Le nouveau Premier ministre britannique, Keir Starmer, confirme la fin de la politique infâme d’expulsion des migrants vers le Rwanda. Sachant que cet accord de la honte, signé entre Londres et Kigali pour un montant d’environ 600 millions d’euros, avait été bloqué par la Cour suprême, fin 2023, qui le déclarait no and no oats (nul et non avenu).
Après 14 ans de règne et cinq mandats consécutifs de Premiers ministres issus du camp conservateur, la victoire écrasante des travaillistes, élus de gauche modérée, aux élections générales en Grande-Bretagne avec à la clé une majorité absolue de plus de 400 sièges à la Chambre des communes, signifie-t-elle un retour à une certaine morale dans le traitement du dossier ultrasensible de la lutte contre l’immigration clandestine et donc la fin de l’infâme « plan Rwanda » ?
Une mesure « gadget »
En effet, à peine installé au 10 Downing Street, le nouveau Premier ministre travailliste, Keir Starmer, a solennellement déclaré son intention de retirer la loi controversée sur l’expulsion de migrants illégaux vers le Rwanda. « Je ne suis pas prêt à continuer avec des mesures gadget », a-t-il indiqué, tout en évoquant sa volonté de traiter la question migratoire avec « sérieux » et « fermeté ».
Ainsi, le chef de file du Labour, dont le retrait de cette loi scélérate faisait partie du programme de son parti lorsqu’il était dans l’opposition, annonça le 6 juillet, lors de sa première conférence de presse, que la politique d’expulsion des demandeurs d’asile au Rwanda était « morte et enterrée ». Arguant que l’accord avec Kigali amorcé par l’ancien Premier ministre conservateur Boris Johnson n’avait aucun « effet dissuasif » vu qu’il concernait moins de 1 % des embarcations de fortune arrivant sur les côtes britanniques.
Lire aussi : Kigali dénonce le revirement de Londres concernant l’accord sur les migrants
Immoral
Faut-il rappeler à cet égard que sous prétexte de lutter efficacement contre les demandeurs d’asile immigrés qui traversent illégalement la Manche en canots pour regagner les côtes du Royaume-Uni, les élus conservateurs adoptèrent le 23 avril 2024 un projet de loi permettant leur délocalisation vers le Rwanda.
En contrepartie de la prise en charge des vols et de trois mois d’hébergement des expulsés, Kigali perçoit une enveloppe financière totale estimée à environ 600 millions d’euros. Et ce, via un « fonds de transformation économique et d’intégration » pour le Rwanda.
A noter également qu’en dépit de l’émoi de la communauté internationale pour cette pratique au parfum colonialiste et jugée méprisante pour l’Afrique et les Africains, et dans un contexte de progression des partis de droite radicale anti-immigration aussi bien en Hongrie, aux Pays-Bas, en passant par l’Italie de Giorgia Meloni, sans oublier la France de Marine Le Pen, le gouvernement de Rishi Sunak, un Premier ministre lui-même issu de l’immigration, entendait éloigner en amont au Rwanda des exilés arrivant sur le sol britannique, afin d’y faire examiner leur demande d’asile.
Dans la pratique, ce plan consistait à expulser dans les plus brefs délais pas moins de 5 700 demandeurs d’asile vers le Rwanda sans possibilité de revenir au Royaume-Uni; soit 10 % des personnes arrivées au Royaume-Uni par la Manche en 2022 et 2023. A savoir que depuis le début de l’année en cours, plus de 13 500 migrants ont traversé la Manche pour arriver au Royaume-Uni. Après avoir baissé l’an dernier, le nombre d’arrivées est reparti à la hausse depuis janvier 2024.
Pourtant, faut-il le souligner, l’accord signé entre Londres et Kigali fut bloqué par de multiples recours en justice, dont un avis de la Cour suprême fin 2023, qui le déclarait, et c’est à l’honneur de la justice britannique, « illégal »; le Rwanda étant jugé « non sûr » pour les demandeurs d’asile parce qu’ils risquaient, selon les juges de la plus haute juridiction du Royaume-Uni juridiques, « d’être refoulés vers leur pays d’origine ».
No money back
Rappelons enfin que Kigali a prévenu, mardi 9 juillet, que l’accord controversé sur les migrants conclu avec le Royaume-Uni, mais abandonné par le nouveau gouvernement britannique, ne prévoyait nullement la restitution des fonds déjà versés par Londres.
« L’accord que nous avons signé ne stipulait pas que nous devrions rendre l’argent », a détaillé le porte-parole adjoint du gouvernement rwandais, Alain Mukuralinda, à la télévision d’État.
Reste à savoir par quelles mesures le Labour au pouvoir va-t-il remplacer l’accord avec Kigali, jugé « dégradant » par les associations humanitaires, alors que le parti s’est « fermement » engagé lors de la campagne à lutter contre l’immigration illégale, en particulier contre l’arrivée de migrants sur de petits bateaux via la Manche? D’une autre manière, par où commence le realpolitik et où finit l’engagement humanitaire?