Dans son rapport 2024 sur la parité entre les genres, le célèbre Global Gender Gap, le Forum économique mondial (WEF), a classé la Tunisie à la 115e place mondiale sur un total de pays listés de 146. Avec un score de 0,668, la Tunisie a certes progressé de 13 places par rapport à 2022 mais ce classement demeure préoccupant pour un pays qui a construit, depuis son accès à l’indépendance en 1956, son image de marque à l’étranger sur l’émancipation de la femme.
Pis, un pays comme les Emirats arabes unis (EAU) qu’on qualifiait, dans les années 80, de « pays bédouin hyper-conservateur », a fait mieux que la Tunisie en se classant, en 2024, au 74e rang mondial avec un score de 0,713.
Global Gender Gap, publié par le WEF, depuis 2006, examine les inégalités et l’évolution des disparités entre les genres en se basant sur quatre piliers clés : la participation et les opportunités économiques, le niveau d’éducation, la santé et la survie, l’autonomisation politique.
L’IACE met en doute la crédibilité du rapport
Ce rapport a été fortement critiqué par les divers think tanks, dont l’Institut arabe des chefs d’entreprise (IACE), partenaire du WEF en Tunisie. Dans une note rendue publique en 2023, l’IACE signalait plusieurs « incohérences » et « insuffisances » sujettes à polémique.
À titre indicatif, il relève que cet indice mesure le gap entre les genres mais ne prend pas en compte le degré d’émancipation.
Et l’IACE de préciser : « L’indice ne mesure pas les niveaux absolus de progrès ou de développement des femmes, mais plutôt les écarts entre les hommes et les femmes dans différents domaines. Par exemple, en ce qui concerne l’éducation, l’indice mesure le gap entre les genres en matière d’accès à l’éducation, sans tenir compte du taux d’éducation des filles ».
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Cette approche est adoptée, d’après l’IACE, afin de ne pas pénaliser les pays disposant de ressources limitées.
En effet, l’indice prend en compte les résultats (outputs) plutôt que les inputs. Par exemple, l’indice mesure l’écart entre les genres en termes de durée passée dans des postes de haute responsabilité plutôt que de prendre en compte la durée du congé de maternité ».
Pour l’IACE, cette approche met l’accent sur les disparités observées en fonction des résultats plutôt que des facteurs ou des moyens.
La parité entre hommes et femmes n’est pas pour demain
Pour revenir au classement de 2024, le WEF fait le constat pessimiste suivant. Il indique que « les inégalités entre les hommes et les femmes continuent à être réduites mais à un rythme plus lent qu’auparavant. Selon les estimations du WEF, il faudra 134 ans, soit cinq générations, pour combler l’écart entre les hommes et les femmes dans le monde, contre 131 ans en 2023 ».
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Le WEF table sur les multiples élections qui vont avoir lieu cette année dans le monde pour faire avancer la parité entre femmes et hommes. Il fait remarquer à ce propos que « le super cycle électoral de cette année pourrait, toutefois, réduire cet écart en augmentant la représentation des femmes dans la sphère politique ».
L’Islande championne incontestée de la parité
Par pays, l’Islande a été classée par Global Gender Gap comme le pays le plus égalitaire au monde pour la 15e année consécutive et le seul pays à avoir comblé 93,5% de son écart entre les hommes et les femmes. Elle est suivie dans le top 10 par la Finlande, la Norvège, la Nouvelle-Zélande, la Suède, Nicaragua, l’Allemagne, la Namibie, l’Irlande et l’Espagne. Bien qu’aucun pays n’ait encore atteint la parité totale, les dix premiers pays du classement ont comblé au moins 80% de leur écart.
Par continent, l’Europe reste en tête, avec un score de parité de 75%, légèrement devant l’Amérique du Nord, où 74,8% de l’écart a été comblé.
L’Amérique latine, qui se classe en troisième position avec un score de 74,2%, a connu la plus forte amélioration de toutes les régions depuis la création de l’indice.
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L’Asie de l’Est et le Pacifique, quant à eux, affichent un score de 69,2%, légèrement supérieur à celui de l’Asie centrale (69,1%), de l’Afrique subsaharienne (68,4%) et de l’Asie du Sud (63,7%).
Le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord se classent au dernier rang avec 61,7%.
B.K.