Par Béchir Lakani
« Cette médaille d’or est ma réponse à tout ce qui s’est passé », a déclaré la championne algérienne Imane Khelif en réaction à la campagne infâme de déstabilisation dont elle était l’objet. Laquelle aurait mis à mal les relations stratégiques entre Alger et Moscou.
La campagne médiatique contre la boxeuse Imane Khelif visait-elle à empêcher que l’hymne national algérien ne retentisse dans le ciel de la capitale française à l’occasion des Jeux olympiques de Paris 2024 ?
C’est que l’affaire de la boxeuse algérienne médaillée d’Or qui était en amont un complexe cas de figure médico-sportif, a pris une tournure politique avec l’intervention de Donald Trump et de Georgia Meloni. En passant par la chaîne saoudienne Al-Arabiya qui avait accusé l’athlète algérienne d’être transgenre ; ce qui a failli provoquer une crise diplomatique entre l’Algérie et l’Arabie saoudite. Et pour finir à l’ONU où les relations privilégiées entre Alger et Moscou ont été mises à rude épreuve.
Déclarée fille et élevée comme telle
C’est l’abandon de la boxeuse italienne Angelina Carini qui a été à l’origine de la controverse. Après seulement 46 secondes de combat, l’adversaire d’Imane, qui encaisse un puissant direct en plein visage, refuse de poursuivre le combat et fond en larmes en criant à l’injustice sous prétexte qu’elle combattait contre un homme.
Un homme ? Biologiquement Imane Khelif est hyperandrogène parce que les taux d’hormones masculines comme la testostérone sont particulièrement élevés. Pourtant, à sa naissance, elle a été déclarée fille et élevée socialement toute sa vie comme une fille.
A noter à ce propos qu’au 1er août 2024, le Comité international olympique (CIO) déclare dans un communiqué officiel que la boxeuse algérienne respecte les règles d’éligibilité. Comme pour toutes les compétitions de boxe olympiques, le sexe et l’âge des athlètes sont basés sur leur passeport. Et sur son passeport, Imane Khelif est bien une femme !
Aussitôt, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, monte au créneau en dénonçant un combat pipé à l’origine. « Les athlètes présentant des caractéristiques masculines ne devraient pas être autorisés à participer aux compétitions féminines. Il ne s’agit pas de discriminer qui que ce soit, mais de protéger le droit des athlètes féminines à participer à armes égales », a-t-elle affirmé.
Le sujet s’invite même aux États-Unis où le candidat républicain à l’élection présidentielle, Donald Trump, s’en offusque : « Je garderai les hommes hors du sport féminin », a-t-il écrit en majuscule sur son réseau Truth Social.
Couac diplomatique à l’ONU
Mais c’est au siège des Nations unies à New York que les choses prennent une tournure inattendue. Ainsi, lors d’une séance du Conseil de sécurité sur les droits des femmes, le représentant de la Russie dénonce que lors des Jeux olympiques de Paris, « des femmes boxeuses ont fait l’objet de violences publiques de la part d’athlètes qui ont échoué au test hormonal de l’Association internationale de boxe et qui sont des hommes ».
Et de conclure : « Les droits des femmes pâtissent de tout point de vue de la plateforme LGBT que l’Occident cherche à imposer au monde entier ». Une allusion, de manière implicite, à la championne algérienne.
Réponse cinglante de la part du représentant de l’Algérie : « Je suis désolé de demander à nouveau la parole. La délégation de mon pays ne souhaitait pas voir mêlés la politique et le sport, particulièrement lors des Jeux olympiques qui se déroulent en ce moment ».
Cela dit, rappelle le diplomate algérien, Imane Khelif, « qui fait la fierté des vaillantes femmes algériennes, est une femme, née et élevée en tant que telle », insistant sur le fait qu’elle a toujours pratiqué le sport en tant que femme et qu’il n’y a « pas le moindre doute sur son appartenance à la gent féminine ».
Et d’ajouter que ceux qui prétendent le contraire « doivent obéir à des agendas inavoués ». L’accusation est grave !
Accusations gravissimes
Commentaire d’un éditorialiste algérois : « Dans son délire homophobe et antioccidental, la Russie est allée jusqu’à affronter son allié algérien et mener une campagne haineuse à travers l’Association internationale de boxe que Moscou contrôle indirectement ».
« La Russie est engagée dans une confrontation globale avec l’Amérique et l’Occident, qu’elle décrit comme une question de vie ou de mort, et dans cette confrontation, la priorité est toujours dans l’intérêt de la Russie. S’il s’agit de piétiner les intérêts des pays “amis”, ils le feront sans hésiter, et c’est sous cet angle qu’il faut lire le comportement de la Russie en Libye et au Sahel et, avant, en Syrie, jusqu’à l’allusion à la boxeuse algérienne au Conseil de sécurité », analyse pour sa part le journaliste Nadjib Belhimer.
Du jamais vu dans les relations entre Alger et son allié russe !
La controverse olympique au Conseil de sécurité de l’ONU est-elle de nature à refroidir les relations entre l’Algérie et son allié de longue date, ou un simple nuage passager ? Certes, le « malentendu » sera circonscrit mais les blessures risquent de laisser des traces.