ALERTE : les divergences de politique monétaire s’accroissent
La Banque du Japon (BOJ) a surpris les marchés en augmentant ses taux d’intérêt et en annonçant une réduction progressive de ses achats massifs d’obligations, signalant la fin de sa politique de relance monétaire de la dernière décennie.
Cette décision, à l’encontre des attentes qui prévoyaient un maintien des taux, a conduit à un relèvement du taux directeur à court terme, le portant à un niveau inédit depuis 2008. Le gouverneur Kazuo Ueda a laissé entendre que d’autres hausses pourraient suivre, avec pour objectif de ramener les coûts d’emprunt à un niveau neutre pour l’économie à moyen terme.
Cette politique de resserrement monétaire contraste avec celle de la Réserve fédérale américaine, qui s’apprête à abaisser ses taux d’intérêt en réponse à la baisse des pressions inflationnistes aux États-Unis.
Les déclarations de Ueda ont également provoqué une appréciation du yen face au dollar, un signe que les marchés anticipent un cycle prolongé de hausse des taux au Japon.
Le resserrement monétaire de la BOJ intervient dans un contexte où les salaires augmentent, incitant les entreprises à répercuter les coûts de main-d’œuvre sur les prix, ce qui renforce les anticipations inflationnistes.
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La BOJ prévoit de continuer à ajuster sa politique si l’économie et les prix évoluent conformément à ses prévisions, tout en reconnaissant que les fluctuations du yen pourraient avoir un impact plus important sur l’inflation à l’avenir.
En revanche, la Fed semble de plus en plus déterminée à inverser son cycle de resserrement agressif, ce qui pourrait accroître les divergences de politique monétaire entre les deux économies.
Cette divergence met en lumière les défis auxquels la BOJ est confrontée dans la gestion de son économie, particulièrement en ce qui concerne l’inflation et la stabilité du yen.
COMMENTAIRES : La Banque du Japon se détache du consensus mondial sur les taux d’intérêt
La récente décision de la Banque du Japon de relever ses taux d’intérêt a pris les marchés financiers par surprise, marquant un tournant significatif dans la politique monétaire du pays.
Cette hausse, qui survient après une décennie de mesures de relance massives, contraste fortement avec la tendance mondiale à la baisse des taux d’intérêt, notamment aux États-Unis, où la Réserve fédérale (Fed) se prépare à abaisser ses taux en réponse à une atténuation des pressions inflationnistes.
Le contexte et les justifications de la BOJ
La BOJ, sous la direction de Kazuo Ueda, a relevé son taux directeur à court terme de 0,1% à 0,25%, un niveau inédit depuis 2008.
Cette décision s’inscrit dans une stratégie visant à réduire progressivement les mesures de relance monétaire tout en préparant l’économie japonaise à des coûts d’emprunt plus élevés.
Ueda a indiqué que cette hausse pourrait être suivie d’autres augmentations, suggérant une transition vers une politique monétaire plus neutre à moyen terme.
Le gouverneur Ueda a justifié cette décision par plusieurs facteurs clés, notamment l’augmentation des salaires qui incite les entreprises à répercuter les coûts de main-d’œuvre sur les prix des services, ainsi que l’accélération des prix à l’importation, exacerbée par la faiblesse persistante du yen.
Cette dynamique a alimenté les craintes d’une inflation plus forte que prévu, poussant la BOJ à ajuster sa politique pour éviter une surchauffe de l’économie.
Les réactions du marché et les conséquences économiques
L’annonce de la BOJ a immédiatement fait chuter le dollar en dessous de 151 yens, signalant que les marchés commencent à anticiper un cycle prolongé de hausses des taux au Japon.
Cette volatilité reflète l’incertitude entourant la politique monétaire future de la BOJ, en particulier dans un contexte mondial où les autres grandes économies, comme les États-Unis, se dirigent vers une baisse des taux pour soutenir leur croissance économique.
La divergence entre la politique monétaire japonaise et celle des autres grandes économies pourrait avoir des implications profondes pour le yen et la compétitivité internationale du Japon.
Un yen plus fort pourrait peser sur les exportations japonaises, mais une politique monétaire plus stricte pourrait également aider à stabiliser l’inflation importée, un problème croissant pour l’économie du pays.
Les perspectives et les défis pour la BOJ
La décision de la BOJ de s’écarter du consensus mondial sur les taux d’intérêt illustre la complexité des défis économiques auxquels le Japon est confronté.
Alors que la Fed se prépare à abaisser ses taux en réponse à des pressions inflationnistes décroissantes, la BOJ semble déterminée à normaliser sa politique monétaire, même si cela signifie aller à contre-courant des tendances globales.
