Au 16 août 2024, l’économie tunisienne se trouve dans un contexte de stabilité relative, bien que certains indicateurs économiques et financiers montrent des signes de tension.
Cette contribution propose une analyse détaillée de ces indicateurs et explore leurs implications pour l’avenir économique du pays (source : BCT).
I – L’évolution économique et financière.
Solde du compte courant du trésor : fragilité budgétaire
Le solde du compte courant du Trésor a subi une chute notable, passant de 860,2 millions de dinars tunisiens (MDT) à 620,6 MDT en une seule journée, soit une diminution de 239,6 MDT. Cette baisse pourrait refléter des tensions croissantes sur les finances publiques, potentiellement en raison de décaissements importants ou d’une baisse des recettes. Cette situation pourrait signaler une fragilité budgétaire nécessitant une gestion prudente pour éviter des déséquilibres plus importants.
Solde du compte courant ordinaire des banques : une amélioration
Le solde du compte courant des banques a augmenté de 41,3 MDT pour atteindre 378,3 MDT. Cette amélioration peut indiquer une meilleure liquidité dans le système bancaire, mais elle pourrait également signaler une réduction de la demande de crédit à court terme, les banques préférant conserver leurs liquidités en période d’incertitude.
Billets et monnaies en circulation : demande croissante
Les billets et monnaies en circulation ont enregistré une hausse marginale de 23 MDT, atteignant un total de 22 578 MDT. Cette augmentation pourrait être liée à une demande accrue de liquidités, peut-être en raison de paiements saisonniers ou d’une inflation persistante, qui continue de peser sur le pouvoir d’achat.
Marché monétaire : gestion plus stricte
– Appel d’offres de la BCT** : Le volume des appels d’offres est resté stable à 4 600 MDT, bien en deçà des niveaux précédemment observés (7 900 MDT). Cela pourrait indiquer une gestion plus stricte de la liquidité par la Banque Centrale de Tunisie (BCT).
– Opérations de refinancement à long terme : Ces opérations continuent de diminuer, suggérant soit une amélioration de la liquidité bancaire, soit une réduction de la demande pour des financements à long terme.
– Facilité permanente de dépôt à 24h** : Le solde négatif accru à -538,0 MDT reflète une tendance des banques à déposer davantage de liquidités excédentaires auprès de la BCT.
– Facilité permanente de prêt à 24h** : L’augmentation à 620,0 MDT signale un besoin temporaire de liquidités supplémentaires de la part des banques.
– Volume global du refinancement** : En baisse de 1 949,0 MDT, ce volume atteint 13 593,9 MDT, ce qui pourrait indiquer une baisse de la demande en liquidités de la part des banques.
Bons du Trésor : un désintérêt du marché
L’encours des Bons du Trésor à court terme a augmenté à 10 529,0 MDT, reflétant un recours plus important au financement à court terme pour couvrir les besoins budgétaires immédiats. En revanche, l’encours des Bons du Trésor Assimilables a diminué de 367,4 MDT, suggérant soit un désintérêt du marché, soit des difficultés du gouvernement à émettre de la dette à plus long terme.
Recettes touristiques cumulées : performance positive
Les recettes touristiques cumulées ont progressé de 421,8 MDT en une semaine, atteignant 4 176,0 MDT. Cette performance positive du secteur touristique, crucial pour l’économie tunisienne, constitue une source essentielle de devises et un soutien à la balance des paiements.
Revenus du travail cumulés : en progression
Les revenus du travail en espèces ont augmenté de 324,2 MDT pour atteindre 4 772,8 MDT. Cette progression soutient la consommation intérieure, un pilier majeur de la croissance économique, et contribue à stabiliser le niveau de vie des ménages tunisiens.
Service de la dette extérieure cumulée : en nette progression
Le service de la dette extérieure a connu une hausse significative de 3 177,0 MDT, atteignant 9 760,9 MDT. Cette augmentation pourrait peser lourdement sur les finances publiques, limitant ainsi les marges de manœuvre budgétaires et augmentant le risque de surendettement.
