Déjouant le système de défense israélien, une attaque de drone revendiquée par les rebelles houthis du Yémen a suscité dans le pays stupeur et consternation ; agression « qui ne restera pas sans réponse », a prévenu Yoav Gallant, le ministre de la Défense israélien.
Qui l’eut cru ? Alors que la guerre entre Israël et le Hamas entre dans son 287e jour et que des escarmouches quotidiennes opposent Tsahal aux combattants du Hezbollah sur sa frontière nord avec le Liban, un « très grand drone bourré d’explosifs, qui peut parcourir de grandes distances », selon le porte-parole de l’armée israélienne, a frappé de plein fouet, vendredi 19 juillet à 03 h 16, un immeuble du centre de Tel-Aviv, non loin des locaux de l’ambassade des États-Unis.
Selon un premier bilan, l’explosion a fait une victime retrouvée mort dans son appartement après avoir été touché par des éclats et dix blessés.
Pourtant, « aucune sirène d’alerte n’a retenti », a reconnu l’armée, ajoutant que « l’armée de l’air a augmenté ses patrouilles aériennes afin de protéger l’espace aérien israélien ». « Des forces de police sont arrivées sur place et inspectent la zone pour chercher des objets suspects », a ajouté la police dans un communiqué.
Menaces
Les houthis, qui jusqu’à présent concentraient leurs tirs de drones et de missiles vers le port israélien d’Eilat sur la mer Rouge, ont aussitôt revendiqué l’opération lancée au nom de la solidarité avec les Palestiniens, tout en menaçant de lancer d’autres attaques contre Tel-Aviv, la capitale et le centre économique d’Israël.
Ainsi, le porte-parole militaire des rebelles yéménites, Yahya Saree, a indiqué dans un communiqué que « la force aérienne des drones au sein des forces armées yéménites a mené une opération militaire qualitative, en ciblant l’un des objectifs importants dans la zone occupée de Jaffa, connue en Israël sous le nom de Tel-Aviv ».
« L’opération a été exécutée par un nouveau drone nommé Jaffa, capable de contourner les systèmes d’interception de l’ennemi et indétectable par les radars. Elle a atteint ses objectifs avec succès », affirme leur communiqué.
Désormais, prévient la même source, « la zone occupée de Jaffa est une zone non sûre et sera une cible principale » des attaques des Houthis qui vont « atteindre en profondeur » le territoire israélien « notamment des cibles militaires et sécuritaires sensibles ».
Une simple « erreur humaine » ?
Comment cela aurait été possible alors que le drone tiré par les rebelles houthis à partir du Yémen ait parcouru environ 2 000 km pour frapper la capitale de l’Etat hébreu ? Le drone avait été détecté par l’armée israélienne mais « une erreur humaine » a fait que les « systèmes d’interception et de défense n’ont pas été activés », a précisé le responsable militaire lors d’un point de situation auprès de la presse juste quelques heurs après l’explosion.
Selon la radio de l’armée, le drone est en fait apparu sur les écrans de contrôle, mais les opérateurs l’ont considéré « à tort » comme un engin ne présentant aucun danger réel. Ainsi, l’engin a poursuivi sa trajectoire sans encombre vers sa cible, tandis que les sirènes d’alerte sont restées totalement muettes.
Mea culpa
D’ailleurs, Tsahal s’est immédiatement livré à un mea culpa. « C’est un événement qui n’aurait jamais dû se produire et l’armée de l’air en assume la totale responsabilité », a affirmé un porte-parole militaire.
Une explication tirée par les cheveux qui ne convainc personne alors qu’Israël se targue de posséder la meilleure défense aérienne du monde avec son fameux « Dôme de fer », principal bouclier du pays contre missiles et roquettes.
Pour rappel, l’Iran a lancé au mois d’avril dernier plus de 300 drones et missiles contre Israël, la première attaque directe jamais menée par la République islamique contre le territoire israélien. Grace à sa défense aérienne en grande partie assurée par son « Dôme de fer » construit en 2011 avec le savoir-faire des Américains et des milliards de dollars de soutien financier, l’armée israélienne a affirmé avoir « intercepté 99 % des tirs » de l’attaque massive lancée par l’Iran. Sachant que chaque batterie de ce système anti-aérien qui coûte entre 40 000 et 50 000 dollars est composée de trois parties principales : un système de détection radar, un ordinateur qui calcule la trajectoire de la roquette entrante et un lanceur qui tire des intercepteurs si la roquette est susceptible de toucher une zone bâtie ou stratégique.
C’est dire, selon la version officielle, que le ciel israélien est totalement inviolable grâce à ce bouclier antimissile en théorie « infaillible ». Alors autant ce rabattre sur « l’erreur humaine » pour expliquer l’échec de ce système qui a été incapable d’intercepter un simple drone volant à une vitesse limitée, alors que dire s’il s’agissait d’un missile volant à la vitesse du son ?
Représailles
Reste à savoir si Israël va se livrer à des représailles à la suite de cette agression, sachant que jusqu’à présent, l’Etat hébreu comptait sur son allié américain pour contrer la menace houthiste ; sachant que rien que le jeudi dernier, les Américains ont intercepté trois drones et un missile lancés par les rebelles yéménites qui se dirigeaient vers Israël, et ce avant l’attaque à Tel-Aviv.
« Nous allons régler nos comptes avec tous ceux qui nous agressent ou qui envoient des terroristes contre nous », a prévenu Yoav Gallant, le ministre de la Défense israélien, sans toutefois préciser s’il visait le Yémen ou l’Iran coupable à ses yeux de soutenir le Hamas dans la bande de Gaza et en Cisjordanie, le Hezbollah au Liban et en Syrie, sans omettre les milices houthistes armées par Téhéran.
Dans sa folie meurtrière, l’Etat hébreu prendra-t-il le risque d’ouvrir un troisième front ? Rien n’est exclu avec un pays gouverné par une coalition de l’extrême droite composée du Likoud et des ultraorthodoxes des partis Shas et Judaïsme unifié de la Torah, des partis qui revendiquent l’annexion de l’intégralité de la Palestine, de Gaza à la Cisjordanie en passant par Jérusalem-Est.