La BOJ doit toutefois naviguer avec prudence. La hausse des taux, bien qu’elle puisse aider à contenir l’inflation, risque de freiner la consommation intérieure, déjà affaiblie, et de ralentir la reprise économique postpandémie.
De plus, la sensibilité accrue de l’inflation aux fluctuations du yen ajoute une couche supplémentaire de complexité à la gestion des attentes inflationnistes.
En définitive, en relevant ses taux d’intérêt, la BOJ a envoyé un signal fort sur son engagement à normaliser sa politique monétaire, malgré les risques associés.
Cette décision marque une rupture significative avec la tendance mondiale, illustrant les défis uniques auxquels le Japon est confronté.
Alors que la BOJ continue d’ajuster sa politique en réponse à des pressions internes et externes, la trajectoire future de l’économie japonaise et sa place dans le paysage économique mondial resteront sous surveillance étroite.
Les implications sur l’économie tunisienne
La décision de la Banque du Japon de relever ses taux d’intérêt, bien que centrée sur les dynamiques économiques internes du Japon, pourrait avoir des implications notables pour l’économie tunisienne, principalement à travers les canaux du commerce international, des taux de change et des flux de capitaux.
Premier canal, l’impact sur les taux de change et le commerce extérieur
Un yen plus fort, résultant potentiellement de la hausse des taux d’intérêt au Japon, pourrait modifier les termes de l’échange entre la Tunisie et le Japon.
Si le yen se renforce par rapport au dinar tunisien, les importations de produits japonais en Tunisie, comme les équipements électroniques et automobiles, deviendraient plus coûteuses. Cette hausse des coûts pourrait entraîner une augmentation des prix pour les consommateurs tunisiens, affectant ainsi leur pouvoir d’achat.
En revanche, pour les exportateurs tunisiens qui vendent sur le marché japonais, un yen plus fort pourrait rendre les produits tunisiens plus compétitifs en termes de prix, stimulant potentiellement les exportations.
Cependant, ces bénéfices pourraient être limités par la capacité de la Tunisie à répondre à une demande accrue, surtout dans un contexte économique où l’accès aux matières premières et aux intrants importés pourrait être affecté par des taux de change défavorables.
Deuxième canal, les effets sur les flux de capitaux et les investissements
La divergence entre la politique monétaire japonaise et celle des autres grandes économies, comme les États-Unis, pourrait également influencer les flux de capitaux vers les marchés émergents, dont la Tunisie.
Un Japon offrant des rendements plus élevés sur ses actifs financiers pourrait attirer des capitaux qui auraient autrement été investis dans des marchés émergents, y compris la Tunisie.
Cette réallocation des capitaux pourrait réduire l’accès de la Tunisie aux investissements étrangers, augmentant ainsi la pression sur la balance des paiements et le financement du déficit commercial.
Troisième canal, les conséquences sur les matières premières et l’inflation
Si la hausse des taux au Japon contribue à renforcer le yen, cela pourrait avoir un effet modérateur sur les prix des matières premières en dollars, comme le pétrole, qui est crucial pour l’économie tunisienne.
Un yen plus fort pourrait contribuer à réduire la pression sur les prix mondiaux du pétrole, ce qui serait bénéfique pour la Tunisie, un importateur net de pétrole.
Cependant, les effets positifs pourraient être contrebalancés par un éventuel affaiblissement du dinar face au yen, ce qui rendrait les importations de produits énergétiques et autres plus onéreuses.
Quatrième canal, les perspectives et stratégies pour la Tunisie
Dans ce contexte, la Tunisie pourrait avoir à adapter sa politique économique pour atténuer les effets potentiels de la politique monétaire japonaise.
Cela pourrait inclure des mesures pour diversifier les sources d’importations, réduire la dépendance aux marchés extérieurs volatils, et renforcer les capacités de production nationale pour minimiser l’impact des fluctuations des taux de change.
Il est également crucial pour la Tunisie de suivre de près l’évolution des politiques monétaires mondiales et de préparer des scénarios d’adaptation pour maintenir la stabilité économique interne, tout en cherchant à tirer parti des opportunités potentielles offertes par les changements dans l’économie japonaise.
En somme, la décision de la BOJ de relever ses taux d’intérêt, bien qu’elle puisse sembler éloignée, a des ramifications potentielles pour l’économie tunisienne.
Les autorités tunisiennes et les opérateurs devront surveiller attentivement les évolutions mondiales et ajuster leur politique en conséquence pour atténuer les impacts négatifs tout en maximisant les opportunités économiques.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)