L’UE déplore que les exportations européennes vers l’Algérie aient diminué de 45% depuis une décennie et menace de recourir à des mesures d’arbitrage si aucune solution n’est trouvée.
« L’Algérie est un pays souverain qui ne tolère point de diktat » fut la réponse cinglante d’un responsable algérien.
D’évidence, les mesures prises ces dernières années par Alger pour mieux rationaliser les importations de produits européens ne sont guère du goût de l’Union européenne ; les enjeux financiers étant colossaux.
En effet, Bruxelles a lancé, le 14 juin 2024, « une procédure de règlement des différends contre l’Algérie », sous prétexte que ce pays maghrébin a restreint depuis 2021 les exportations et les investissements de l’UE.
En termes diplomatiques, la Commission européenne précise dans un communiqué avoir lancé cette procédure « afin d’engager un dialogue constructif en vue de lever les restrictions dans plusieurs secteurs allant des produits agricoles aux véhicules automobiles ».
Les griefs de Bruxelles
Dans le même texte, la Commission dénonce en particulier « un système de licences d’importation ayant des effets équivalents à une interdiction d’importation, des subventions conditionnées à l’utilisation de pièces fabriquées localement pour les constructeurs automobiles et un plafond de la participation étrangère dans les entreprises important des biens en Algérie ».
« Compte tenu des efforts infructueux pour résoudre la question à l’amiable, l’UE a pris cette initiative pour préserver les droits des entreprises et exportateurs européens exerçant en Algérie qui sont affectés », se justifie la Commission européenne, ajoutant que les mesures algériennes « nuisent également aux consommateurs algériens en raison d’un choix de produits indûment restreint ».
Dans la liste des griefs énoncés, l’UE cite « un système de licences d’importation ayant les mêmes effets qu’une interdiction d’importation », « l’interdiction depuis cette année de domiciliation bancaire de toute entreprise important des produits en marbre et en céramique sous leur forme finale ». Ainsi que « l’obligation pour les constructeurs automobiles d’intégrer un pourcentage croissant de produits locaux pour la fabrication de véhicules et des subventions conditionnées au respect de cette règle ».
Enfin, l’UE estime que les mesures restrictives introduites par Alger depuis 2021 « violent ses engagements dans le cadre de l’Accord d’association UE-Algérie », sachant que ledit accord, signé en 2002 et qui entrera en vigueur en 2005, établit un cadre de coopération dans tous les domaines, y compris le commerce.
À noter également que la procédure annoncée vendredi 14 juin est prévue dans le cadre de cet accord. Si aucune solution n’était trouvée, l’UE serait juridiquement en droit de demander la mise en place d’un panel d’arbitrage. Sachant que tous les accords commerciaux de l’UE incluent un mécanisme de règlement des différends.
L’Algérie altière et souveraine
Balayant d’un revers de main les arguments étalés par Bruxelles, le ministre algérien du Commerce et de la Promotion des exportations, Tayeb Zitouni, a rappelé que « l’Algérie est un pays souverain, qui n’a pas de dette extérieure et ne tolère point de diktat. Nous avons des partenaires avec qui nous travaillons, soit les pays avec lesquels nous avons des partenariats bilatéraux, l’Union européenne ou les espaces auxquels nous appartenons sur le plan africain ou arabe ».
Lors d’une interview accordée mercredi 26 juin à la Télévision algérienne en marge de l’ouverture de la 55e Foire internationale qui se tient du 24 au 29 juin 2024 à Alger, avec la participation de près de 700 exposants nationaux et étrangers, M. Zitouni a également précisé que l’Algérie « n’avait pas cessé les importations », mais avait, plutôt, « adopté le principe de rationalisation de ses importations parallèlement à l’évolution de la production nationale ».
Rationaliser les importations
Pour preuve ? « Nos importations annuelles sont estimées à 45 milliards de dollars dont plus de 22 Mrds USD provenant de l’Union européenne », a fait savoir le ministre algérien, qui ajoute que son pays « a rationalisé l’importation et ne l’a pas arrêtée, ce qui serait inconcevable ». Il cite à titre d’exemple la production de blé cette année en Algérie « qui permettra au pays d’économiser un montant considérable de 1,2 Mrd de dollars sur la facture d’importation ».
Rationalisation des importations ? Le mot est lâché. Tayeb Zitouni a noté à ce propos que « la politique de rationalisation des importations et la préservation de la production locale ne sont pas une politique algérienne seulement, mais elles sont adoptées par tous les pays du monde, à l’instar des Etats-Unis, de la Chine et d’autres entités économiques, telle l’Union européenne ».
Injustice
Rappelons enfin que le différend commercial entre Alger et Bruxelles a pour origine le refus de l’Algérie de devenir un « comptoir » pour les produits européens ; alors que ses propres produits ne bénéficient pas des mêmes facilités d’accès sur le marché du Vieux continent. C’est pour cette raison que la partie algérienne n’a eu de cesse de vouloir revoir clause par clause l’Accord d’association engageant les deux parties, jugé plus à l’avantage de la partie européenne. Il s’agit en effet de réparer une flagrante injustice.