La Tunisie vient d’intégrer officiellement la Chambre de commerce internationale (CCI). Un comité national tunisien vient d’être créé et officiellement présenté début juillet. « La création de l’ICC Tunisia représente un moment historique pour la Tunisie, à travers l’intégration officielle à la CCI, représentant institutionnel de 45 millions d’entreprises dans plus de 170 pays », a indiqué le vice-président de la CCI Tunisie, Khelil Chaïbi, lors d’une conférence organisée à l’occasion. Selon ce dernier, « la création de ce comité est une étape cruciale pour renforcer la présence de la Tunisie sur la scène internationale, et pour stimuler les échanges commerciaux et promouvoir l’investissement étranger »
Ainsi, le lancement du comité national tunisien de la Chambre de commerce internationale a été marqué par la présence du secrétaire général de la Chambre de commerce internationale, John Denton, avec qui nous avons eu, en exclusivité, cet entretien.
Découvrir la CCI, sa mission, ses services et l’importance de l’adhésion de la Tunisie. Que signifie aujourd’hui une organisation multinationale, au moment où on parle de plus en plus de la fin de la mondialisation ?
La CCI a été fondée, il y a plus de 100 ans, sur les cendres de la 1ère Guerre mondiale. L’idée de départ était que des entreprises se réunissent pour travailler ensemble, même si les gouvernements ne sont pas disposés à collaborer entre eux. Notre principe fondateur est que le commerce transfrontalier, même sans l’assistance des gouvernements, puisse être profitable et bénéfique aux entreprises, aux entrepreneurs et à l’économie en général.
Nous avons réussi dans nos objectifs et durant le 20ème siècle, nous avons établi les règles. Au 21ème siècle, nous sommes allés plus loin dans le développement de ces règles et dans la consolidation du climat économique.
La CCI a pu, durant ces 100 ans, contribuer au changement de l’économie mondiale, à travers les différentes structures et l’amélioration du climat des affaires. Nous sommes, aujourd’hui, présents dans plus de 170 pays et plus de 70% de nos membres sont dans le Sud mondial. Nous nous considérons comme une passerelle entre le Sud et les pays développés économiquement.
Nous sommes des acteurs actifs dans l’économie mondiale ; nous ne sommes pas des observateurs et nous contribuons, de par nos activités, à plus de 17,3 trillions de dollars, ce qui constitue une force pour nous.
Aujourd’hui, nous sommes venus en Tunisie parce que, de par le fait que c’est une économie soutenue par son secteur privé, nous sommes persuadés qu’elle peut jouer un rôle essentiel dans l’économie mondiale. Nous sommes également persuadés qu’à travers nos activités, nous pouvons aider le tissu économique tunisien, notamment le secteur privé, à devenir plus prospère et à aider le gouvernement à mieux légiférer et à mieux aider le secteur privé dans le but de développer l’économie.
BRICS, guerre en Ukraine… Dans un monde fragmenté, avec un nouveau contexte géopolitique mondial, on parle de recomposition des chaînes de valeur. On parle désormais de nearshorig et de friend shoring. Comment voyez-vous l’avenir du commerce international ? Comment profiter de cette nouvelle chaîne de valeur ?
Il ne faut pas oublier que nous sommes un moteur, par- mi d’autres, dans l’économie mondiale et nous œuvrons pour que cela puisse être durable et que la chaîne de valeur se poursuive. Cela dit, il est vrai, comme nous le savons tous, qu’il y a aujourd’hui une grande concurrence entre les Etats-Unis et la Chine pour la supériorité économique, ce qui implique une grande pression sur les entreprises pour se redéfinir et se recomposer pour pouvoir avoir une place dans ce nouveau système économique.
Je pense que la mondialisation se poursuit, mais elle est en train de se réorganiser. Cela oblige la chaîne d’approvisionnement à se réorganiser elle-même. C’est ce qui est en train de se passer actuellement. En fait, lorsqu’un pays importe de la Chine, cela va contribuer à l’amélioration de l’économie mondiale.
Ce qui donne plus d’importance à la nouvelle chaîne de valeur, c’est la question de la durabilité du développement économique qui est imposée par les consommateurs. Aujourd’hui, la chaîne d’approvisionnement doit plus tenir compte de la durabilité et de l’environnement que d’autre chose.
C’est une question à laquelle nous accordons beau- coup d’importance à la CCI.
L’accélération du changement climatique impose de nouvelles règles dans les échanges commerciaux, une nouvelle vision économique. On parle de décarbonation de l’économie. Comment se prépare la CCI à ce changement ?
A la CCI, nous pensons que le développement économique doit aller de pair avec les objectifs que nous nous sommes imposés. Or, le changement climatique et la décarbonation de l’économie figurent parmi ces objectifs.
Parmi les causes profondes du changement climatique, nous sommes en train d’examiner les systèmes commerciaux. Nous avons, pour cela, investi plus de 10 trillions de dollars pour la refonte de ce système, afin de repenser les mécanismes de son fonctionnement, notamment au niveau financier. Nous travaillons avec de grandes institutions financières et de grandes entreprises, ensemble, pour essayer de décarboner le plus possible l’économie.
Nous invitons, à ce propos, toutes les entreprises et les institutions financières tunisiennes à rejoindre cette initiative.
La digitalisation du commerce. Que peut apporter la CCI pour accompagner les entreprises tunisiennes dans ce domaine ?
A la CCI, tout un travail a été fait pour se débarrasser des supports papier et adopter des documents numériques. Nous avons, pour cela, élaboré une initiative que nous appelons « l’initiative des normes numériques », que nous sommes en train de développer et qui va contribuer à faciliter davantage les échanges commerciaux.
Le plus grand défi que nous rencontrons aujourd’hui, c’est la reconnaissance de la documentation numérique lors de ces transactions, de par le fait que chaque pays a sa propre juridiction. Nous sommes en train de travailler sur toutes ces juridictions pour trouver un moyen de les unifier et nous serons heureux de voir la communauté des affaires tunisienne se joindre à cette initiative des normes numériques. Cela va faciliter davantage les échanges commerciaux et va contribuer à réduire la corruption.