L’inflation aux États-Unis est actuellement une variable macroéconomique cruciale. Les récentes pressions sur les prix ont ravivé les craintes d’une inflation persistante, menaçant le plan de la Réserve fédérale de relâcher sa politique monétaire cette année.
Il est donc essentiel de surveiller de près les indicateurs d’inflation et anticiper ses implications sur l’économie tunisienne.
Le contexte
Inflation des dépenses de consommation personnelle (PCE)
L’indice des prix PCE, notamment sa version « core » qui exclut les biens volatils comme les denrées alimentaires et l’énergie, est l’indicateur privilégié de la Réserve fédérale.
Après un pic en 2022 post-pandémie, l’inflation a diminué grâce à la normalisation des chaînes d’approvisionnement, un ralentissement économique et une politique monétaire stricte.
Prévisions d’inflation
QNB anticipe que l’inflation continuera de converger vers l’objectif de la politique monétaire, permettant une baisse des taux d’intérêt dès septembre. Cette prévision repose sur trois facteurs :
Le premier facteur, la croissance de la productivité : la productivité aux États-Unis, ayant augmenté de 2,7 % en moyenne récemment, réduit les coûts de production, modérant ainsi l’inflation.
Le premier facteur, le ralentissement du marché du travail : un marché du travail en perte de vitesse, avec des taux de démission et d’offres d’emploi en baisse, devrait réduire les pressions salariales et donc les coûts de main-d’œuvre.
Le premier facteur, la baisse de l’inflation des prix du logement : l’inflation des loyers, ayant atteint un pic en avril 2023, diminue régulièrement et devrait continuer de ralentir jusqu’en 2024-2025.
En définitive, l’inflation aux États-Unis, bien que diminuée, devrait continuer à baisser grâce à ces facteurs, préparant le terrain pour une réduction des taux d’intérêt par la Réserve fédérale à partir de septembre.
Les analystes de QNB prévoient deux baisses de 25 points de base cette année, suivies de réductions similaires à chaque réunion de politique monétaire jusqu’au début de 2026, stabilisant les taux entre 3,75 % et 4 %.
Les commentaires …
Les analystes de QNB sur l’inflation américaine mettent en lumière plusieurs aspects clés de la dynamique économique actuelle et des projections de la Réserve fédérale. Cependant, quelques points méritent une analyse critique.
Le premier point, les « hypothèses optimistes » : les prévisions de QNB reposent sur des hypothèses optimistes quant à la continuation de la baisse de l’inflation. Bien que la normalisation des chaînes d’approvisionnement et le ralentissement économique aient contribué à modérer l’inflation jusqu’à présent, d’autres facteurs imprévisibles comme les chocs géopolitiques ou les perturbations climatiques pourraient inverser cette tendance.
Le deuxième point, le « dépendance à la productivité » : la forte croissance de la productivité est un pilier des prévisions de QNB. Cependant, cette croissance pourrait ne pas être soutenue à long terme, surtout si l’investissement en technologie et en innovation ralentit. Une dépendance excessive à cette variable pourrait rendre les prévisions trop fragiles.
Le troisième point, « le marché du travail » : le communiqué anticipe un affaiblissement continu du marché du travail, mais il n’aborde pas les potentielles interventions politiques qui pourraient stimuler la demande de main-d’œuvre ou augmenter les salaires, ce qui pourrait maintenir la pression inflationniste.
Le quatrième point : « l’inflation des loyers » : la prévision de la baisse continue de l’inflation des loyers repose sur des indices de loyers nouvellement contractés. Cette mesure pourrait ne pas refléter pleinement les dynamiques du marché immobilier, surtout si la demande de logements reste forte.
… et les implications sur l’économie tunisienne
L’économie tunisienne, en tant que petite économie ouverte, est particulièrement sensible aux fluctuations économiques internationales, notamment celles des États-Unis. Les principales implications des projections de QNB sur l’économie tunisienne seraient :
Première implication : « le taux de change » : une baisse des taux d’intérêt aux États-Unis pourrait affaiblir le dollar américain. Pour la Tunisie, cela pourrait signifier une appréciation relative du dinar, réduisant le coût des importations libellées en dollars, notamment les matières premières et l’énergie, cruciales pour l’économie tunisienne.
Deuxième implication : « le coût de l’endettement » : si la Réserve fédérale baisse ses taux, cela pourrait influencer les taux d’intérêt mondiaux à la baisse, réduisant potentiellement le coût de l’endettement pour la Tunisie sur les marchés internationaux. Cela serait bénéfique pour le service de la dette du pays, libérant des ressources pour d’autres priorités économiques.
Troisième implication : « les exportations » : un dollar plus faible pourrait rendre les produits tunisiens plus compétitifs sur les marchés internationaux, stimulant les exportations. Cependant, cela dépend aussi de la demande globale et de la santé économique des principaux partenaires commerciaux de la Tunisie.
Quatrième implication : « l’inflation importée » : la baisse du dollar pourrait également réduire l’inflation importée en Tunisie, abaissant les prix des biens importés et contribuant à la stabilité des prix domestiques.
Cinquième implication : « les investissements étrangers » : une politique monétaire plus accommodante aux États-Unis pourrait encourager les flux de capitaux vers les marchés émergents, y compris la Tunisie. Cela pourrait se traduire par une augmentation des investissements étrangers directs (IED) et des investissements de portefeuille.
En définitive, l’analyse de QNB fournit une perspective optimiste sur la trajectoire de l’inflation américaine et ses impacts potentiels sur la politique monétaire de la Réserve fédérale.
Pour la Tunisie, les implications sont largement positives, avec des perspectives d’amélioration du taux de change, de réduction des coûts d’endettement, de compétitivité accrue des exportations, de réduction de l’inflation importée, et de hausse des investissements étrangers.
Toutefois, ces bénéfices dépendent de la stabilité et de la prévisibilité des conditions économiques mondiales, ainsi que des politiques internes adoptées par la Tunisie pour maximiser ces opportunités.
================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)