Dans le dernier numéro du magazine L’Economiste Maghrébin (n° 898 du 3 au 17 juillet 2024), nous sommes revenus sur la situation difficile au Kenya, un pays considéré comme l’une des économies émergentes en Afrique. La loi de finances 2024-2025 a soulevé une colère populaire, avec des hausses de taxes et des réductions de subventions. Le bilan est lourd. Au moins 39 personnes ont été tuées lors des manifestations.
Les engagements du gouvernement envers le FMI et les objectifs tracés dans le cadre des réformes sont à l’origine de ces décisions. Le retrait de la loi a inquiété des détenteurs des Eurobonds kenyans car il met sérieusement en péril l’accord avec le bailleur de fonds multilatéral.
Croissance rapide
Les derniers chiffres de l’économie kényane montrent une croissance de 5 % en glissement annuel au premier trimestre 2024, une légère décélération par rapport au 5,5 % au même trimestre de l’année dernière.
La croissance a également été légèrement plus élevée au quatrième trimestre 2023, à 5,1% en glissement annuel.
Les bonnes performances ont été tirées par des secteurs tels que l’agriculture, l’immobilier, la finance et l’assurance, l’information et la communication, et le tourisme. Des conditions météorologiques favorables ont soutenu la production végétale et animale durant les trois premiers mois de l’année.
L’économie carbure bien et Nairobi est un hub régional pour les startups technologiques. Au premier semestre 2024, il a dépassé le Nigeria en tant que première destination des fonds investis dans les jeunes entreprises technologiques. Les perturbations actuelles devraient peser lourd et risquent d’altérer l’image positive dont le pays jouit.
Dégringolade sécuritaire encore plus rapide
Pour tenter de limiter la casse, et dans les jours qui ont suivi le retrait de 2,7 milliards de dollars de hausses d’impôts, le président kenyan, William Ruto, s’est entretenu, par téléphone, avec Kristalina Georgieva. Le programme avec le FMI s’élève à 3,6 milliards de dollars et il est quasiment impossible de respecter les engagements sans la recette fiscale budgétisée.
Début juin, le FMI a conclu avec le Kenya un accord au niveau des services sur un ensemble de mesures nécessaires pour achever la septième revue du programme de prêt. Ce qui devrait permettre de débloquer plusieurs centaines de millions de dollars, mais l’accord n’a pas encore reçu l’approbation du conseil d’administration du Fonds.
Depuis l’abandon du projet de loi, le gouvernement a décidé d’inclure des mesures d’austérité dans un budget complémentaire, tout en reconnaissant qu’il faudra aussi augmenter son endettement pour pouvoir combler l’insuffisance des ressources de l’exercice 2024/25.
Le FMI a été l’une des principales cibles de l’ire des jeunes manifestants kenyans. La délicatesse de la situation devrait inciter les responsables de l’institution financière à faire preuve de souplesse en ce qui concerne les objectifs du programme. Nairobi cherche actuellement à combler le trou causé par le retrait du projet de loi. Un porte-parole du FMI a déclaré la semaine dernière que son principal objectif était d’aider le Kenya à surmonter ses difficultés économiques et à améliorer le bien-être de sa population.
Besoin de changement
Ce qui va se passer est très important, non seulement pour le Kenya, mais pour tout le continent. Les populations de plusieurs pays souffrent des stratégies des institutions financières internationales qui se focalisent sur la création d’une marge de manœuvre budgétaire au détriment de la population. Cela n’a rien à avoir avec le bien-être.
Il faut reconnaître que le seul pays qui a récemment refusé cette recette demeure la Tunisie. Néanmoins, nous profitons de vents porteurs dans les secteurs clés et de conditions globalement positives dans les marchés des matières premières. Si le FMI affiche une dose de flexibilité supplémentaire envers le Kenya, c’est qu’il devra le montrer vis-à-vis de toutes les autres nations qui regardent de près ce qui va se passer.