Disons-le d’emblée et sans ambages : la chronique et les chroniqueurs comptent parmi les péchés originels de la transition médiatique, opérée dès 2011 à la vitesse du son, avec l’apport de partenaires et contributeurs souvent étrangers, rarement institutionnels et, a fortiori, souverains.
Depuis, le système médiatique tunisien évolue par génération spontanée, faisant fi des paramètres essentiels de la programmation audiovisuelle, en autorisant les mélanges en tous genres journalistiques. En plus clair, la chronique relève de l’infotainment. A savoir que sa fonction consiste à prolonger les news, en les expliquant, en les commentant et en les contextualisant. L’info première étant délivrée par les téléjournaux et les bulletins d’information. Le prolongement peut aussi être fait dans les espaces réservés aux enquêtes, reportages, portraits et aussi aux documentaires.
Expliquer, c’est donc le maître-mot, mais à condition d’avoir préalablement informé. Or, la pratique nous met en face d’un genre professionnellement asexué … A savoir que ce n’est ni de l’information – magistralement négligée dans ses espaces propres comme le téléjournal et les bulletins infos -; ni de l’explication de l’évènement et de sa mise en perspective. C’est cela tout à la fois et c’est ceci sans cela.
Pourtant, dans un système médiatique encore frêle, la fonction explicative est fondamentale. Il est autorisé qu’elle soit doublée de la fonction interprétative. Ni ceci ni cela n’est assumé comme il se doit. Plus encore, les espaces offerts à la chronique se transforment en un haut lieu de la vindicte, des procès d’intention, de la décrédibilisation, des attaques personnelles. En réalité bien en deçà des canons de la pratique professionnelle du fait et de l’opinion.
Il faut dire les choses telles qu’elles sont : dans l’état actuel de notre système médiatique, la chronique a fait plus de mal que de bien. Mal perçue par rapport à sa véritable fonction dans une démocratie médiatique, elle s’est muée en un espace de règlement de comptes politiques, quelque fois de comptes personnels. Cette option inquisitrice, pamphlétaire est soutenue par des animateurs, distributeurs de paroles, dispatcheurs de silences et répartiteurs d’agendas.
La malheureuse destinée de la chronique audiovisuelle appelle à revoir ce format mal né, atteint de fœtopathie.
Au final, il faut réinventer la chronique et ses chroniqueurs. Comme il faut réinventer le système médiatique qui les a enfantés.
Attendons voir le prochain mercato!
Salaheddine Dridi,
Docteur en journalisme
Ancien journaliste et rédacteur en chef