Avoirs nets en devises : un signal positif
Les avoirs nets en devises de la BCT ont augmenté pour atteindre 25 000,1 MDT, ce qui représente 113 jours d’importation. Cette amélioration est un signal positif pour la stabilité macroéconomique du pays, renforçant la capacité de la Tunisie à faire face à des chocs externes.
Taux de change : une gestion active de la BCT
Le dinar tunisien s’est légèrement apprécié par rapport au dollar américain et à l’euro. Cette appréciation pourrait aider à atténuer les pressions inflationnistes importées, tout en reflétant une gestion active de la BCT visant à stabiliser la monnaie nationale.
II – Activité boursière en Tunisie : semaine du 12 au 16 août 2024
Le marché boursier tunisien a montré une légère volatilité durant la semaine du 12 au 16 août 2024. L’indice TUNINDEX a progressé de 0,24 %, clôturant à 9 817,14 points, tandis que le TUNINDEX20, regroupant les 20 plus grandes capitalisations, a enregistré une hausse hebdomadaire de 0,32 %. La capitalisation boursière globale a également augmenté de 6,36 % pour atteindre 26 018 MDT, avec une variation annuelle de 12,19 %.
Performance sectorielle.
- Banques : Performance mitigée, avec UIB en tête (+1,65 %) mais des baisses pour BH Bank (-2,07 %) et STB (-0,62 %).
- Agroalimentaire et Boissons : POULINA GP HOLDING a affiché la meilleure progression (+2,17 %), tandis que DELICE HOLDING (-1,39 %) et SFBT (-0,57 %) ont reculé.
- Assurances : Bilan contrasté, avec une légère hausse pour ASSUR MAGHREBIA (+0,38 %) mais des baisses pour STAR (-0,59 %) et ASTREE (-1,54 %).
- Distribution : Forte progression de MAGASIN GENERAL (+9,22 %) et UADH (+8,51 %), alors qu’ARTES a légèrement baissé (-0,48 %).
- Biens et Services Industriels : EURO-CYCLES a dominé ce secteur avec une hausse de 11,59 %, tandis qu’ONE TECH HOLDING a reculé de 0,32 %.
- Technologie : Secteur en difficulté, avec une forte baisse pour AETECH (-10,71 %) et TELNET HOLDING en recul de 1,12 %.
III. Perspectives à Court et Moyen Terme
A court terme.
– Pressions sur les finances publiques : La baisse du solde du compte courant du Trésor et l’augmentation du recours aux Bons du Trésor à court terme signalent des tensions budgétaires. La Tunisie pourrait être amenée à chercher des sources de financement supplémentaires, potentiellement via des emprunts internationaux ou des réformes fiscales.
– Liquidité bancaire stable mais sous surveillance : Bien que la stabilité semble présente sur le marché monétaire, les banques pourraient faire face à des pressions si les conditions économiques se détériorent ou si les besoins de financement augmentent.
A moyen terme
– Croissance dépendante des recettes touristiques et des transferts de travailleurs : La bonne performance des recettes touristiques et des revenus du travail pourrait soutenir la croissance économique. Cependant, ces sources de revenus sont sensibles aux conditions extérieures et aux politiques intérieures.
– Risque de surendettement : L’augmentation du service de la dette extérieure est préoccupante. Sans une stratégie de gestion de la dette plus rigoureuse, la Tunisie pourrait rencontrer des difficultés croissantes pour honorer ses obligations financières.
– Stabilité monétaire fragile : Bien que les réserves en devises soient en hausse, la Tunisie devra maintenir une politique monétaire prudente pour éviter des fluctuations importantes du dinar, qui pourraient déstabiliser l’économie.
Perspectives de la Bourse de Tunis
Le marché boursier tunisien, malgré sa volatilité, montre des signes de résilience grâce à une capitalisation en hausse et une tendance annuelle positive. Les secteurs de la distribution et des biens industriels apparaissent prometteurs, tandis que le secteur technologique rencontre des défis à court terme. Les investisseurs devront faire preuve de sélectivité pour naviguer dans ce contexte de performances sectorielles variées.
En définitive, l’économie tunisienne présente des signes de résilience, mais elle reste exposée à des risques importants, notamment sur le plan budgétaire et de la dette.
Des réformes structurelles seront nécessaires pour assurer une croissance économique soutenue et durable dans les années à venir.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)