalistes.
Des « démocraties illibérales » émergent en Occident comme ailleurs (Inde, Israël, etc.) à travers le culte du pouvoir fort, la remise en cause du principe de l’Etat de droit (en particulier l’indépendance du juge) et l’exaltation de l’identité nationale.
Le succès électoral des partis d’extrême-droite en Europe est le symptôme de pulsions identitaires et d’un sentiment de vulnérabilité sociale provoqué notamment par les dérives du capitalisme dérégulé et la croissance des flux migratoires. Le néo-nationalisme qui traverse les démocraties occidentales vise plus globalement une mondialisation perçue comme une source de dépendance, d’inégalités sociales et de menace identitaire.