L’économie tunisienne, en ce mois d’août 2024, se retrouve à un carrefour crucial, marqué par des développements significatifs sur plusieurs fronts monétaires et financiers. La dernière actualisation des indicateurs clés met en lumière des dynamiques contrastées, révélant à la fois des opportunités et des défis majeurs à surmonter.
Un solde du compte courant du trésor en amélioration.
Le solde du compte courant du Trésor a enregistré une progression notable, atteignant 2 031,5 MDT au 22 août 2024, contre 1 205,0 MDT la veille et 986,5 MDT à la même période l’an dernier.
Cette augmentation de 826,5 MDT en glissement annuel reflète une gestion plus efficace des finances publiques, possiblement attribuable à une hausse des recettes fiscales ou à une maîtrise plus rigoureuse des dépenses de l’État.
Une contraction de la liquidité bancaire.
À l’opposé, le solde du compte courant des banques a chuté de manière significative, passant de 333,6 MDT en 2023 à 151,7 MDT en 2024. Cette diminution de 181,9 MDT pourrait indiquer une contraction de la liquidité bancaire, résultant peut-être de tensions sur le marché monétaire ou d’une augmentation des réserves obligatoires.
Ce phénomène souligne les difficultés rencontrées par les institutions financières tunisiennes dans la gestion de leurs ressources en liquidités.
Une expansion des billets et monnaies en circulation.
Le volume des billets et monnaies en circulation a atteint 22 617 MDT, marquant une hausse de 2 105 MDT par rapport à l’année précédente.
Cette expansion monétaire pourrait signaler une demande accrue de liquidités dans l’économie, en réponse à des facteurs tels que l’inflation persistante ou une croissance économique modérée.
Cela reflète également une tendance à l’augmentation de la masse monétaire en circulation, potentiellement liée aux besoins croissants des ménages et des entreprises.
L’interventions de la Banque centrale : entre précaution et stabilité.
La Banque Centrale de Tunisie (BCT) a maintenu un niveau élevé d’interventions sur le marché monétaire, avec un volume global de refinancement de 13 498,9 MDT au 23 août 2024, bien que ce chiffre soit en légère baisse par rapport à 2023. Le taux directeur est resté stable à 8%, tandis que le taux du marché monétaire (TM) a légèrement diminué à 7,99%. Les opérations d’open market ont, quant à elles, augmenté, traduisant une politique monétaire proactive visant à stabiliser les conditions de liquidité.
Un recours accru aux bons du trésor à court terme.
L’encours des Bons du Trésor à court terme a augmenté de 1 988,3 MDT pour atteindre 10 529,0 MDT, témoignant d’un recours accru à ce type de financement pour répondre aux besoins de trésorerie de l’État.
Parallèlement, les Bons du Trésor Assimilables ont légèrement reculé, suggérant une réorientation de la stratégie de financement de la dette publique vers des instruments à plus court terme.
Une reprise modérée du secteur touristique.
Les recettes touristiques cumulées ont progressé pour s’établir à 4 528,9 MDT, soit une augmentation de 284,7 MDT par rapport à l’année précédente. Cette reprise modérée du secteur touristique est encourageante, bien qu’elle reste fragile face aux aléas géopolitiques et économiques régionaux.
Une hausse des revenus du travail cumulés.
Les revenus du travail cumulés en espèces ont également connu une hausse, atteignant 5 061,7 MDT au 20 août 2024.
Cette augmentation de 288,9 MDT peut être liée à une amélioration des transferts de la diaspora, qui jouent un rôle crucial dans le soutien à la consommation domestique.
Un service de la dette extérieure en forte augmentation.
Le service de la dette extérieure cumulée a bondi à 9 989,9 MDT, en hausse de 3 171,7 MDT par rapport à l’année précédente.
Cette augmentation significative reflète l’impact des remboursements des emprunts contractés les années précédentes, ajoutant une pression supplémentaire sur les réserves en devises et accentuant la vulnérabilité économique du pays.
Une pression sur les réserves en devises et une dépréciation du dinar.
Les avoirs nets en devises de la BCT ont diminué de 963,0 MDT, mais restent suffisants pour couvrir 114 jours d’importation.
Toutefois, cette baisse, couplée à la légère dépréciation du dinar face au dollar et à l’euro, pourrait avoir des implications négatives sur l’inflation importée, particulièrement sur les biens de consommation essentiels.
Les perspectives économiques : un chemin semé d’embûches.
À court terme, l’économie tunisienne est confrontée à des défis persistants, notamment en matière de liquidité bancaire, de gestion de la dette publique et de pression sur les réserves en devises.
La BCT devra probablement maintenir une politique monétaire prudente, en ajustant ses interventions pour stabiliser le marché et soutenir le dinar.
À moyen terme, la reprise du secteur touristique et l’afflux de transferts de la diaspora pourraient offrir un certain répit, en soutenant la demande intérieure et en réduisant quelque peu la pression sur la balance des paiements.
Cependant, la gestion de la dette extérieure et la stabilité du dinar demeureront des enjeux cruciaux, nécessitant des réformes structurelles approfondies pour renforcer la résilience de l’économie tunisienne face aux chocs externes.
L’avenir économique de la Tunisie dépendra en grande partie de sa capacité à améliorer le climat d’investissement, à mettre en œuvre des réformes économiques structurelles et à maintenir une stabilité politique indispensable pour attirer les investisseurs et soutenir la croissance économique à long terme.
=========================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)