Les États membres de l’ONU ont adopté, jeudi 8 août 2024, un traité pour lutter contre la cybercriminalité, le premier texte du genre approuvé par l’organisation, malgré la forte opposition des militants des droits de l’homme qui ont mis en garde contre les dangers potentiels liés à la censure. Le nouveau traité entrera en vigueur une fois ratifié par 40 États membres.
Après trois ans de négociations et un dernier cycle de deux semaines à New York, les Etats membres ont approuvé à l’unanimité la « Convention des Nations unies contre la cybercriminalité ». Celle-ci sera présentée à l’Assemblée générale pour adoption formelle.
La diplomate algérienne Fawzia Boumaiza Mbarki, présidente du comité de rédaction du traité, a déclaré sous les applaudissements : « Je considère les documents… approuvés. Merci beaucoup, félicitations à tous ».
Le comité a été créé suite à une première initiative présentée par la Russie en 2017, et malgré l’opposition américaine et européenne.
Le nouveau traité entrera en vigueur une fois ratifié par 40 États membres et vise à « prévenir et combattre la cybercriminalité de manière plus efficace et efficiente », notamment en ce qui concerne les images d’abus sexuels sur des enfants et le blanchiment d’argent.
Censure mondiale
Mais ses détracteurs, une coalition inhabituelle de militants des droits de l’homme et de grandes entreprises technologiques, condamnent son expansion, affirmant qu’elle pourrait équivaloir à un traité de « censure » mondial et être utilisée à des fins de répression.
Le texte approuvé stipule que tout État membre peut, lors d’une enquête sur un délit passible d’une peine d’emprisonnement d’au moins quatre ans en vertu du droit national, demander aux autorités d’un autre État toute preuve électronique liée au délit, ainsi que demander des données auprès des fournisseurs de services Internet.
Deborah Brown, de Human Rights Watch, a déclaré dans une déclaration à l’Agence France-Presse que cette affaire serait « un désastre pour les droits de l’Homme et un moment sombre pour les Nations Unies », qualifiant l’accord d' »outil de surveillance multilatéral sans précédent ».
Dans ce contexte, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’Homme a exprimé de sérieuses réserves sur le texte et a appelé cette semaine les États à « veiller à ce que les droits de l’homme soient au cœur du traité ». « Les défenseurs des droits humains, les chercheurs et les enfants ne doivent pas craindre la criminalisation d’activités protégées », a-t-elle ajouté sur la plateforme X.
S’il existe un consensus sur la lutte contre la pédopornographie et l’exploitation sexuelle des enfants, certains s’inquiètent de la potentielle criminalisation des selfies intimes ou des photos prises par un mineur lors d’une relation sexuelle consensuelle.
Garanties
De son côté, Nick Ashton-Hart, qui dirigeait la délégation de l’organisation Cyber Security Tech Accord dans ces négociations, qui comprend plus de 100 entreprises du secteur comme Microsoft et Meta, a déclaré à l’Agence France-Presse : « Malheureusement, (le comité) a adopté un accord sans remédier aux défauts majeurs qu’il a identifiés. La société civile, le secteur privé et même la Commission des droits de l’homme des Nations unies. Il a ajouté : « Nous pensons que les pays ne devraient pas signer ou mettre en œuvre ce traité ».
Mais contrairement à lui, certaines délégations estiment que le traité accorde trop de place aux droits de l’homme.
Il y a quelques jours, la Russie, partisan historique de ce traité, a déploré que le texte soit devenu « saturé de garanties en matière de droits de l’homme », accusant certains pays de chercher à atteindre « des objectifs égoïstes et étroits sous le slogan des valeurs démocratiques ».
Lors de la séance d’approbation du texte jeudi, l’Iran a tenté de supprimer de nombreuses dispositions qui, selon lui, contenaient des « défauts majeurs ».