Les images de la tentative d’assassinat contre l’ancien président des États-Unis Donald Trump le renforcent dans son plan de reconquête de la Maison-Blanche. A contrario, l’œil impitoyable de la caméra montre l’autre candidat affaibli par l’âge. Ainsi, aux débats d’idées s’impose désormais la guerre des images. Décryptage.
Une image vaut mille mots, dixit Confucius. Le 30 mars 1981 à Washington, l’ancien président Ronald Reagan échappe à une tentative d’assassinat et sa cote de popularité enregistre un bond spectaculaire. Ce qui lui permettra, quelques mois plus tard, de remporter haut la main l’élection présidentielle face au président en exercice, Jimmy Carter.
« Héros hollywoodien »
Le 13 juillet 2024 lors d’un rassemblement électoral à Butler, en Pennsylvanie, le dernier avant la grande investiture républicaine qui s’est ouverte hier lundi à Milwaukee, le candidat à l’élection présidentielle, Donald Trump est précipité hors de la scène par des agents des services secrets américains après avoir été écorché par une balle. A quelques millimètres du crane.
L’oreille en sang, le poing levé, il harangue la foule sous le drapeau américain et appelle plusieurs fois à « combattre » ; tandis que la foule scande « USA, USA ». Cette séquence tournée en boucle dans le monde entier donnera de lui l’image d’un candidat miraculé, d’un héros américain qui a fait preuve de sang-froid et de courage physique, voire d’un élu de dieu.
« Ces images d’un Donald Trump couvert de sang, le poing levé, à l’ombre d’un drapeau américain, vont devenir emblématiques. Il en ressort presque comme un héros hollywoodien », estime également Reed Brody, ancien procureur de l’État de New York.
Alors, à la question de savoir si les images de la tentative d’assassinat du magnat de l’immobilier allaient doper sa candidature à la magistrature suprême, la réponse est évidemment positive.
D’autant plus que cet événement spectaculaire qui a fait le tour du monde aura suscité même chez ses adversaires politiques une certaine sympathie mélangée à un sentiment d’admiration pour le courage de cet homme qui a nargué ouvertement la mort. Surtout, par miracle, sa récente condamnation pénale pour 34 chefs d’accusation de falsification de documents comptables, destinées à cacher un paiement à l’actrice de films X Stormy Daniels, est presque passée au second plan. Miracle des images!
Contraste saisissant
Par contraste à cet acte de bravoure, l’œil impitoyable de la caméra aura montré l’année dernière l’image d’un Joe Biden qui avait trébuché sur l’estrade d’une cérémonie tenue le 1er juin 2023 de l’académie de l’Armée de l’air dans le Colorado avant d’être relevé par les agents du Secret Service.
A l’époque, on s’interrogeait déjà sur sa santé physique. Or, depuis son calamiteux débat télévisé face à Donald Trump, le 27 juin sur CNN, le doute se focalise désormais sur son acuité mentale.
En effet, le président a été perçu comme un vieillard à la démarche raide et au phrasé incohérent et inaudible, l’air parfois désorienté, regard dans le vide, réponses parfois imprécises, voire incohérentes. Au point que 72 % des électeurs américains pensent qu’il ne possède pas la santé mentale et cognitive requise pour exercer la fonction de président. Et que, par conséquent, il ne devrait pas solliciter un deuxième mandat. Pis, dans le camp démocrate, plus de quatre électeurs sur dix croient que l’actuel locataire de la Maison Blanche ne devrait pas être le candidat officiel du parti aux élections de novembre. D’ailleurs, des voix s’élèvent même dans son propre camp pour l’exhorter de jeter l’éponge.
Impact relatif
Reste la question lancinante : à moins de quatre mois de l’élection présidentielle, quelles conséquences aura la tentative d’assassinat sur Donald Trump sur la campagne et surtout quel est l’impact des images sur l’opinion américaine?
De l’avis de plusieurs analystes politiques, le candidat républicain en tirera profit, à court terme, en jouant de son image de martyr et d’homme que le « système » cherche à abattre au sens propre et figuré. Mais le clivage politique aux États-Unis est tel que la plupart des électeurs sont quasi fixés sur leur choix, à l’exception des indécis ou les indépendants.
Violence politique
Mais, faut-il rappeler que Donald Trump n’est pas le premier président ou candidat à la présidentielle des Etats-Unis à avoir été victime d’une tentative d’assassinat.
Au total, ils sont quatre présidents américains à avoir été tués durant leur mandat. Le premier fut Abraham Lincoln en 1865. En 1881, James Garfield perdit la vie dans la gare de Washington. Au début du XXe siècle, lors de l’exposition panaméricaine de Buffalo en 1901, William McKinley se fit tirer dessus par un anarchiste. La mort de John Fitzgerald Kennedy est la plus connue. Le 22 novembre 1963, il est assassiné alors qu’il traverse une foule dans sa voiture à Dallas. Il meurt quelques heures plus tard à l’hôpital.
Par ailleurs, certains présidents et candidats américains à la présidentielle ont échappé de peu à la mort. Ce fut le cas de Franklin Delano Roosevelt en 1933 et de Gerald Ford en 1975. La dernière tentative d’assassinat datait de 1981 quand Ronald Reagan a été grièvement blessé par balle.
Alors comment expliquer ce phénomène très américain? La fusillade de l’ancien président Trump, explique Robert Pape, professeur de sciences politiques à l’Université de Chicago, est « une conséquence d’un soutien à la violence politique dans notre pays ».
« Des millions d’Américains pensent qu’il est légitime d’employer la force pour que Donald Trump accède au pouvoir ou, au contraire, pour l’empêcher de devenir président », a-t-il ajouté. Effrayant.