Depuis quelques années, les huissiers-notaires bataillent pour promulguer la loi organisant leur profession. Ils voulaient un champ d’intervention plus large, à l’instar des affaires de divorce par consentement mutuel et d’autres actes qui entrent, actuellement, dans le champ d’activité des avocats.
Mais voilà que le projet de loi qui vise à modifier le Code du commerce, précisément le fameux article 411, risque de porter un coup très dur à l’activité des huissiers. D’ailleurs, nous sommes surpris que, jusque-là, ils gardent le silence. Probablement, attendent-ils la version finale du texte.
Un manque à gagner de taille
Le nouveau texte, explicité par le député Mohamed Ali Fennira, ce matin (mercredi 17 juillet) sur les ondes d’Express FM, a éclairci deux points très importants :
– Les chèques dont les montants sont inférieurs à 5 000 dinars seront payés par la banque en cas d’insuffisance de provisions. C’est à cette dernière, par la suite, de poursuivre son client. Il n’y a donc plus l’intervention automatique d’un huissier-notaire. Actuellement, en plus du payement du chèque, le tireur qui se retrouve dans une situation d’insuffisance de provisions doit régler à la banque tirée les frais que celle-ci a avancés à l’huissier-notaire; et ce, avant même l’expiration du premier délai légal dérégularisation.
– Tout le processus est géré par une plateforme, y compris le certificat de non-paiement qui est généré électroniquement et gratuitement. Il n’est plus communiqué par le biais d’un huissier-notaire.
Les chèques dont les montants sont inférieurs à 5 000 dinars seront payés par la banque en cas d’insuffisance de provisions. C’est à cette dernière, par la suite, de poursuivre son client.
Il suffit de faire un petit calcul pour estimer la taille des pertes pour le secteur. En 2023, 416 955 chèques ont été déclarés en insuffisance de provisions et leurs émetteurs ont bénéficié d’un premier délai pour approvisionner leurs comptes. Si nous tenons compte de frais moyens par notification de 50 dinars (elle est plus chère en réalité), nous trouvons un chiffre d’affaires de 20,847 millions de dinars. C’est un business qui ne nécessite aucun effort, à part celui commercial pour parvenir à signer un contrat avec une banque. Une fois que la machine tourne, il devient une sorte de vache à lait.
Il faut dire aussi que pour l’Etat, il perdrait au moins de 4 millions de dinars de recette de TVA.
C’est donc un coup dur pour la profession. Et pour en finir, la porte a été ouverte aux notaires pour intervenir dans le processus pour trouver un accord à l’amiable entre le tireur et le tiré. C’est une autre niche qui échappe au nez et à la barbe des huissiers-notaires.
L’arbitrage, le domaine du futur
Cela nous renvoie à un autre métier qui va émerger, à savoir celui de l’arbitrage. C’est un domaine qui va progresser très rapidement dans les années à venir. Car plusieurs vont devoir passer par cette procédure afin de pouvoir récupérer leur argent.
Et comme cela va se transformer en une pratique courante, les arbitres pourront attirer davantage d’affaires qui passent habituellement par la justice. Cela pourra faire gagner du temps précieux aux différentes parties d’un conflit. Les procédures judiciaires sont souvent lentes au vu de l’accumulation des affaires. A terme, cela va alléger les juges et améliorera l’efficacité des tribunaux.
Nous allons voir de plus en plus de formations universitaires et professionnelles dans ce domaine, et les intéressés doivent agir dès maintenant pour créer des parcours d’apprentissage.
Cela nous renvoie à un autre métier qui va émerger, à savoir celui de l’arbitrage. C’est un domaine qui va progresser très rapidement dans les années à venir, car plusieurs vont devoir passer par cette procédure afin de pouvoir récupérer leur argent.
Du point de vue fiscal, et comme les accords feront l’objet d’un enregistrement auprès de l’administration fiscale, il y aura certainement la récupération d’une partie de la recette fiscale perdue et mentionnée ci-dessus.
In fine, ce n’est autre qu’un exemple de changements qui peuvent frapper les métiers par la simple intervention de la technologie. La plateforme dont on parle n’est même pas de l’intelligence artificielle. C’est le vrai défi auquel la majorité des professionnels doit penser. La vague n’épargnera personne.