En juillet 2024, le gouvernement tunisien a annoncé une augmentation de 5 % du Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) dans le secteur privé.
Cette mesure, visant à améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs, s’inscrit dans un contexte économique marqué par une inflation persistante et des tensions sociales croissantes.
Cette contribution se propose d’analyser les effets économiques et sociaux de cette décision en Tunisie.
Le contexte économique et social
L’économie tunisienne traverse une période difficile, caractérisée par une inflation élevée, un taux de chômage en hausse, et une croissance économique stagnante.
L’inflation, alimentée par la dépréciation du dinar tunisien et l’augmentation des prix des produits de base, a érodé le pouvoir d’achat des citoyens, exacerbant les inégalités sociales.
Dans ce contexte, l’augmentation du SMIG vise à atténuer ces effets en renforçant le revenu des travailleurs les plus vulnérables.
Effets économiques de l’augmentation du SMIG
* Au niveau du pouvoir d’achat et de la consommation intérieur :
L’augmentation du SMIG est censée améliorer le pouvoir d’achat des travailleurs à faible revenu, leur permettant de mieux subvenir à leurs besoins.
Cette augmentation de la consommation intérieure pourrait stimuler la demande de biens et services, favorisant ainsi la croissance économique à court terme.
Cependant, si l’inflation continue de grimper, ces gains pourraient être rapidement annulés.
* Au niveau des coûts de production et de la compétitivité :
Du côté des entreprises, surtout des PME, cette augmentation du SMIG pourrait entraîner une hausse des coûts de production.
Les entreprises pourraient être tentées de répercuter ces coûts sur les prix de vente, contribuant ainsi à une inflation supplémentaire.
De plus, dans un contexte de concurrence internationale, cette hausse des coûts de production pourrait affecter la compétitivité des entreprises tunisiennes, notamment celles orientées vers l’exportation.
* Au niveau de l’impact sur l’emploi :
Une augmentation des coûts salariaux pourrait également influencer les décisions d’embauche des entreprises.
Certaines pourraient réduire leurs effectifs ou retarder de nouvelles embauches pour compenser l’augmentation des salaires.
Cela pourrait aggraver la situation de l’emploi en Tunisie, où le taux de chômage est déjà préoccupant, en particulier chez les jeunes diplômés.
Les Effets Sociaux de l’Augmentation du SMIG
Le premier effet, au niveau de la réduction de la pauvreté :
Une augmentation du SMIG peut contribuer à réduire la pauvreté, notamment parmi les travailleurs non qualifiés.
En améliorant leur revenu, cette mesure peut renforcer la sécurité économique des ménages les plus vulnérables, leur offrant une meilleure qualité de vie.
Le deuxième effet, au niveau des inégalités sociales :
Si cette augmentation du SMIG profite principalement aux travailleurs du secteur formel, elle risque de creuser les inégalités entre ceux qui bénéficient de cette mesure et les travailleurs du secteur informel, qui représentent une part importante de l’économie tunisienne.
Ces derniers, souvent exclus des protections sociales, ne bénéficieront pas de cette augmentation, ce qui pourrait accentuer les tensions sociales.
Le troisième effet, au niveau des pressions sociales et politiques :
Dans un contexte où les revendications sociales sont de plus en plus fortes, cette augmentation du SMIG pourrait apaiser temporairement les tensions.
Cependant, si elle n’est pas accompagnée de mesures structurelles pour lutter contre l’inflation et le chômage, elle pourrait être perçue comme insuffisante. Les syndicats et autres acteurs sociaux pourraient donc maintenir la pression sur le gouvernement pour obtenir d’autres concessions.
Les perspectives :
Pour que cette augmentation du SMIG ait un impact positif durable, il est essentiel que le gouvernement accompagne cette mesure de réformes structurelles visant à stabiliser l’économie.
Cela inclut la lutte contre l’inflation, le soutien aux PME pour maintenir leur compétitivité, et l’intégration progressive des travailleurs du secteur informel dans l’économie formelle.
De plus, des politiques sociales ciblées, telles que des programmes de formation professionnelle et de soutien à l’emploi, sont nécessaires pour améliorer l’employabilité des jeunes et réduire le chômage.
Enfin, il est crucial de renforcer le dialogue social entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats pour garantir que les réformes économiques prennent en compte les besoins de l’ensemble des acteurs.
En définitive, l’augmentation de 5 % du SMIG dans le secteur privé en Tunisie est une mesure positive visant à soutenir les travailleurs à faible revenu dans un contexte économique difficile.
Cependant, pour maximiser ses effets bénéfiques et minimiser les risques, elle doit être intégrée dans une stratégie plus large de stabilisation économique et de réduction des inégalités.
Seul un ensemble cohérent de politiques économiques et sociales pourra garantir une amélioration durable des conditions de vie en Tunisie.
=======================
* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)