Depuis 2009, l’abondance de liquidités mondiales a soutenu la croissance des marchés financiers et des actifs en général. Cette reflation massive, alimentée par l’injection de trillions de dollars dans le système financier global, a été le principal moteur de l’appréciation des marchés, y compris dans des économies comme celle de la Tunisie, qui dépend fortement des flux de capitaux étrangers.
Certains analystes estiment que la majorité de la hausse des marchés boursiers mondiaux depuis 2009 est directement liée aux politiques monétaires expansionnistes des grandes Banques centrales. Aujourd’hui, maintenir ces niveaux de valorisation nécessiterait l’injection continue de milliards de dollars, un scénario de plus en plus incertain.
Cependant, à l’aube de 2025, le monde est confronté à des politiques monétaires divergentes entre les principales puissances économiques, créant un risque accru de déstabilisation globale. En Tunisie, où l’économie est déjà fragilisée par une crise structurelle et des déséquilibres macroéconomiques, ce contexte international pourrait avoir des répercussions désastreuses. Le resserrement de la politique monétaire aux États-Unis, avec la fin des taux d’intérêt bas et la perspective d’une hausse des taux, pourrait entraîner une fuite des capitaux et une pression accrue sur le dinar tunisien, qui est déjà sous tension.
Contrairement aux économies développées, la Tunisie ne dispose pas des mêmes leviers pour faire face à une telle crise. Alors que la Réserve fédérale américaine peut ajuster sa politique pour stabiliser l’économie, la Banque centrale de Tunisie (BCT) est limitée dans sa capacité à réagir face à une crise mondiale de liquidité en dollars. Le dollar reste la principale monnaie de réserve mondiale et joue un rôle central dans le financement des dettes extérieures tunisiennes. Toute hausse des taux d’intérêt américains pourrait provoquer une augmentation du coût de la dette tunisienne, aggravant une situation budgétaire déjà difficile.
En outre, l’effet domino de la raréfaction des dollars à l’échelle mondiale toucherait durement la Tunisie. La volatilité des prix des matières premières, qui affecte directement les recettes d’exportation du pays, réduirait encore davantage les réserves en devises, limitant la capacité du pays à importer des biens essentiels et à honorer ses obligations extérieures. Le cercle vicieux de la baisse des recettes et de l’augmentation des coûts d’emprunt pourrait conduire à une crise de la dette souveraine, avec des conséquences sociales et économiques profondes.
Déjà, les indicateurs financiers montrent une escalade du coût du risque. Les taux d’intérêt sur les emprunts tunisiens augmentent, reflétant la perception croissante du risque de défaut. Si dans les économies développées, les rendements des obligations ont commencé à remonter, la situation en Tunisie est encore plus préoccupante, avec des taux qui dépassent largement ceux observés en Europe ou dans d’autres pays émergents. Les investisseurs étrangers, autrefois attirés par des rendements élevés, pourraient commencer à se retirer, exacerbant la crise de liquidité.
Le monde, habitué à l’afflux de liquidités abondantes, se trouve désormais à un tournant décisif. Les répercussions de la hausse des taux d’intérêt américains, combinées à une raréfaction de la liquidité mondiale en dollars, se feront sentir en Tunisie de manière particulièrement aiguë.
La perspective d’une déstabilisation financière globale est réelle, et la Tunisie doit se préparer à naviguer dans cette tempête avec des marges de manœuvre extrêmement limitées.
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* Dr. Tahar EL ALMI,
Economiste-Economètre.
Ancien Enseignant-Chercheur à l’ISG-TUNIS,
Psd-Fondateur de l’Institut Africain
D’Economie Financière (IAEF-ONG)