Le Code du statut personnel (CSP), promulgué il y a 68 ans, a largement émancipé la femme tunisienne. Une femme qui, tout au long de l’histoire du pays, a participé à la vie politique.
Neuf ministres. Le nombre de femmes au sein du gouvernement actuel est ressenti comme une véritable fierté. Ce nombre apporte toute la mesure de la place des femmes dans la gestion des affaires du pays. Mais, il n’y pas que cela. Car, nombre d’entre elles gèrent des départements jugés importants, notamment en relation avec l’économie. Comme ceux de l’Économie et de la Planification (Feryel Ouerghi), des Finances (Sihem Boughdiri Nemsia), de l’Industrie, des Mines et de l’Énergie (Fatma Thabet), du Commerce et du Développement des exportations (Kalthoum Ben Rejeb), de l’Equipement et de l’Habitat (Sara Zaafrani Zenzri), de l’Environnement (Leyla Chikaoui), sans oublier bien entendu la Justice (Leyla Jaffel) mais aussi de la Femme et de la Famille, Amel Moussa Belhaj.
Et cette présence féminine dans le gouvernement est jugée aujourd’hui on ne peut plus normale. En tout cas, elle est synonyme de la place que la femme occupe dans la société tunisienne. Elle exprime aussi une volonté politique réelle d’enraciner un vécu sociétal. Kaïs Saïed a même choisi de nommer, et pour la première fois en Tunisie, en octobre 2021, une femme à la tête du gouvernement, en l’occurrence Najla Bouden Romdane.
Le quart de la population active
Trait sans doute distinctif de la plupart de ces ministres femmes : elles sont parées de diplômes. Et ont pour l’essentiel, avant d’en arriver là, occupé de hautes fonctions ou enseigné à l’université tunisienne. Un vécu qui ressemble du reste bien à la Tunisie. À l’heure où le pays célèbre le 68e anniversaire de la promulgation du Code du statut personnel (CSP), il est utile de le souligner. Un code promulgué bien avant l’instauration de la République. Donc une année avant que le président Habib Bourguiba ne devienne le maître du pays.
Les chiffres relatifs à la condition féminine en disent long, selon nombre d’observateurs, sur la perspicacité du premier président de la République tunisienne. Les femmes représentent aujourd’hui environ le quart de la population active et travaillent dans tous les corps de métier, dont l’armée, l’aviation civile ou militaire et la police, et elles représentent environ 72 % des pharmaciens, 42 % du corps médical, 27 % des magistrats, 31 % des avocats et 40 % des professeurs d’université. En outre, entre 10 000 et 15 000 d’entre elles sont chefs d’entreprise.
Alors qu’elle était en détention
La participation de la femme tunisienne à la vie politique ne date pas du reste de la promulgation du Code du statut personnel. Et sans remonter à Elyssa, la princesse phénicienne qui a fondé Carthage, ou encore à la Kahena, cette reine guerrière berbère qui a combattu les Omeyyades, lors de la conquête musulmane du Maghreb au VIIe siècle, de nombreux noms nous viennent à l’esprit en matière de militantisme féminin. Qui ne connaît pas Om Millel, cette princesse sanhaji, qui a été la régente du prince Moez Ibnou Badis pendant neuf ans avant qu’il n’accède au trône. Et ce, après le décès de son père, Badis Ben Mansour ? Ou encore Aziza Othmana, cette princesse de la dynastie des Mouradites surtout célèbre pour ses oeuvres de bienfaisance. Et Tawhida Ben Cheikh (1909-2010), connue pour être la première femme musulmane du monde arabe ou au moins du Maghreb à exercer comme médecin, pédiatre puis gynécologue. D’ailleurs, elle figure depuis quelques années sur sons billets de dix dinars.
Plus proche de nous, l’histoire évoque le nom de militantes comme Bechira Ben Mrad (notre photo), qui a fondé, en 1936, l’Union musulmane des femmes de Tunisie (UMFT), Radhia Haddad (présidente de l’Union nationale des femmes tunisiennes – UNFT), Aïcha Bellagha (première présidente de cette Union), Majida Boulila – « placée en détention dans le camp pénitentiaire de Téboursouk alors qu’elle est enceinte de sa deuxième fille ». Majida Boulila va du reste succomber au moment de son accouchement alors qu’elle était en détention.
Reste que la présence de la femme en politique en Tunisie n’est pas malgré tout toujours déterminante. Les femmes ne représentaient que 5 % des candidats en 2019.