Le commerce extérieur de la Tunisie au premier semestre 2024 présente une dynamique contrastée, marquée par une légère hausse des exportations et une stabilité des importations.
Ces résultats soulèvent des questions sur les perspectives économiques du pays et les stratégies à adopter pour optimiser les échanges commerciaux. Cette contribution propose une analyse détaillée des tendances actuelles et une projection des évolutions futures basées sur les données disponibles via l’INS au 12 -07-2024
Performance Globale
Durant le premier semestre 2024, les exportations tunisiennes ont enregistré une hausse de 2,2%, atteignant 31 953,8 millions de dinars (MD).
En parallèle, les importations sont restées quasiment stables avec une légère augmentation de 0,04%, totalisant 39 970,4 MD.
Comparée à la même période en 2023, où les exportations avaient crû de 10% et les importations avaient diminué de 0,6%, cette évolution signale un ralentissement de la croissance des exportations et une stabilisation des importations.
Évolution des Exportations
La hausse des exportations est principalement attribuable à :
– Industries agro-alimentaires: Une augmentation significative de 45,7%, notamment grâce à la forte demande en huiles d’olives, dont les ventes ont presque doublé (3 405,9 MD contre 1 813,3 MD).
– Secteur énergétique : Une croissance de 14,6%, soutenue par des exportations accrues de produits énergétiques.
– Industries mécaniques et électriques : Une légère progression de 0,4%.
Cependant, certains secteurs ont souffert de baisses notables :
– Mines, phosphates et dérivés : Une chute de 30,4%, indiquant des défis persistants dans ce secteur.
– Textiles, habillement et cuirs : Une diminution de 9,2%, reflétant peut-être une demande extérieure affaiblie ou des problèmes de compétitivité.
Évolution des Importations
La stabilité des importations découle de tendances contradictoires :
– Matières premières et demi-produits : Une baisse de 5,3%, impactant le total des importations qui représentent 34%.
– Produits énergétiques : Une hausse notable de 17,5%, montrant une dépendance accrue aux importations énergétiques.
– Biens d’équipement : Une augmentation modérée de 1,1%.
– Biens de consommation : Une légère hausse de 2,7%.
Répartition Géographique
Les échanges commerciaux avec l’Union Européenne (UE), qui représentent 69,9% des exportations tunisiennes, ont augmenté de 0,5%.
Des hausses significatives ont été observées avec des partenaires tels que l’Italie (+6,1%), l’Espagne (+30,4%) et la Belgique (+4,9%).
En revanche, les exportations vers la France et l’Allemagne ont diminué respectivement de 2,1% et 4,7%.
En ce qui concerne les pays arabes, les exportations ont augmenté de manière substantielle avec l’Algérie (+41,5%) et l’Égypte (+13,5%), mais ont chuté avec la Libye (-19,8%) et le Maroc (-18,6%).
Du côté des importations en provenance de l’UE, une légère augmentation de 0,5% a été enregistrée, avec des hausses significatives en provenance d’Allemagne (+13%) et d’Espagne (+6,2%). Toutefois, les importations ont diminué avec l’Italie (-8,4%), la France (-2,7%) et la Belgique (-23,5%).
Hors UE, les importations ont augmenté avec des partenaires tels que la Russie (+2,4%), l’Inde (+13,9%) et la Suisse (+8,6%), mais ont baissé avec les USA (-15,6%), la Turquie (-6,5%) et la Chine (-1,5%).
Déficit Commercial
Le déficit commercial de la Tunisie s’est réduit à 8 016,6 MD au premier semestre 2024, contre 8 684,7 MD en 2023.
Ce déficit provient principalement des échanges déficitaires avec des pays comme la Chine (-4 003,9 MD), la Russie (-2 965,9 MD), l’Algérie (-1 966,1 MD), la Turquie (-1 398,9 MD), la Grèce (-842,3 MD) et l’Ukraine (-718 MD).
Par ailleurs, la Tunisie a enregistré un excédent commercial avec plusieurs pays, notamment la France (2 862,2 MD), l’Italie (1 192,9 MD), l’Allemagne (1 196,3 MD), la Libye (961,8 MD) et le Maroc (139,1 MD).
Notons également que le déficit de la balance commerciale hors énergie s’est réduit à 2 222,6 MD, tandis que le déficit énergétique s’est aggravé, passant de 4 891,8 MD en 2023 à 5 794,1 MD en 2024.
Perspectives et Prévisions
Les perspectives du commerce extérieur de la Tunisie pour le reste de l’année 2024 et au-delà dépendent de plusieurs facteurs clés :
Le premier facteur clé, la diversification des Marchés : L’augmentation des exportations vers des partenaires non traditionnels et la réduction de la dépendance à l’égard de quelques marchés dominants pourraient stabiliser et stimuler les exportations.
Le deuxième facteur clé, le renforcement des Secteurs Performants : Les secteurs des industries agro-alimentaires et énergétiques montrent des signes positifs. Des investissements ciblés dans ces secteurs pourraient maximiser leur potentiel de croissance.
Le troisième facteur clé, la réduction des Déficits Sectoriels : redresser les problèmes dans les secteurs des mines, phosphates et textiles par des réformes structurelles et des innovations technologiques pourrait inverser les tendances négatives.
Le quatrième facteur clé,la Stratégie Énergétique : Une stratégie énergétique nationale visant à réduire la dépendance aux importations énergétiques par le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique pourrait contribuer à améliorer le solde commercial global.
Le cinquième facteur clé, les Accords Commerciaux : Renégocier et diversifier les accords commerciaux existants avec des partenaires stratégiques pour obtenir des conditions plus favorables et accéder à de nouveaux marchés pourrait renforcer la position commerciale de la Tunisie.
En définitive, bien que la Tunisie ait montré une résilience et une certaine croissance dans ses exportations au premier semestre 2024, des défis persistants nécessitent des stratégies proactives pour améliorer la compétitivité et diversifier les marchés d’exportation.
Les réformes structurelles et une approche dynamique du commerce extérieur sont essentielles pour assurer une croissance soutenue et réduire le déficit commercial à long terme.
=============================================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)