En cinq ans, cinq incendies se sont déclenchés dans trois entrepôts appartenant à la Régie Nationale des Tabacs et Allumettes (RNTA) à El Ouardia, Kairouan ou encore Jebel Jelloud. Simple coïncidence?
Et de trois. Après l’incendie qui s’est produit mercredi 2 octobre 2019 dans l’usine de la RNTA à Kairouan, affectant des matières premières et où un pompier a été brûlé au second degré et qui fut attribué par la protection civile à « un court circuit électrique ». Ou encore celui qui s’est déclenché mercredi 28 juillet 2021 dans un espace destiné au stockage des déchets des produits de la Régie nationale, situé à El Ouardia et suite auquel deux personnes furent arrêtées pour avoir procédé à l’incinération de déchets industriels dans l’espace ouvert de l’usine B. Ne voila-t-il pas qu’un troisième incendie s’est déclaré dimanche 21 juillet 2024 dans un entrepôt de la Régie situé à Jebel Jelloud.
Ainsi, le porte-parole de la protection civile a précisé que le feu s’était déclaré dans l’après-midi du dimanche 21 juillet au niveau d’un entrepôt de mille mètres carrés se trouvant à Jebel Jelloud et contenant « d’importantes quantités de tabac ». Des unités relevant de la direction régionale de Tunis sont intervenues et ont réussi à maîtriser et éteindre les flammes avant qu’elles ne se propagent à d’autres zones.
Soupçons
De quoi soulever des questions sur la sécurité des installations de la RNTA, de la vétusté de ses équipements et de la périodicité de leur l’entretien. Mais surtout, il y a lieu de s’interroger sur l’existence d’un lien qui relierait ces trois incendies. S’agit-il d’actes de sabotage qui seraient d’origine criminelle? D’ailleurs, il n’est pas étonnant que le parquet du tribunal de première instance de Tunis 2 a ordonné l’ouverture d’une enquête pour faire la lumière sur les circonstances et les causes de l’incident.
La piste de l’acte criminel?
Abondant dans ce sens, le député et membre du bloc « La ligne nationale souveraine », Badreddine Gammoudi est revenu sur le sujet. Ainsi, il précise sur sa page officielle en date du dimanche 21 juillet en cours, que l’incendie qui a dévoré de grandes quantités de chaara (tabac coupé en lanières fines) destiné à la production locale, « fait depuis deux mois l’objet d’une enquête menée par la brigade économique et qui a été traité à deux reprises dans l’émission de Mohamed al Bouzidi sur la chaîne Al Janoubia ».
Et de poursuivre : « Un sujet à suivre sur un incendie qui s’est produit samedi dernier, selon des informations confirmées, et qui a été escamoté sans que les autorités compétentes ne soient informées ».
Et de conclure : « Tous les indices indiquent qu’un acte criminel est derrière ces incendies et que les informations révélées par Al Janoubia ont incité les voleurs à faire disparaitre les traces de leurs crimes ».
Il convient de rappeler à ce propos qu’en 2021, les dettes de la RNTA- qui détient le monopole de la production et la commercialisation du tabac, des allumettes et les jeux de cartes- se chiffraient à 590 millions de dinars pour des investissements de l’ordre de 4,3 millions de dinars.
Inquiétudes
Or, le rapport sur les entreprises publiques publié par le ministère des Finances fin 2022 montrait, preuves à l’appui, que la RNTA croule sous des dettes réparties entre l’Etat (286,7 millions de dinars), les entreprises publiques (32,5 millions de dinars), les caisses sociales (2,6 millions de dinars), les fournisseurs (261,8 millions de dinars) et les banques (6,2 millions de dinars). De quoi inquiéter le syndicat de base de la Régie sur une éventuelle privatisation de cette entreprise publique.
Au final, existe-il une relation de cause à effet entre les trois incendies qui se sont déclenchés à Kairouan, al Ouardia et à Jebel Jelloud avec des « partis qui cherchent à saboter délibérément les entreprises et biens confisqués pour les vendre à bas prix », dixit le chef de l’Etat? Lequel, dans une déclaration accordée à l’agence TAP, mercredi 31 janvier 2024, lors de sa visite inopinée au siège de la Société nationale de cellulose et de papier alfa (SNCPA) à Kasserine, s’est montré intraitable. « Nous n’accepterons jamais, pour quelque motif que ce soit, de céder nos entreprises publiques dont la grande partie des équipements sont frappés de vétusté et d’usure », a-t-il martelé. Tout en en rappelant aux uns et aux autres que ces entreprises publiques sont « la propriété de l’Etat et la richesse du pays ». Fin de la récréation.